Apprentissage social et mouvements antennaires chez l’abeille domestique (Apis mellifera L.)
Protocoles d’apprentissages chez l’abeille : réponses étudiées
Apprentissages individuels
Les protocoles de libre vol en direction d’une cible visuelle ou olfactive, ou bien les dispositifs de labyrinthe en Y sont adéquats pour étudier l’attraction envers ces stimuli et les capacités d’apprentissages des abeilles suite à des conditionnements (Menzel 1985; Srinivasan et al. 1990; Lehrer et al. 1995; Laloi et al. 2000). Mais ils permettent difficilement Introduction 26 d’atteindre les voies neuronales sous-jacentes, car les individus étudiés sont en mouvement. Il existe des protocoles d’apprentissage où l’abeille est fixée, permettant d’analyser des bases neuronales. La séquence comportementale naturelle correspondant à l’activité de butinage, où l’abeille associe l’odeur de fleur au nectar et étend le proboscis pour récolter la substance sucrée, a ainsi été reproduite en laboratoire à travers le conditionnement de la Réponse d’Extension du Proboscis (REP) où l’abeille est fixée. L’extension du proboscis (RI), qui est une réponse stéréotypée produite lors de l’application d’une solution sucrée (SI) sur les antennes de l’abeille, peut être produite en réponse à une odeur (SC) suite à l’association de cette odeur avec la récompense sucrée (Takeda 1961; Bitterman et al. 1983; Giurfa & Sandoz 2012). (Fig.5). Ce protocole permet l’accès facile au cerveau, d’effectuer des enregistrements électrophysiologiques (Mauelshagen 1993; Hammer 1993; Haupt 2004; Okada et al. 2007; Strube-Bloss et al. 2011), ou d’injecter différents composés pharmacologiques (Pribbenow & Erber 1996; Devaud et al. 2007) pour caractériser les mécanismes de perception et d’apprentissage. Figure 5 : Protocole de conditionnement appétitif de la Réponse d’Extension du Proboscis (REP). Avant le conditionnement, l’odeur, appliquée au niveau des antennes, constitue un stimulus neutre qui n’entraîne aucune réponse (SC). Durant le conditionnement (acquisition), l’odeur est conjointement présentée à une stimulation sucrée (SI) sur les antennes puis au niveau du proboscis. Une fois l’association réalisée, les abeilles déclenchent leur réponse d’extension du proboscis à la présentation de l’odeur seule (test). D’après (Girling et al. 2013) Dans le cas du conditionnement différentiel, les abeilles doivent différencier une odeur renforcée par la solution sucrée (SC+) d’une autre qui ne l’est pas (SC-). Ce type de procédure permet, entre autres, de confirmer le caractère associatif de cet apprentissage, puisque seule l’odeur associée à la solution sucrée (SC+) déclenche l’extension du proboscis (Fig.5). Il est également possible d’étudier l’apprentissage aversif chez un individu fixé. La réponse n’est dans ce cas pas l’évitement du stimulus, mais cette valeur aversive peut être étudiée soit à travers la diminution de la réponse appétitive (REP) au stimulus après l’association d’un stimulus avec un choc électrique (Smith et al. 1991), soit en utilisant une réponse aussi Introduction 27 stéréotypée que le proboscis, pouvant être utilisée pour dénoter une réponse aversive, qu’est la réponse d’extension du dard (RED) (Vergoz et al. 2007a). La nature aversive de ce conditionnement, a été démontrée en plaçant les abeilles préalablement soumises à un conditionnement différentiel dans un labyrinthe en Y présentant les deux odeurs (SC+ et SC-) dans deux bras différents (Carcaud et al. 2009). Dans ce test de rappel, les abeilles évitèrent l’odeur préalablement renforcée. Cette réponse peut également être produite en réponse à un choc thermique dans une position identique à celle du conditionnement de la REP (Junca et al. 2014) (Fig. 6). Figure 6 : Dispositifs comparables des conditionnements appétitif et aversifs : Ces dispositifs permettent d’étudier le comportement de l’abeille dans une même position et dans un même contexte lors des conditionnements appétitifs et aversifs. L’odeur est présentée face à l’abeille fixée, simultanément à une stimulation sucrée sur les antennes puis au niveau du proboscis (SI appétitif) ou bien à un choc thermique sur les parties buccales (SI aversif). Une fois l’association réalisée, les abeilles déclenchent l’extension du proboscis (REP ; RI appétitif), ou du dard (RED ; RI aversif) (Junca et al. 2014).
Apprentissage sociaux
Aucun dispositif permettant l’étude de l’apprentissage social de manière fixée n’a encore été développé chez un insecte social. L’abeille est un modèle d’étude idéal pour les interactions entre deux abeilles et l’apprentissage qui en découle. L’impact de ces transferts d’information au niveau individuel sur l’ensemble des comportements collectifs et la coordination au sein de la ruche est important puisque son organisation dépend de ces transfert de signaux (Bonabeau et al. 1997; Fewell 2003; LeBoeuf & Grozinger 2014). Ces différents protocoles peuvent être utilisés pour comprendre quelles sont les informations acquises socialement lors de ces interactions. Par exemple, il est connu que lors du butinage, l’information individuelle peut être complémentée par l’information sociale, ce qui se traduit par une attraction des abeilles envers les fleurs occupées par d’autres individus (von Frisch 1967). Ainsi les protocoles de libre vol ont pu être adaptés pour étudier cette transmission d’information (Worden & Papaj 2005) (Fig. 7) afin de déterminer les préférences induites socialement par des indices visuels associés à la présence de conspécifiques, et les Introduction 28 mécanismes d’apprentissage associatifs impliqués (Dawson et al. 2013; Avarguès-Weber & Chittka 2014). Figure 7 : Dispositifs d’étude de l’apprentissage observationnel : Un individu observateur perçoit deux types de stimuli visuels (vert et orange) à travers un écran transparent. Les démonstrateurs présents au niveau des nourrisseurs sont associés au type de stimulus sur lesquels ils se trouvent. L’apprentissage observationnel est effectif si l’individu observateur visite préférentiellement les nourrisseurs au niveau des même type de stimuli visuels que les démonstrateurs, lorsqu’ils sont ensuite testé seuls (Worden & Papaj 2005; Avarguès-Weber & Chittka 2014; Avarguès-Weber et al. 2015). De la même manière que pour l’apprentissage individuel, des dispositifs où les individus sont fixés peuvent complémenter ces approches afin de tendre vers des dispositifs permettant l’étude mécanistique des bases neuronales impliquées. Ces protocoles basés sur la réponse de parties du corps, de la REP et de la RED peuvent permettre d’analyser en détail la réponse d’une abeille à des stimuli d’intérêt pour déterminer leur perception et leur discrimination, ainsi qu’à des stimuli sociaux. Il a été possible d’étudier ces aspects concernant les indices chimiques présents sur la cuticule des abeilles potentiellement impliqués dans la reconnaissance des conspécifiques (Châline et al. 2005). C’est à l’aide de ces protocoles que l’apprentissage olfactif consécutif à une interaction trophallactique a pu être étudié, en capturant une abeille receveuse après son interaction avec une abeille ayant butiné dans une source de nourriture odorante, et en analysant sa réponse d’extension du proboscis (PER) en réponse à cette odeur (Farina et al. 2007). Free (1961) a contribué à ces études de la réponse d’extension du dard (RED) de l’abeille, car il avait alors étudié les stimuli pouvant potentiellement entraîner une extension du dard. Il s’est également investi dans l’étude des stimuli pouvant entrainer une réponse envers une autre congénère, qu’il a appelé « comportement de quémande » (ou « begging response »). Il a en effet montré que le contact avec la tête d’une autre abeille peut induire une REP, sans qu’il y ait de sucre transmis (Free 1956). Ceci incite donc à de futures études sur la réponse d’une abeille à une congénère et à la mise en place d’un protocole de la même manière que ceux de la REP et de la RED. Avec ce type de protocole il est donc possible de déterminer la nature renforçante d’une congénère chez l’abeille et d’approfondir notre connaissance sur les Introduction 29 interactions et apprentissages sociaux au sein de la colonie. Cela permettra de comprendre les aspects encore obscurs des transmissions d’informations au sein de la colonie sur les sources de nourritures, dans les cas où il n’y a pas transmission directe de substance (Balbuena et al. 2011). Cet objectif constituera la première partie de la présente thèse. Les détails des mouvements impliqués dans cet échange au cours de la trophallaxie, en particulier les mouvements d’antennes, sont l’objet d’études depuis de nombreuses années. (Montagner & Pain 1971; Galliot et al. 1982; Goyret & Farina 2003). En particulier, un intense pattern de contacts antennaires a lieu entre les individus lors de cette interaction. Ce pattern étant différent au cours de la trophallaxie, les mouvements d’antennes impliqués ont été explorés et proposés comme étant un facteur important pour moduler et maintenir l’interaction et le transfert de nourriture (Galliot & Azœuf 1979; Montagner & Galliot 1982; Galliot et al. 1982). Chez les fourmis, de nombreuses postures antennaires ont également été décrites pendant la trophallaxie, et bien que ces postures ne semblent pas fournir d’information sémantique en soi, elles seraient suffisantes pour moduler la transmission (Lenoir 1982). Les mouvements d’antennes impliqués ont été détaillés comme étant liés à la nourriture transmise et aux types d’abeilles en interaction (Galliot et al. 1982), ainsi qu’à la profitabilité de la ressource (Goyret & Farina 2003). Cet aspect sera donc à analyser lors de l’étude approfondie de cet apprentissage social.
Implication des mouvements d’antennes
Les antennes des abeilles sont utilisées pour percevoir des stimuli de modalités variées, dans de nombreux contextes : lors du butinage (Kevan & Lane 1985; Wright & Schiestl 2009), ou au sein de la colonie (Martin 1965; Martin & Lindauer 1966; Winston 1987; Nagari & Bloch 2012). Bien que la modalité olfactive gouverne de nombreux comportements sociaux dans la colonie de l’abeille, comme détaillé plus haut, les indices tactile et vibratoire sont aussi importants. Comme l’ont montré (Martin & Lindauer 1966), en immobilisant l’antenne de chaque insecte d’une colonie d’abeille entière, les mouvements des antennes sont nécessaires pour les interactions sociales : si leur mouvements sont bloqués, même lorsque le sens olfactif reste intact, l’organisation de la colonie, les comportements sociaux, d’agrégation, de cour, et les échanges de nourritures sont impactés (Martin 1965; Martin & Lindauer 1966; Staudacher et al. 2005). Par conséquent, de nombreuses études ont analysés leur spécificité en fonction du contexte, des caractéristiques des abeilles en interaction, en Introduction 30 particulier pendant les échanges trophallactiques (Free 1957; Montagner & Pain 1971; Galliot & Azœuf 1979; Galliot et al. 1982; Korst & Velthuis 1982; Crailsheim 1998). Ces mouvements sont également nécessaires pour percevoir des stimuli sociaux, tels que les mouvements de la danse frétillante (Rohrseitz & Tautz 1999; Gil & De Marco 2010). En plus d’être nécessaire pour la mise en place et le maintien des interactions sociales, la modulation de ces mouvements d’antennes semble être profondément liée aux caractéristiques des stimuli perçus et à l’état physiologique de l’abeille. Un comportement typique de ces antennes est le balayage, qui consiste en des mouvements de l’avant à l’arrière de la tête. Ce comportement, ainsi que l’activité musculaire associée, ont été décrits en réponse à des stimuli olfactifs et sucrés, montrant une augmentation de l’activité et de la fréquence de contact avec les stimuli (Suzuki 1975; Erber et al. 1993b; Pribbenow & Erber 1996; Erber & Pribbenow 2000; Haupt 2004; Haupt & Klemt 2005; Haupt 2007). Ce comportement a ainsi été analysé en tant que réponse inconditionnée à de nombreuses modalités : gustative, visuelle, olfactive, ainsi que tactile (Erber & Schildberger 1980; Erber et al. 1993b; Haupt 2004; Haupt & Klemt 2005; Haupt 2007; Mujagić et al. 2012). La réponse aux stimuli diffère en fonction de leurs caractéristiques, telles que la surface et les bordures des objets (Erber et al. 1997). Les mouvements de ces organes sensoriels consistent ainsi en une réponse comportementale très variée qui peut donc potentiellement informer de la perception de la valeur hédonique des stimuli, ainsi que de la valeur motivationnelle en fonction de l’état physiologique de l’abeille. En effet, l’état physiologique de l’abeille influence ses mouvements d’antennes, par exemple des mouvements sont caractéristiques de la phase de sommeil de l’abeille, et sont utilisés comme indicateurs de cette phase et de l’interaction avec d’autres aspects de la vie de l’abeille (Sauer et al. 2003, 2004; Hussaini et al. 2009; Zwaka et al. 2015). De plus, les mouvements sont impactés par la consommation expérimentale d’alcool (Wright et al. 2012) ou de bactéries (Kazlauskas et al. 2016). Et cela a un effet sur le type d’interaction qu’elle effectue avec d’autres abeilles. On peut donc supposer que ces mouvements d’antennes seraient des bons indicateurs de sa réaction à de nombreux stimuli. De plus, ils pourraient consister en une réponse qui exprimerait les deux valeurs opposées, appétitive et aversive, sur un seul et même organe, et permettrait d’étudier les interactions entre ces deux valeurs. C’est ce qui sera étudié dans la deuxième partie de cette thèse. En prenant en compte leur implication dans de nombreux aspects sociaux de la colonie, il peut être d’un intérêt particulier de déterminer les modulations de ces mouvements d’antennes Introduction 31 en réponse aux nombreux stimuli liés aux différents contextes rencontrés au cours de la vie d’une abeille, en particulier incluant les stimuli sociaux. L’étude de cette modulation des mouvements d’antennes peut en effet être un moyen d’étudier la modulation des comportements individuels et leur lien avec le fonctionnement de l’ensemble du groupe social. Il est ainsi nécessaire de commencer par déterminer les règles et mécanismes de la modulation des mouvements des antennes en fonction, à la fois, des caractéristiques des stimuli et du statut de l’abeille. C’est ce qui sera traité dans la troisième partie de cette thèse. Les antennes sont nécessaires pour percevoir les signaux chimiques sur lesquels les abeilles se basent pour moduler le type de soin apporté au couvain (Free & Winder 1983; Nagari & Bloch 2012) et à la reine (Free 1964, 1987; Free et al. 1992; Maisonnasse et al. 2010a), le retrait des déchets et cadavres (Visscher 1983; Spivak et al. 2003; Cheruiyot et al. 2018), la défense du nid (Maschwitz 1964; Boch & Rothenbuhler 1974; Collins et al. 1980), et le transfert d’information pour le butinage (Thom et al. 2007). Ces signaux sociaux sont de grande importance pour leur organisation sociale complexe, et régulent de nombreux comportements et interactions sociales (Trhlin & Rajchard 2011). A travers ces trois parties, nous détermineront la modulation des réponses antennaires aux stimuli, tant généraux que sociaux. Compte tenu de la structuration complexe des tâches au sein d’une colonie, cette modulation pourrait dépendre de l’activité liée au stimulus. Il est alors important de prendre en compte le fait que l’activité de l’abeille est directement liée à son âge, et donc que cela module sa probabilité de contact avec les différents stimuli d’intérêts, liés à chacune de ses activités. L’âge peut directement influencer la perception des stimuli et la réponse comportementale exprimée. Par exemple, la réponse des abeilles à différents composés odorants, des phéromones ou bien des émissions florales, varie en fonction de l’âge de l’abeille (Masson & Arnold 1984a). L’apprentissage peut également influencer la perception d’une odeur (Arenas et al. 2012). De la même manière, on peut se demander si la valeur d’un individu perçu varie en fonction de son âge, en fonction de sa proximité avec des stimuli d’intérêts liés à son activité. Cet effet de l’âge et de l’apprentissage devra donc être exploré. Pour comprendre ces mécanismes, il est important de connaître les bases anatomiques et neuronales des mouvements des antennes et du traitement olfactif au niveau du cerveau de l’abeille. Introduction
Système antennaire : mouvements et perception mécanosensorielle et olfactive
Chez l’abeille, l’antenne géniculée est divisée en trois parties : le flagelle, la plus longue, qui contient la plupart des récepteurs ; le pédicelle, qui est le coude autour duquel pivote le flagelle ; et le scape, qui est la partie jointe à la cuticule de la tête de l’abeille, articulé au niveau d’une rotule, consistant en l’articulation d’une « boule » dans une « cavité » (dit « balland-socket joint ») (Kloppenburg 1995). Figure 8 : Schéma de l’anatomie du système moteur de l’antenne chez l’abeille : L’antenne est tripartite. Le scape proximal est inséré dans la capsule de la tête au niveau de la rotule. Le flagelle est connecté sur l’articulation du pédicelle, une jonction charnière. Les flexions et extensions de l’articulation du pédicelle sont réalisées par un système de deux muscles antagonistes (fléchisseurs et extenseurs) dans le scape. Les mouvements du scape sont contrôlés par quatre muscles de la capsule de la tête. Les motoneurones des deux systèmes musculaires se projettent dans le lobe dorsal (DL). Les mouvements peuvent se faire au niveau de l’articulation du pédicelle (α) et du scape par rapport à la capsule de la tête (angle azimut θ, et angle d’inclinaison φ). [Le générateur de pattern indiqué (PG), qui génère les commandes du moteur est hypothétique.] (Repris de Faensen 1999). Le scape peut ainsi produire des mouvements de rotation au niveau de la rotule et le flagelle peut produire des mouvements de flexion et d’extension au niveau du pédicelle (Staudacher et al. 2005). Des mouvements rapides sont produits en particulier grâce au motoneurone « FastFlagellum-Flexor (FFF) (Erber et al. 2000). Ces muscles permettent des mouvements de balayages rapides et de courte durée, effectués lors de la perception d’un objet à portée de l’antenne. (Erber et al. 1997; Erber & Pribbenow 2000) (Fig. 8, 9). La fonction de ces mouvements d’antennes est à éclaircir. Introduction 33 Figure 9. Dessin détaillé des muscles composant le scape. L’articulation entre le scape et la capsule céphalique se trouve sur la droite, le segment du flagelle se trouve sur la gauche (repris de Erber et al. 2000). En dépit de la grande importance des indices tactiles pour l’abeille (pour les interactions sociales (Tezze & Farina 1999; Wainselboim & Farina 2000), et le butinage (Kevan & Lane 1985), on sait peu de choses sur la perception d’informations tactiles sur les antennes des abeilles. Les structures mécano-sensorielles sont généralement classées avec les propriocepteurs, qui encodent les mouvements relatifs entre les articulations, et les extérocepteurs, qui sont stimulés par les facteurs externes, tels que la pression, les flux d’air, la température et l’humidité. L’organe de Johnston (JO), localisé au niveau du pédicelle (Fig.10) permet de détecter des mouvements et vibrations de l’air (Towne & Kirchner 1989; Kirchner et al. 1991; Dreller & Kirchner 1993). Les neurones sensoriels dans le JO convertissent les vibrations mécaniques du flagelle en excitation neuronale. Il est ainsi spécialisé pour détecter les vibrations à des fréquences de 250 à 300 Hz qui correspondent à celles générées par la danse des abeilles (Tsujiuchi et al. 2007). Figure 10 : Projection centrale des afférents mécano-sensoriels, A : Vue frontale (antérieure) de la capsule céphalique. Les afférences mécano-sensorielles projettent dans le lobe dorsal (DL), le lobe protocérébral postérieur (PPL), et la zone sous-œsophagienne (ZSO). B : Image de microscopie électronique à balayage du pédicelle. Les extérocepteurs consistent en des soies distribuées largement sur la cuticule, et au niveau de l’articulation du pédicelle. C : Section transverse du pédicelle où se trouvent les scolopales, unité sensorielle de l’organe de Johnston, autour du nerf antennaire (dans la région indiquée par la ligne sur l’image B. AN, nerf antennaire; DC, deutocérébron; OL, lobe optique; PC, protocérébron; PPL, lobe protocérébral postérieur ; VNC, cordon du nerf ventral. Repris de Ai et al. 2007 et Ai 2010. Par ailleurs, des soies détectent le mouvement à l’interface des articulations. Les stimuli perçus par les antennes peuvent être détectés via les sensilles, des excroissances présentes sur la cuticule des antennes, qui sont les structures morphologiques permettant le traitement des stimuli perçus. Il existe de nombreux types de sensilles pouvant être morphologiquement différentes (Callahan 1975; Zacharuk 1980; Stocker 1994; Keil 1999). Les sensilles peuvent être spécialisées dans la détection de différentes modalités, telles que la température (amplullacea) ou l’humidité et le CO2 (coeloconica). Les sensilles ayant des bases flexibles, avec ou sans pore terminal, possèdent des fonctions mécano-sensorielles. C’est le cas des sensilles trichoidea, qui, en fonction de leur type, peuvent posséder des fonctions plutôt gustatives (trichoidea type D) ou plutôt mécanosensorielles (trichoidea type B1, B2, et dans une moindre mesure trichoidea type D). D’autre part, les sensilles campaniformia perçoivent la pression. (Minnich 1932; Esslen & Kaissling 1976). La zone sensorielle à l’extrémité du flagelle, joue un grand rôle dans la perception d’information mécano-sensorielle. Cette zone est couverte de certaines sensilles gustatives (Martin & Lindauer 1966; Whitehead & Larsen 1976; Haupt 2004), mais aussi de nombreuses sensilles mécano-sensorielles (Martin & Lindauer 1966; Esslen & Kaissling 1976). La perception de différents types de caractéristiques, tels que la discrimination de la surface, de la forme, de la taille a été explorée (Erber et al. 1998). On sait que le mouvement normal d’au moins une articulation d’au moins une antenne est nécessaire à la perception d’un objet, et à son association avec une récompense ; et les récepteurs à l’extrémité du flagelle sont Introduction 35 indispensables lorsqu’il s’agit de détecter précisément les détails de la surface d’un objet (Scheiner et al. 2005). Les afférences mécano-sensorielles projettent dans le lobe dorsal (DL), ou Centre Moteur Mécano-sensoriel Antennaire (AMMC) (Rospars 1988; Rybak 2012) (Fig.10 & 11).
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