Modifications du régime alimentaire
Environ 70 % des patients avec un SII estiment que l’alimentation joue un rôle dans la sévérité de leurs symptômes [2]. En effet, une étude de vaste cohorte (n=1 200) a montré qu’une modification des habitudes alimentaires est associée à une diminution significative de leurs symptômes notamment en consommant de petites portions lors des repas (69 %), en augmentant la consommation de fibres (58 %) et en évitant les aliments gras (64 %), produits laitiers (54 %), glucides (43 %), caféine (41 %), alcool (27 %) ainsi que les aliments riches en protéines comme les produits carnés (21 %) [335]. Bien que des mécanismes d’activation de l’immunité et de l’inflammation de la muqueuse liés à une modification du microbiote intestinal et engendrés par des antigènes alimentaires aient pu être démontrés, les seules preuves soutenant l’existence d’allergies alimentaires à l’origine du SII incluent les améliorations perçues par les patients suivant les régimes d’exclusion et évitant les allergènes disodium cromoglycate et métacholine [2]. De plus, l’absence d’un « Gold standard » pour les tests de diagnostic d’allergies alimentaires et la difficulté pour les patients avec un SII de distinguer une allergie et une intolérance alimentaire dans les enquêtes, confirmée par les résultats d’une revue de Park et al. (2006) sur les allergies et les intolérances dans le SII montrant que les taux de réponses après exclusion alimentaire varient entre 15% et 71%, ne permettent pas au GT-SII-ACG de recommander l’exclusion des allergènes alimentaires pour la prise en charge du SII [11, 336, 337]. Le GT-SII-ACG recommande cependant de mener les tests sérologiques cœliaques en cas de SII-D ou SII-M et/ou d’intolérance au lactose (Tableau 4) [6]. Une étude non-contrôlée d’exclusion du gluten alimentaire menée auprès de 41 patients avec un SII-D sans confirmation sérologique de la maladie cœliaque a montré une diminution significative des anticorps IgG à la gliadine et l’observation de transglutaminase tissulaire après le régime d’exclusion [338]. Après 6 mois, la résolution des diarrhées (< 3 défécations par jour) et la diminution des symptômes du SII (douleur abdominale, ballonnement, distension, gaz, borborygmes) sont retournées aux valeurs initiales chez 60 % des patients présentant une sérologie cœliaque et porteur du groupe HLA-DQ2 et chez 12 % des sujets négatifs aux deux tests [338]. Plus récemment, l’essai contrôlé randomisé (ECR) de Vasquez-Roque et al. (2013) (n=45) et l’étude prospective de Aziz et al. (2016) (n=41) ont démontré une diminution significative des symptômes du SII chez les patients diagnostiqués avec un SII-D et en particulier ceux porteurs du groupe HLA-DQ2/8 [339, 340]. Néanmoins, ces résultats méritent d’être confirmés par des essais de plus large cohorte et de haute qualité méthodologique [339, 340]. En raison du mimétisme entre les symptômes du SII et ceux d’une intolérance au lactose, avérée ou non, et d’une prévalence plus élevée de cette intolérance dans la population de patients avec un SII en comparaison avec des sujets sains, la consommation de produits alimentaires doit être évitée ou diminuée si elle est associée à l’incidence ou une augmentation de la sévérité des symptômes [6]. De plus, l’essai pilote contrôlé publié par Shepherd et al. (2006) et mené auprès de 26 patients avec un SII avait suggéré l’efficacité d’un régime alimentaire excluant les FODMAP à améliorer les symptômes chez 80 % des patients de l’étude qui présentaient une intolérance au fructose [341]. Il est intéressant de noter par ailleurs que Parker et al. (2010) ont mis en évidence une augmentation durant les dernières décennies de la consommation de FODMAP dans le régime alimentaire occidental et de fructose en particulier [342]. Quatre études plus récentes ont démontré par la suite l’efficacité du régime pauvre en FODMAP de l’Université de Monash pouvant améliorer les symptômes du SII chez 68 à 76 % des patients [343-347]. En outre, il a été récemment démontré par Pedersen et al. (2014) que ce régime pauvre en FODMAP pouvait être plus efficace que la prise d’une souche de probiotiques telle que Lactobacillus rhamnosus GG (LGG) dans la diminution du score de sévérité des symptômes du SII [348]. Néanmoins, bien que le fructose, le sorbitol et une variété d’alcools polyhydriques faiblement absorbés par l’intestin retiennent des quantités excessives d’eau à l’origine des diarrhées et que le régime alimentaire pauvre en FODMAP peut être recommandé pour réduire la sévérité des symptômes du SII, cette modification de l’alimentation peut également conduire à des modifications délétères sur le microbiote intestinal, telle qu’une diminution des bactéries du genre Bifidobacterium, et sur les apports nutritionnels chez les patients avec un SII [345, 349]. C’est pourquoi en raison du faible nombre et de la faible qualité méthodologique des études menées à ce jour, dont les résultats sont pourtant prometteurs, et des effets incertains des modifications qu’entraînent ce régime à long terme, davantage de travaux de haute qualité méthodologique sont nécessaires pour mieux identifier les implications pour la santé d’un tel régime nécessitant des conseils alimentaires appropriés en fonction des patients et un suivi personnalisé [349-351]. Enfin, Halmos et al. (2015) ont récemment démontré qu’un régime pauvre en FODMAP pouvait produire des effets délétères sur l’écosystème microbien et le micro-environnement luminal colique chez les sujets sains consistant en une diminution absolue et relative de l’abondance et de la diversité bactérienne [352].
Approches thérapeutiques pharmacologiques
Les stratégies thérapeutiques pharmacologiques sont préconisées en fonction du symptôme prédominant, soit constipation (SII-C), diarrhées (SII-D) ou encore douleur et/ou ballonnement [2].
Approches pharmacologiques du SII-C
Les traitements pour le SII-C comprennent les agents de charge conventionnels, tels que psyllium, méthylcellulose, polycarbophile de calcium et les fibres utilisées en première intention dans le SII et ceci bien que leur administration nécessite un ajustement graduel des doses afin de limiter les évènements indésirables (EI) tels que ballonnement et flatulence [2, 353, 354]. De plus, et bien que leur utilisation dans le SII-C n’ait pas fait l’objet de nombreuses études, les laxatifs osmotiques (exemple : lactulose) et stimulants (exemple : bisacodyl) sont couramment prescrits mais leur utilisation est limitée par leurs EI tels que ballonnement, flatulence et diarrhées [355, 356]. Enfin, un activateur du canal chlorure (Lubiprostone) et un agoniste des récepteurs 5-HT4 (Tegaserod) ont été approuvés par la FDA mais uniquement dans des indications restreintes en raison des EI de la Lubiprostone et du risque cardio-vasculaire du Tegaserod [2].
Approches pharmacologiques du SII-D
La prise en charge courante du SII-D concerne la prescription d’antidiarrhéiques tels que le Loperamide qui, en agissant sur les récepteurs opioïdes de type µ (MOR) du plexus myentérique, diminue la fréquence et améliore la consistance des selles [6, 28]. Bien que son efficacité ait également été démontrée, l’alosetron, un antagoniste des récepteurs 5-HT3 n’est couramment prescrit que chez les femmes avec un SII-D sévère et persistant en raison des complications de constipation et de colite ischémique [6]. Enfin, la rifaximine, un antibiotique à faible absorption systémique et à large spectre d’activité contre les bactéries à Gram+ et Gram- aérobiques et anaérobiques, pourrait être efficace à court terme dans l’amélioration globale des symptômes du SII et dans le SII-C en particulier chez les patients présentant un niveau de sévérité élevé de ballonnements [6, 357]. Cependant, l’absence de données de sécurité et d’efficacité à long terme des antibiotiques dans la prise en charge du SII limitent leur utilisation [6]. De plus, la réponse au traitement de la rifaximine n’a pas été associée à un résultat positif au test respiratoire pour un SIBO et son efficacité dans la diverticulose colique pourrait davantage suggérer une action sur le microbiote du côlon [358, 359].
Approches pharmacologiques de la douleur abdominale et/ou ballonnements
La douleur perçue dans le SII est liée d’une part à des mécanismes périphériques pris en charge couramment par des antispasmodiques et centraux par les antidépresseurs tricycliques (ATC) et inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS) [2]. En ciblant le muscle lisse et les récepteurs cholinergiques, certains antispasmodiques ont montré un bénéfice significatif comparé au placebo d’après les résultats d’une méta-analyse de 12 essais (n = 1 778) précisant néanmoins qu’il était difficile de conclure en raison d’une hétérogénéité trop importante parmi les études comparées et des biais de publication [353]. Ainsi, le GT-SII-ACG recommande l’utilisation des antispasmodiques sur une courte durée en l’absence de données sur l’efficacité et la sécurité à long terme [6]. De plus, bien que la SBG recommande l’utilisation de la mebeverine en cas d’échec des mesures générales, et qui est généralement bien tolérée dans le cadre d’une prise symptomatique et après les repas, une revue systématique a conclu que la mebeverine n’avait pas démontré son efficacité à diminuer la douleur abdominale ni à améliorer de façon globale les symptômes comparée au placebo [28, 360]. Enfin, les analyses post-hoc d’un essai mené avec les ATC suggèrent leur efficacité dans l’amélioration de la douleur et du ballonnement en particulier chez les patients avec un SII-D [361]. Bien que l’efficacité des ISRS dans la diminution de la douleur abdominale ne soit pas démontrée en raison de la faible taille des échantillons des études, ils peuvent être utilisés pour réduire l’anxiété et augmentent l’efficacité des ATC [361, 362]. Les diarrhées courantes liées aux ISRS suggèrent davantage une indication pour le SII-C mais des études de large cohorte et de haute qualité méthodologique sont nécessaires pour confirmer leur capacité à diminuer la douleur abdominale indépendamment de leurs effets sur l’humeur [2, 362]. Le Tegaserod, seulement en cas d’urgence d’après la FDA, et la rifaximine font également partie des options pharmacologiques pour diminuer la douleur et/ou le ballonnement [2].
Approches thérapeutiques non-pharmacologiques
Comportementales
Les recommandations du GT-SII-ACG indiquent que la thérapie comportementale cognitive (CBT), la psychothérapie dynamique, l’hypnothérapie et la gestion du stress peuvent améliorer la qualité de vie et diminuer l’impact psychologique induit par des facteurs de stress ou traumatiques qui sont associés à la survenue des symptômes du SII ou à leur intensification [6]. Cependant, l’utilisation de ces techniques est limitée en raison d’une absence d’études de haute qualité méthodologique, d’une efficacité insuffisante chez les patients avec un niveau élevé d’anxiété et dépression, et d’une efficacité significative en particulier chez les patients réfractaires à tout traitement et souhaitant une approche comportementale [2].
Acupuncture
Une revue Cochrane publiée en 2006 a examiné 6 essais cliniques, randomisés et contrôlés par placebo et a conclu que l’efficacité de l’acupuncture n’est pas démontrée en raison de la faible qualité méthodologique des études [363]. Un essai de Lembo et al. (2009) randomisé, contrôlé par placebo et mené sur 230 patients avec un SII a confirmé l’absence d’efficacité de l’acupuncture
[364]. Les mêmes investigateurs dans une autre étude publiée en 2008 ont mis en évidence que l’effet placebo produit des améliorations cliniquement significatives et dont la composante la plus robuste de cet effet est assurée par une relation médecin-patient de qualité [365].
Phytothérapie
Une revue Cochrane systématique publiée en 2006 et évaluant l’efficacité de la phytothérapie de 75 essais cliniques, randomisés et contrôlés par placebo auprès d’un total de 7 957 patients avec un SII a conclu que certaines préparations de plantes, telles que les médicaments à base de plantes conçus d’après les principes de la médecine chinoise (STW5 Iberogast®) ou tibétaine (Padma Lax®), pourraient présenter des effets bénéfiques dans la prise en charge de ce TFI [366]. Cependant, la faible qualité méthodologique des études ainsi que la pureté ou l’innocuité incertaine de ces préparations limitent leur utilisation [2].