Approche analytique pour le mouvement brownien
réfléchi dans des cônes
Temps d’occupation et réflexion
Les mesures d’occupation nous intéressent particulièrement car elles sont intimement liées aux mesures invariantes, aux fonctions de Green et aux processus réfléchis qui sont au cœur de cette thèse. Notre objectif sera tout d’abord dans la section 1.1.1 d’introduire en dimension un des objets comme le temps local et d’analyser ses liens avec les questions de réflexion. Ensuite dans la section 1.1.2 nous ferons quelques rappels sur les mesures invariantes et les fonctions de Green des processus de Markov. Tout cela nous servira par la suite à aborder plus facilement la section 1.2 où l’on étudiera le mouvement Brownien réfléchi en dimension deux. Enfin, dans la section 1.1.3, nous étudierons de manière détaillée, via des équations fonctionnelles, le cas du mouvement Brownien réfléchi avec dérive, et nous calculerons sa mesure invariante et ses fonctions de Green. Cet exemple simple nous permettra d’illustrer en dimension un la méthode analytique, exposée dans la section 1.3, qui sera au centre de notre étude tout au long de cette thèse. 1.1.1 Temps local et réflexion Soit (Bt) le mouvement brownien réel standard. On cherche à étudier le temps que le processus passe en un point a ∈ R. Il ne sert à rien d’étudier pour cela R t 0 1Bs=ads. En effet cette intégrale est nulle car E( R t 0 1Bs=ads) = R t 0 P(Bs = a)ds = 0. La notion intéressante sera celle de densité du temps d’occupation. Pour plus de détails sur de nombreux résultats de cette section, on se référera par exemple aux livres de Revuz et Yor [89] et Yen et Yor [103]. Définition 1 (Mesure d’occupation et temps local). On définit µt la mesure d’occupation par µt(A) = Z t 0 1A(Bs)ds, pour tout ensemble mesurable A ⊂ R. C’est le temps passé par le processus dans l’ensemble A avant le temps t. Une telle mesure admet une densité L • t par rapport à la mesure de Lebesgue telle que µt(da) = L a t da (i.e. µt(A) = R A L a t da). Cette densité, appelée temps local, est donc définie pour tout a ∈ R par L a t = lim→0 1 Z t 0 1{a6Bs 0 : Bt = a}. Pour toute fonction f mesurable positive on a presque sûrement Z t 0 f(Bs)ds = Z R f(a)L a t da. Cette dernière égalité transforme une intégrale temporelle en intégrale spatiale. Remarque 3 (Semi-martingales continues et temps local symétrique). Ces résultats et les suivants se généralisent aux semi-martingales continues Xt telle que Xt = X0+Mt+At où M est une martingale locale (issue de 0) et A un processus à variation finie, en remplaçant la mesure d’intégration ds par dhXis. Dans ce cas a 7→ L a t n’est plus continue mais càdlàg et on peut définir la notion de temps local symétrique Lea t := 1 2 (L a t + L a− t ) = lim→0 1 2 Z t 0 1{a− 0. Il existe une unique paire de fonctions (x, l) satisfaisant • x=w+l, • x est positive, • l est croissante, s’annule en 0 et dls a pour support {s : x(s) = 0}. De plus l est donnée par l(t) = sup s6t (−w(s) ∨ 0). L’identité suivante caractérise la loi du temps local en 0 d’un mouvement Brownien. Proposition 9 (Identité de Lévy). Soit Wt le mouvement Brownien standard, L 0 t son temps local en 0 et St = sups6t (−Ws) le supremum de son opposé. Alors on a l’égalité en loi suivante (Wt + St , St ;t > 0) (loi) = (|Wt |, L0 t ;t > 0). Remarque 10 (Loi jointe). Par un principe de réflexion on peut montrer que P(St > a, Bt > b) = P(Bt > 2a + b) pour tout a > 0 et −b 6 a. Avec quelques changements de variable on obtient ainsi grâce à l’identité de Lévy la loi jointe de (|Wt |, L0 t ) qui vaut P(|Wt | ∈ dx, L0 t ∈ dy) = 2 x + y √ 2πt3 e − (x+y) 2 2t 1x>0,y>0dxdy. Le mouvement Brownien sans dérive réfléchi en 0 est juste la valeur absolue d’un mouvement Brownien. Dans cette thèse nous nous intéresserons au mouvement Brownien réfléchi avec dérive, qui n’est pas la valeur absolue d’un mouvement Brownien avec dérive, mais la valeur absolue d’un processus nommé bang-bang, voir Shreve
Fonctions de Green et mesures invariantes
Nous faisons ici quelques brefs rappels sur les mesures invariantes et les fonctions de Green, qui sont intimement liées aux mesures d’occupation. Nous insistons sur le fait que ces deux notions sont semblables, la première prenant sens dans le cas récurrent et la deuxième dans le cas transient. Ainsi la mesure invariante peut être interprétée comme la proportion de temps moyenne que le processus passe dans un ensemble tandis que la mesure de Green sera la quantité totale de temps moyenne que le processus passe dans un ensemble. On notera Xt un processus de Markov homogène à valeur dans R associé au semigroupe de transition P tel que P(t, x0, A) = Px0 (Xt ∈ A) ayant une densité p telle que p(t, x0, x)dx = P(t, x0, dx). En dimension un on dit qu’un tel processus est : • récurrent si pour tout point x ∈ R, presque sûrement il existe une suite de temps (aléatoires) tn qui tend vers l’infini et tel que Xtn = x, • transient si presque sûrement le processus tend vers l’infini. Les notions de fonction de Green et de mesure invariante s’étendent naturellement aux processus en dimensions supérieures. Pour plus de détails sur les résultats qui suivent on pourra se référer au livre de Mörters et Peres [81] et aux articles de Revuz [88] et Hunt [58, 59] en ce qui concerne les fonctions de Green. Pour les notions d’invariance et de transience chez les processus de Markov ainsi que pour les mesures invariantes on se réfèrera au livre de Revuz et Yor [89] et aux articles de Azema et al.
Transience
Si le processus est transient, pour tout ensemble mesurable borné A on a presque sûrement Z ∞ 0 1A(Xs)ds < ∞ et on pose alors la définition suivante. Définition 15 (Fonctions de Green). Soit A ⊂ R un ensemble mesurable. La mesure de Green de A du processus X partant de x0 est définie par G x0 A = Ex0 Z ∞ 0 1A(Xs)ds = Z ∞ 0 Px0 (Xs ∈ A)ds. C’est la moyenne du temps total passé par le processus dans l’ensemble A en partant de x0. Lorsqu’elle existe, on appelle fonction de Green et on note g x0 x la densité de cette mesure par rapport à la mesure de Lebesgue (i.e G x0 dx = g x0 x dx). La fonction de Green vérifie g x0 x = Z ∞ 0 p(t, x0, x)dt. Remarque 16 (Espérance du temps local et fonction de Green). Supposons que X est une semi-martingale telle que hXit = σt, par exemple un mouvement Brownien de variance σ avec dérive. On notera µt la mesure d’occupation de X et L a t son temps local en a. On a pour tout ensemble A mesurable µt(A) = R A L a t da = R t 0 1A(Xs)σds et donc Ex0 µt(A) = R A (Ex0L a t )da = R t 0 Px0 (Xs ∈ A)σds = R A ( R t 0 p(s, x0, a)σds)da. On a donc Z t 0 p(s, x0, x)ds = 1 σ Ex0L x t −−−→ t→∞ g x0 x et 1 σ Ex0 µt(A) −−−→ t→∞ G x0 A . (1.4) La proposition suivante donne une propriété analogue de la formule du temps d’occupation de la proposition 2. Proposition 17 (Noyau de Green). Si f : R → R+ est une fonction mesurable Gf(x0) := Z R f(x) g x0 x dx = Ex0 Z ∞ 0 f(Xt)dt . Démonstration. Le théorème de Fubini implique Z R f(x) g x0 x dx = Z R f(x) Z ∞ 0 p(t, x0, x)dtdx = Z ∞ 0 Z R f(x)p(t, x0, x)dxdt = Z ∞ 0 Ex0 [f(Xt)]dt = Ex0 Z ∞ 0 f(Xt)dt . Remarque 18 (Noyau du potentiel). Les fonctions de Green sont aussi appelées noyau de Green. Dans le cas du mouvement Brownien en dimension d supérieure ou égale à trois, ce dernier est transient et ses fonctions de Green sont les noyaux du potentiel. En effet dans ce cas, pour une certaine constante c(d) dépendant de la dimension, on a g x0 x = c(d)|x − x0| 2−d . Ainsi, modulo une constante multiplicative, la fonction de Green g x0 x est harmonique sur R d \ {x0} et est solution de l’équation fondamentale du Laplacien 1 2∆u = −δx0 . Par convolution Gf est alors solution de l’équation de Poisson 1 2∆u = −f.
Mouvement Brownien avec dérive réfléchi en dimension
Dans cette section nous étudions le mouvement Brownien réfléchi en 0, introduit dans la définition 13, Xt = x0 + √ σWt + µt + Lt . En particulier nous cherchons à calculer explicitement la mesure invariante dans le cas récurrent et les fonctions de Green dans le cas transient. L’objectif principal sera d’illustrer, dans le cas simple de la dimension un, la méthode analytique que nous détaillerons en dimension 2 dans la section 1.3. Pour cela nous allons déterminer, dans le cas transient (resp. récurrent), une équation fonctionnelle impliquant la transformée de Laplace des fonctions de Green (resp. de la mesure invariante). Nous procèderons de manière identique en dimension deux dans la section 1.2.7. Les transformées de Laplace sont en fait l’analogue continu des fonctions génératrices dans le cas discret.
Calcul de la mesure invariante
Dans le cas du mouvement Brownien réfléchi avec dérive introduit dans la définition 13, nous allons généraliser la formule (1.7) à des fonctions f qui ne sont pas dans l’ensemble DeG de la remarque 22, c’est-à-dire telles que f 0 (0) 6= 0. On note C 2 b (R+) l’ensemble des fonctions C 2 de R+ bornées ainsi que leurs dérivées premières et secondes. On rappelle que le générateur du mouvement Brownien de variance σ avec dérive µ est Gσ,µ(f) = 1 2 σf00 + µf0 . Proposition 24 (Basic adjoint relationship en dimension un). Soient Xt = X0+ √ σWt+ µt + Lt , et µ < 0. Le processus est récurrent positif et on note Π sa mesure invariante. On a alors pour f ∈ C2 b (R+)
1 Introduction |