Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme

Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme

En recevant Kéwé, une femme de 29 ans, auteur d’une tentative de suicide, nous avons vu un être fragilisé par la situation permanente de conflit au sein de sa famille. Elle a opté pour un acte suicidaire où la mort apparait comme un appel à l’aide, comme la réponse à une souffrance. Selon Baechler (1975), le «suicide-appel» vise d’abord et avant tout à un besoin d’affection. La TS est le moyen qu’a trouvé Kéwé pour réclamer l’attention sur une situation, elle a besoin que l’on s’occupe d’elle. C’est un moyen d’échapper à ce «monde qui ne la comprend pas» et «faire mourir» cet instant. Une manière consciente de se tuer pour Deshaies (1947), en prenant la mort comme moyen ou comme fin. Elle se sentait non soutenue, non comprise par une mère qu’elle aime beaucoup. Pendant des heures, Kéwé ruminait, ne donnait plus de sens à sa vie. C’était comme une charge négative qui d’un coup aurait envahi son être, remis en question sa vie entière. Selon Olindo-Weber (1988), il existerait une vulnérabilité aux impacts extérieurs. L’environnement occupe une place importante. Le suicide serait une solution à un problème. Perec (1967) expliquant le sentiment de non adhérence au monde au moment même d’y trouver sa place dans le cadre du passage à l’âge adulte nous dit: «quelque chose se cassait, quelque chose s’est cassé. Tu ne te sens plus, comment dire? Soutenu: quelque chose qui, te semblait-il, te semble-t-il t’a jusqu’alors réconforté, t’as tenu chaud au cœur, le sentiment de ton existence, de ton importance presque, l’impression d’adhérer, de baigner dans le monde, se met à te faire défaut». Le choix du mode suicidaire utilisé par Kéwé (ingestion de médicaments), serait-ce, comme le dit Olindo-Weber (1988), un moyen de se détruire de l’intérieur, de détruire tout ce qui n’est pas bien en soi? C’est aussi un mode considéré par certains comme non agressif, récupérable par rapport à la pendaison. Ce geste auto-agressif, apparemment «bénin», utilisé par Kéwé est un signal symptôme aussi important à percevoir que le geste suicidaire le plus élaboré. Il recouvre une réalité humaine complexe, parfois pathologique, toujours potentiellement mortifère. Ce geste suicidaire revêt la signification d’un message qui s’est passé de mots pour représenter une histoire ou l’étape d’une histoire dramatique. Kéwé a-t-elle voulu faire mourir son incapacité à changer la réalité conflictuelle entre ses parents en ingérant à la fois les médicaments provenant de son père et de sa mère? La mort pour elle serait un passage pour une autre existence qu’une menace de finitude. Selon Caillard et al. (2010), il s’agit d’un véritable trouble en soi, que l’on est en droit d’autonomiser grâce à une symptomatologie particulière (le syndrome pré-suicidaire), ses modalités d’installation et d’évolution (la crise Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 20 suicidaire), sa psychopathologie déclinable selon diverses grilles de lecture, sa composante familiale, voire génétique, sa physiopathologie biologique, ses formes cliniques: aiguë, chronique, secondarité ou comorbidité avec d’autres troubles psychiatriques. La rencontre avec Kéwé nous a permis d’avoir un regard non pas de prescripteur, ni d’ordonnateur mais plutôt de celui qui accepte de se mettre dans une position de réceptivité pour apprendre quelque chose sur elle. L’écouter nous parler de ses rêves, de ses faiblesses, de sa culture… nous a permis de comprendre l’ampleur de ses pertes, de sa douleur. L’histoire de Kéwé nous a amenés à voir les différents mécanismes psychopathologiques mis en jeu, la place importante qu’occupent les croyances culturelles. La lecture que nous faisons laisse apparaître les notions de parentification (qui est une conception de la thérapie familiale), de dépressivité, d’une patiente imprégnée de ses valeurs culturelles et à une période de développement qu’est la post-adolescence. La difficulté de notre travail était liée au fait que nous n’avions que peu d’informations concernant l’enfance de Kéwé. Compte tenu du fait que la personnalité se construit depuis l’enfance, certaines informations nous auraient permis d’établir un diagnostic de structure. 

 La parentification 

Parler de Kéwé c’est parler d’une jeune femme en plein développement, d’une adolescence difficile à franchir, d’une difficulté «à grandir» dans son rôle d’«enfant, parent de ses parents» (LeGoff 1999), dans son rôle d’«aînée». Dans nos sociétés africaines, l’aîné occupe une place particulière. Il est le premier à être chargé du désir et des espoirs des parents et de la société; il est chargé de la vie de la future génération, et du poids de l’ancienne. C’est sur lui que tout repose; il doit donner le bon exemple, régler les conflits familiaux… Kéwé est bien consciente de ses devoirs et de ses responsabilités vis-à-vis de ses parents, de ses frères cadets et de la société. Toutefois, pour ce qui est de certains aspects de sa vie, ce rôle parait difficile à jouer. La notion de parentification constitue l’une des plus anciennes notions de thérapie familiale systémique. Il s’agit de l’attribution d’un rôle parental à un ou plusieurs enfants dans un système familial (Simon et al. 1985). Pour LeGoff (2005): c’est «un processus relationnel interne à la vie familiale qui amène un enfant ou un adolescent à prendre des responsabilités Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 21 plus importantes que ne le voudraient son âge et sa maturation dans un contexte socioculturel et historique précis et qui le conduit à devenir un parent pour son (ou ses) parent (s). C’est un processus impliquant toujours plusieurs générations qui plongent ses racines dans les générations des grands-parents et dont les conséquences peuvent toucher les générations à venir». Une attitude assez fréquente chez les Bantou consiste à donner à un enfant le patronyme d’un parent décédé; et l’enfant est alors désigné par le lien parental. Ainsi un enfant peut être appelé «maman» ou «papa» par les parents, déterminant, de ce fait, un identifiant symbolique qui peut parfois être difficile à assumer pour l’enfant. Dans ce travail, Kéwé présente tout d’un enfant parentifié dans sa relation avec ses géniteurs, avec ses frères cadets, avec son «petit ami». C’est à elle que chacun de ses parents s’adresse lorsqu’il veut communiquer avec l’autre. C’est elle qui reformule les propos (les rend plus polis, acceptables, dit-elle) avant de les transmettre. Lorsqu’à trois reprises sa mère quitta la maison conjugale, Kéwé dit être celle qui, plus jeune, lui proposa de regagner son foyer. Aujourd’hui encore, c’est elle qui assure les échanges d’informations entre ses parents. Kéwé assure donc une fonction de médiation, de confidence, de soutien moral. Elle tente de maintenir l’unité familiale qu’elle sent menacée d’éclatement, de peine, de dissolution. Elle renonce ainsi à son autonomie et adopte une position de «victime» pour unir sa famille. Elle devient l’arbitre, le médiateur permanent en réconciliation parentale. Par ailleurs, Kéwé se dit que son rôle en tant qu’aîné serait de réconcilier ses parents. Ce comportement «maternant» est également observé dans sa relation avec son «petit ami». Ce dernier lui raconte ses journées et elle lui prodigue des conseils. Nous voyons là, comme décrit dans l’analyse transactionnelle, l’«Etat du Moi Parent» de Kéwé qui s’adresse à celui de son «petit ami» dans une transaction simple (Mortesa et al. 1995). Rappelons que ce rôle d’aîné lui a été déjà attribué par la société dans laquelle elle vit. L’aîné est le seul à qui il est demandé de faire plus, d’être plus, d’exercer le pouvoir (Faye et al. 2011). Il y a chez Kéwé, comme le décrit Michard (2006), une forme de «dette congénitale» envers ses parents. Cette dette est liée au fait «existentiel» que tout être humain est introduit dans le monde par des parents. Les géniteurs lui ont donné la vie. Ils l’ont éduquée et «entretenue» avec l’aide de toute «la famille». Le don de vie implique une dette de vie comme promesse Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 22 non verbale et non écrite à laquelle sont liés les parents et les enfants. Chacun entame sa vie à crédit, avec une forte légitimité à recevoir. Les parents attendent certainement beaucoup de Kéwé, comme fille aînée, mais elle ne se sent pas «créditée» pour ces contributions, ces sacrifices. Elle est parfois blâmée pour cela. Ses parents la décrivent comme une personne égoïste. Parfois, ses efforts sont perçus comme un engagement naturel et loyal; alors que la société a de grandes exigences à l’égard de l’aîné qu’elle compense en le valorisant constamment. Boszormenyi-Nagy (1973) dans les trois rôles de l’enfant parentifié, décrit:  Le rôle de soignant: l’enfant trop mature qui s’occupera de son ou ses parents ou de sa fratrie;  Le rôle de sacrifice et de bouc émissaire (en renonçant à son autonomie, l’enfant adopte un rôle de victime ou de délinquant pour réunifier sa famille);  Le rôle neutre («bon enfant» qui ne réclame rien mais risque de présenter des sentiments de vide, d’épuisement émotionnel ou de dépression). A un moment donné, Kéwé s’est retrouvée acculée par des responsabilités et des exigences trop importantes pour ses compétences cognitives, émotionnelles ou physiques. Elle s’est retrouvée face à des réponses parentales inadéquates, mais aussi face à ses responsabilités. Notre jeune femme se sentant lasse et dépitée décide ainsi de mettre fin à sa vie: «j’ai envie de tout oublier et de mourir» dit-t-elle souvent. Ce «ras-le-bol» aurait entrainé une vive réaction émotionnelle que l’on pourrait assimiler à un trouble de conversion et pourrait être responsable du passage à l’acte suicidaire. Cela s’expliquerait par un processus de parentification trop long et non reconnu comme nous le décrit LeGoff (2005) et, serait à l’origine d’un manque de confiance en soi. On pourrait alors parler d’une parentification destructive. La description faite par la mère sur la phase précédant le passage à l’acte, nous fait découvrir une Kéwé parcourue par des émotions qu’elle ne pouvait plus contenir. L’agitation psychomotrice, les cris, les pleurs, les larmes… traduiraient un effet cathartique important. Ce manque de reconnaissance a été un véritable fardeau pour Kéwé qui n’a plus le temps de s’occuper d’elle et de recevoir des gratifications de la part de ses parents. Pour Mortesa et al. (1995), l’analyse transactionnelle permet à chaque individu de rechercher en permanence des Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 23 signes de reconnaissance car ils sont vitaux pour lui; qu’ils soient positifs ou négatifs. Les signes de reconnaissance positifs sont utiles pour ancrer et développer la confiance en soi. Kéwé a eu besoin de cette marque d’affection de la part de ses parents pour ses efforts. Elle s’est même demandée à quoi elle servait que son père ne se souciât plus d’eux… «Donner, c’est s’enrichir et enrichir nos relations en donnant des signes de reconnaissance positifs inconditionnels (ETRE) et conditionnels (FAIRE), des signes de reconnaissance négatifs conditionnels… Recevoir, c’est s’épanouir en accueillant ce qui est source de plaisir, de satisfaction et de développement (Mortesa et al. 1995)». Le fait d’être privé de ce droit de donner et recevoir, porte atteinte à l’épanouissement de Kéwé, comme l’explique Winnicott (2010) chez l’enfant en parlant de l’atteinte à la «construction du self»; cela conduit aussi à se défendre en retournant à l’isolement et en construisant un faux self. Aussi, cette réaction ressemblerait-elle à une forme de surinvestissement unilatéral comme le décrit Tousignant et al. (1988). Le processus de parentification prend forme chez Kéwé, où l’absence du père, l’impossibilité de «donner» et de «prendre soin» du père, entraine une sorte de stagnation, de mort… (LeGoff 1999). Cependant, à travers le fait de donner sans recevoir, apparait un conflit de loyauté, conflit d’endettement; une réclamation fondée sur le fait d’avoir investi, d’avoir donné. Kéwé ne retrouve plus d’image du bon parent, de la bonne mère, de la bonne femme. Elle se réfugie dans la consommation d’éponge qui a initialement été source de plaisir (elle y trouve une certaine jouissance), puis une fois cette consommation révélée, elle est progressivement devenue un fardeau, un générateur d’angoisse, de honte vis-à-vis de sa famille. Elle se juge, se culpabilise et a l’impression que tous lui en veulent. Cette réaction a été observée par plusieurs auteurs. Beiser et al. (1992) ont noté ces sentiments de honte et de culpabilité dans une étude portant sur la géophagie chez les Sereer du Sénégal. Par ailleurs, Jurkovic et al. (1999), Jacobvitz et al. (1999), Byng-Hall (2002) ont observé que l’enfant parentifié non gratifié développe de l’anxiété, de la culpabilité, une faiblesse de l’estime de soi, de la méfiance relationnelle, des sentiments dépressifs et de honte. Toutefois, nous n’avons pas pu définir un syndrome dépressif pouvant expliquer la TS. Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 24 De façon générale, la dépression est considérée comme une attitude passive, qui va de la tristesse à l’abattement moral ou du ralentissement moteur, affectif et idéique à l’autodépréciation et à l’autodestruction (Arce Ross 2006). Kéwé est confrontée à un vide, à un manque ou à la perte de l’objet qui maintenait jusqu’alors sa souffrance: sa mère qui était selon ses dires «tout pour elle». Le passage à l’acte suicidaire viendrait plus en réponse à ce sentiment d’abandon qui aurait généré une forte émotion, à une notion de temporalité, comme l’explique Arce Ross (2006) en parlant de la notion de dépressivité. Selon lui la dépressivité se présente, de préférence, dans les moments féconds des structures pathologiques, ainsi que dans les moments cruciaux de la cure analytique, à savoir: dans la formation du symptôme, dans le déclenchement et dans la systématisation des phénomènes élémentaires, dans la préparation du passage à l’acte, dans les moments de passe; c’est-à-dire là où l’alternance cyclique ou oscillatoire avec les périodes de rémission et d’excitabilité ne manque pas. L’éclatement transgénérationnel, l’éloignement géographique de la famille élargie, aurait favorisé la parentification: Kéwé est en difficulté de recevoir. Dans son environnement actuel, elle est privée de donner en accomplissant les valeurs qui ont tenu la vie dans les générations passées. Nous nous proposons donc d’ouvrir un chapitre sur la notion de dépressivité et de «post-adolescence».

LIRE AUSSI :  ASPECTS ACTUELS DE L’AMIBIASE HEPATIQUE A LA CLINIQUE MEDICALE

La post-adolescence ou «finir l’adolescence» 

Il s’agirait selon les psychanalystes d’une période de desidéalisation douloureuse qui peut aller jusqu’à l’âge de trente ans: une transition plutôt longue qu’un seuil, qui permettrait de prolonger l’adolescence par une processualité intermédiaire, pour lui donner peut-être les moyens de son achèvement (Bournova et al. 2013). Cette notion est mal cernée dans les pays d’Afrique de l’Ouest probablement liées au fait qu’il y ait peu d’études consacrés à cette catégorie de population (Thiam et al.2014). A l’âge de 29 ans, Kéwé est une adulte en apparence, mais dont les questionnements nous font penser à une adolescente. Cet aspect de son vécu nous renvoie au «syndrome de Peter Pan» développé par le psychanalyste Kiley (1985) avec la notion de la peur de grandir à l’âge adulte, de «l’Enfant Intérieur» développé par Jung (LeBlanc 1995) dans le «processus Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 25 d’individuation». Dans les deux cas, c’est la partie inconsciente de Kéwé qui a besoin d’être secourue ou tout simplement reconnue dans ses besoins. Etre responsable pour Kéwé suppose «grandir», abandonner ses rêves d’enfants pour accepter son statut d’aînée voire de parents. Par exemple lorsqu’elle dit en se référant à cette période de l’adolescence où son père n’avait comme seule femme que sa mère, elle se projette dans sa vision de la famille. Selon elle, sa famille vivait en harmonie avant le déménagement mais surtout, avant que son père ne prenne une seconde femme. Cette réalité est difficile à accepter par Kéwé: Nous voyons là, l’expression d’une nostalgie de «l’objet perdu» de l’enfance. Finir l’adolescence, pourrait-être aussi, chez un sujet qui a sensiblement dépassé l’âge «légal», reprendre un processus, qui à l’époque, n’a pas pu suivre son cours normal. Servant (2013) évoque dans son expérience des situations qui ont imposé à ses patientes de jouer un rôle parental auprès de leurs parents, et donc de faire taire prématurément leurs revendications juvéniles. L’exemple de Kéwé en est une belle illustration. Dans le «syndrome de Peter pan», les symptômes manifestés sont:  L’Angoisse qui est le résultat des problèmes conjugaux de ses parents et qui se manifestent par un manque certain de communication entre ceux-ci. Kéwé devient alors l’intermédiaire ou l’interprète de messages cachés tous pris au premier degré. Les uns provenant de la mère les autres du père, étant contradictoires l’enfant ne sait plus vers qui se tourner ni même quoi faire pour les aider.  La Solitude qui est le reflet du manque de présence des parents (Kéwé pour combler le vide décide de consommer l’éponge). Les témoignages faits à Kiley (1985) permettent de dire que ce syndrome se développe dès l’adolescence et se manifeste par tous genres d’incertitudes et d’insatisfactions, comme nous pouvons le voir avec Kéwé dès l’âge de 13 ans. Notre patiente présente un blocage émotionnel, c’est à dire que ses émotions ou sentiments sont bloqués voire même intensifiés (la colère devient rage, la joie devient «hystérie»…). En définitive, elle ne peut plus ressentir et ne sait plus ce qu’elle veut. Elle a une tendance à la paresse, à la procrastination. La biographie et la dynamique familiale de Kéwé nous indiquent que les troubles ont débuté à l’âge de 13 ans lorsque la famille a emménagé dans un nouveau quartier, réputé pour son Approche psychopathologique de la tentative de suicide d’une femme suivie à la clinique psychiatrique Moussa Diop du CHNU de Fann. Dakar- SENEGAL Mémoire N° 914 pour l’obtention du DES de psychiatrie par Docteur Reine DOPE KOUMOU Epse AMBOUROUET. Dakar 2014 26 aspect cosmopolite. Ce déménagement pourrait correspondre au passage de la famille élargie vers la famille nucléaire; de la communauté vers un groupe plus restreint; des croyances ancestrales vers le monde moderne. A cette période, son père se remaria. Ce qui l’éloigna de son premier foyer et donc de Kéwé. Le déménagement va coïncider avec la «destruction» du couple parental idéal; c’est pourquoi ce changement de domicile est synonyme de tristesse, et l’ancien quartier rappellera une période idyllique. Ce changement a été également marqué par le début de la consommation d’éponge. Kéwé présente cette consommation comme un moyen de défense face aux conflits que traversait sa famille. Elle l’illustre en disant: «A cette époque, je me sentais bien, quand j’en consommais, ça me calmait». Cette «éponge» correspondait à une sorte de «masturbation psychologique» où seul le plaisir était ressenti, loin des regards, loin des frustrations. Le fantasme selon Fejtö (2013), jouerait un grand rôle, dans cette phase de développement, une fonction protectrice et le signe de primauté de la réalité psychique par rapport à la réalité extérieure. Nous avons vu en cette jeune femme une forme de dépendance affective où l’éponge jouerait un rôle de substance absorbant toutes ses angoisses; un désir de mettre ses parents sur le même lit, la même éponge. Nous remarquons également une conduite de l’agir très présente en cas de frustration, à 17 ans, lors des disputes fréquentes des parents, et aujourd’hui avec ce passage à l’acte suicidaire. Par ailleurs, il y a une notion de consommation de poussière chez le père lorsqu’il était adolescent. Cette consommation lui aurait également procuré du plaisir. Nous nous sommes alors demandés s’il ne s’agirait pas d’un exemple de transmission transgénérationnelle, que Bowen (1984) a décrit en parlant d’«un héritage inconscient qui se transmettrait d’inconscient à inconscient». Aussi parlant de la thérapie avec la famille, Andolfi (1986) dit que le comportement d’un individu est un signal à propos de la relation existant à une phase particulière du cycle existentiel familial. De génération en génération peuvent se transmettre certains héritages psychologiques et donc peut-être la consommation de certaines substances non nutritives comme c’est le cas chez Kéwé

Table des matières

INTRODUCTION
I. METHODOLOGIE
II. MATERIEL CLINIQUE
III. DISCUSSION
1. La parentification
2. La post-adolescence ou «finir l’adolescence»
3. La dépressivité
4. Approche culturelle
CONCLUSION
REFERENCES

 

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *