L’imagerie médicale est actuellement au coeur du dispositif permettant au praticien d’établir un diagnostic ou de planifier une thérapie. Les avancées technologiques du XXème siècle ont en effet donné naissance à de nombreuses modalités d’imagerie, qui autorisent une vision toujours plus précise de l’anatomie des patients. En parallèle de ces progrès, la nécessité d’analyser les images issues de ces modalités s’est accrue, car les volumes de données à traiter sont très importants. Faute d’outils efficaces d’analyse automatique, l’exploitation des données est souvent faite manuellement.
Le recalage d’images tient une place très importante dans l’analyse et l’interprétation de ces données. Il permet, dans le cadre du diagnostic, de mettre en correspondance des images provenant de plusieurs modalité d’imagerie, de suivre le traitement d’un patient au cours du temps ou de réaliser des analyses inter-patients. Il permet également dans le cadre de la conduite de gestes interventionnels guidés par l’image, d’intégrer dans un même espace des informations issues d’images acquises en situations pré- et per-opératoires. L’utilisation des techniques de recalage a été rendue accessible par les progrès récents de l’informatique, et ces techniques autorisent aujourd’hui la combinaison d’informations provenant de différents imageurs. Néanmoins, le besoin de méthodes de recalage efficaces est toujours important à l’heure actuelle.
L’apport principal de ce travail de thèse est de proposer de nouvelles mesures de similarité basées sur les cumulants et le développement d’Edgeworth, et qui pour certaines d’entre elles approximent l’Information Mutuelle, qui est une mesure de similarité de référence en recalage. Les tests menés sur ces nouvelles mesures montrent leur efficacité pour le recalage d’images médicales. De plus, la généricité de l’approche proposée autorise l’utilisation de ces mesures dans des situations variées. Nous détaillons maintenant l’organisation de ce manuscrit.
Depuis trois décennies, l’imagerie médicale a connu un essor très important lié aux avancées technologiques dans le cadre de l’aide au diagnostic ou de l’aide à la thérapie. Il existe aujourd’hui une multitude de modalités d’imagerie médicale (radiologie conventionnelle, tomodensiométrie, Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM), échographie, scintigraphie, tomographie d’émission de photons simples (SPECT), Tomographie d’Emission à Positons (TEP), etc.), chacune apportant une information spécifique et complémentaire. Ces images, qui peuvent être de nature bi- ou tri-dimensionnelles et auxquelles la composante temporelle peut venir s’ajouter, représentent une masse de données très importante à analyser. Pourtant, ces données sont encore souvent exploitées manuellement, faute d’outils efficaces d’analyse semi-automatique ou automatique.
Le recalage d’images joue un rôle central dans l’exploitation et l’interprétation de ces images. En effet, il permet de comparer, voire de fusionner les données issues de différentes modalités d’imagerie ou de patients différents pour un examen donné, mais également le suivi de patient ou l’analyse inter-patients. Un intérêt croissant a été porté à ce domaine ces dernières années. On peut y voir deux explications : tout d’abord, les modalités d’acquisition d’imagerie médicale s’étant diversifiées, il est intéressant de pouvoir combiner ces images pour extraire d’avantage d’informations. Ensuite, les progrès de l’informatique rendent désormais possible des calculs inenvisageables il y a encore quelques années.
En quelques mots, le recalage d’images consiste à déformer par une transformation géométrique (ou spatiale) une image dite flottante pour la faire correspondre parfaitement à une autre, dite de référence. Sous ce principe simple se côtoient de nombreuses méthodes, avec des finalités cliniques différentes. Pour mieux appréhender les enjeux du recalage, nous allons commencer par donner un aperçu des applications médicales envisageables.
C’est le cas le plus simple. Ici, les images proviennent du même patient, prises avec la même modalité d’imagerie, mais à des instants différents. Les usages que l’on peut faire de ces images comprennent notamment :
– le contrôle d’opérations chirurgicales : une comparaison des images pré- et postopératoires permet de vérifier que l’acte chirugical a atteint le résultat escompté (ablation complète d’une tumeur, par exemple).
– le suivi de patient : des images ont été acquises sur différentes périodes, et sont comparées entre-elles pour juger de l’évolution de la pathologie ou pour rendre compte de l’efficacité d’un traitement.
– l’estimation de mouvement cardiaque : l’imagerie cardiaque permet d’évaluer la fonction cardiaque, d’un point de vue morphologique, dynamique et/ou fonctionnel. Typiquement, des images tomodensiométriques bi- ou tridimensionnelles (scanner, IRM, échographiques) sont acquises à différents instants du cycle cardiaque. Le but du recalage est, ici, d’estimer le mouvement du coeur à partir de ces séquences d’images.
– la compensation du mouvement respiratoire : lors de l’acquisition d’images médicales, le mouvement respiratoire du patient peut induire des artefacts sur les images ou des différences importantes entre des images prises à des instants différents. Le recalage peut ainsi être utilisé pour compenser ce mouvement respiratoire.
Cette démarche est plus complexe puisqu’il s’agit de mettre en correspondance des images qui peuvent être de natures différentes. Les applications typiques sont :
– la fusion de données : elle résulte de la combinaison de plusieurs modalités d’imagerie. Chaque modalité d’imagerie posséde ses caractéristiques propres, et apporte une information différente sur la pathologie ou l’organe considéré. Les modalités d’imagerie peuvent se décomposer en deux grandes familles complémentaires et spécifiques :
– imagerie anatomique (radiologie conventionnelle, scanner ou tomodensitométrie, IRM, échographie, etc).
– imagerie fonctionnelle (scintigraphie, PET, SPECT, échographie Doppler, IRM fonctionnelle, IRM de diffusion, etc). Aussi, il peut parfois être intéressant de fusionner ces différentes informations pour établir un meilleur diagnostic. La fusion de données va donc consister à recaler des images de modalités différentes. C’est un domaine en plein essor, notamment grâce aux avancées technologiques qui permettent de traiter des masses de données toujours plus importantes. La finalité est évidemment d’apporter un diagnostic plus précis, puisque se basant sur plusieurs types d’imageries complémentaires.
– la planification d’intervention : grâce à une meilleure connaissance de l’anatomie interne d’un patient, les médecins peuvent établir un meilleur diagnostic et ainsi mieux planifier leur intervention. En effet, les organes par exemple peuvent être de tailles et de formes différentes suivant les patients. Par une analyse d’images pré-opératoires, les médecins ont ainsi accès à une description anatomique précise de la cible, des organes à risques avoisinant la cible ou des risques liés à l’insertion d’instruments chirurgicaux. Il est important que chacune de ces descriptions soit précise, et la combinaison d’informations issues de modalités d’imagerie différentes permet d’améliorer la décision finale.
De nombreuses études évoquent la possibilité de comparer des données issues de plusieurs patients. Cela permet, par exemple, de détecter des pathologies par comparaison avec un groupe d’individus sains. Généralement, la solution retenue consiste à déformer des images individuelles pour les faire correspondre à un atlas standard. Par exemple, en imagerie cérébrale fonctionnelle, la création d’un atlas numérique consiste à moyenner les images d’une même modalité provenant de plusieurs patients sains (ceci implique une première étape de recalage inter patients). Une carte, ou modèle, de l’anatomie fonctionnelle du cerveau humain est ainsi obtenue. En recalant l’image du cerveau d’un patient sur cet atlas, il est possible de repérer la zone du cerveau lésée. L’utilisation des atlas numériques concernent de nombreuses applications, parmi lesquelles nous pouvons notamment citer :
– l’aide au diagnostic, par comparaison d’un individu à une population « terrain » représentée par un atlas.
– la comparaison de deux groupes d’individus entre-eux.
– l’apport d’information haut niveau. En effet, les atlas peuvent être utilisés comme source d’information pour des opérations telles que la segmentation, le recalage, la reconstruction, le suivi de lésions au cours du temps, etc.
Ces quelques exemples permettent d’entrevoir la place très importante qu’occupe le recalage dans l’analyse des images médicales. Au Laboratoire Traitement du Signal et de l’Image, les problématiques de recalage rencontrées sont nombreuses. Nous donnons ici quelques exemples, afin de situer notre travail. Tout d’abord, des travaux portent sur l’estimation du mouvement cardiaque à partir de séquences d’images tridimensionnelles. Cette estimation est un enjeu de premier ordre dans la détection des cardiopathies, et elle a bénéficié des progrès réalisés en imagerie dynamique, avec notamment le développement de l’échographie tridimensionnelle et du scanner multibarettes. Dans ce contexte, des méthodes de recalage dédiées aux volumes scanners 3D ont été proposées [Simon, 2005,Simon et al., 2005,Simon et al., 2006,Garreau et al., 2006]. Toujours dans le domaine de l’imagerie cardiaque, la thérapie de resynchronisation cardiaque, geste interventionnel difficile, peut être optimisé par une identification précise des sites de stimulation du ventricule gauche (VG), à partir d’informations anatomiques et électriques issues respectivement d’imagerie scanner multibarette et Cartographie Electro-Anatomique (CEA). Afin de représenter ces données dans un même environnement, une méthode de fusion d’informations en deux temps est proposée : (1) recalage rigide de surfaces ; (2) fusion de surface 3D et de cartographie électrique. Dans la première étape, deux surfaces 3D du VG obtenues à partir de la CEA et d’images scanner segmentées sont recalées de façon automatique ou semi-automatique. Dans la deuxième étape, les délais d’activation électrique (DAE) en chaque point de l’endocarde sont estimés depuis la CEA. Enfin, une interface graphique permet de visualiser les DAE sur le VG. Des travaux récents [Tavard et al., 2009,Tavard et al., 2010] proposent des méthodes de recalage/fusion d’information dans ce contexte applicatif. Dans le cadre du traitement du cancer de la prostate par radiothérapie guidée par l’image, le recalage non-rigide tient également une place importante au laboratoire. Les motivations pour l’utilisation du recalage sont multiples. Tout d’abord, la prédiction de toxicité est un enjeu fondamental, car elle permet de mieux contrôler les radiations reçues par le patient. Dans ce cadre, la mise au point d’un modèle statistique de toxicité permettrait de mettre en évidence des relations entre la dose distribuée et la survenue de toxicité. La construction de ce modèle passe par la mise au point d’un atlas, construit par recalage inter-patient, permettant le mapping de dose sur un modèle issu de cet atlas [Dréan et al., 2011, Acosta et al., 2011]. D’autre part, lorsqu’on essaie de faire un calcul de la dose cumulée reçue en cours de traitement, il est intéressant de pouvoir suivre les mouvements et la déformation des organes tout au long de ce traitement, pour savoir quelle dose de radiation est effectivement reçue par le patient. Cela apporte une aide précieuse à la planification des séances de radiothérapie. Dans ce contexte, des méthodes de recalage ont déjà été appliquées avec succès [Cazoulat et al., 2011]. Quelle que soit la finalité clinique, les méthodes de recalage d’images médicales font apparaître des enjeux communs. Souvent, les contraintes imposées par les tissus ou organes observés nécessitent la prise en compte de déformations complexes et non-rigides. C’est notamment le cas dans les exemples précédemment cités. De plus les volumes de données à analyser, de par les progrès de imageurs, sont toujours plus importants. Il faut donc se doter de méthodes de recalage efficaces pour traiter toutes ces images en un minimum de temps, la finalité étant un diagnostic rapide.
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