Apports possibles des options réelles à la décision d’investissement stratégique
Dans le Chapitre 1, nous avons montré qu’en dépit de l’intérêt porté par les académiques aux options réelles, cette approche reste très peu utilisée dans le monde de l’entreprise. Par ailleurs, nous avons constaté que la littérature suggère une grande diversité des usages possibles des options réelles, sans cependant en déterminer les conditions concrètes d’utilisation. L’objectif de ce chapitre est de mieux cerner à la fois les apports possibles des options réelles à la décision d’investissement, et leurs limites d’utilisation. Dans un premier temps, nous montrons que les options réelles ne sont pas utiles pour toutes les décisions d’investissement. Nous analysons quelles conditions doivent être réunies pour que d’une part, le projet d’investissement suive une logique optionnelle, et que d’autre part les options réelles apportent un éclairage supplémentaire par rapport aux outils classiques d’aide à la décision d’investissement. Lorsque ces conditions sont remplies, nous explorons quelles sont les contributions potentielles des options réelles : à quels types de décisions d’investissement les options réelles permettent-elles de répondre ? Sur quel mode les options réelles apportent-elles une aide à la prise de décision : de façon quantitative, comme outil de valorisation, ou de façon plus conceptuelle ? Enfin, nous détaillons quelles sont les principales limites à l’utilisation des options réelles pour la prise de décision. La troisième section de ce chapitre est consacrée à une validation empirique des apports et limites des options réelles dans le domaine de la R&D. Comme nous l’avons souligné dans le Chapitre 1, la R&D est l’un des domaines dans lesquels les options réelles sont les plus utilisées. Pour la constitution de ce chapitre, nous nous appuyons sur des données empiriques constituées à l’occasion d’un contrat de recherche le département R&D d’un opérateur de télécommunications. L’objectif du contrat était d’établir un diagnostic sur les apports possibles des options réelles pour les décisions d’investissement de l’opérateur. Nous explorons ainsi pour quels types de projets les options réelles sont les plus utiles, à quelles décisions d’investissement elles permettent de répondre, et quelle est la nature de leur contribution.
POUR QUELS TYPES DE PROJETS LES OPTIONS REELLES SONT-ELLES UTILES ?
L’approche par les options réelles n’est pas adaptée à tous les types de projets d’investissement, comme l’indique Damodaran (2000: 40) : « Not all investments have options embedded in them, and not all options, even if they do exist, have value ». Dans cette section, nous explorons les conditions d’existence des options réelles, ainsi que les déterminants de la valeur de ces options. Dans un deuxième temps, nous détaillons les cas de figure dans lesquels l’approche optionnelle est susceptible d’apporter un éclairage nouveau à la décision d’investissement, en comparaison des éléments fournis par le calcul de VAN. I. Condition d’existence des options réelles au sein des projets d’investissement D’après Bowman et Hurry (1993), toute décision d’investissement peut être interprétée à travers le prisme des options. Il nous semble au contraire important de souligner que toutes les opportunités d’investissement ne sont pas porteuses d’options réelles ; et même lorsque c’est le cas, l’option n’a pas nécessairement de la valeur. Goffin (1999: 520-522) cite quatre conditions principales pour qu’un projet puisse être analysé à travers une logique optionnelle. 1. L’irréversibilité de l’investissement initial ; 2. Le risque ; 3. La flexibilité ; 4. La révélation d’information.28 Si ces conditions ne sont pas simultanément remplies, nous ne nous trouvons pas dans une logique optionnelle. Dans un tel cas de figure, une analyse par les options réelles n’apportera pas d’information complémentaire aux conclusions correspondant à un calcul de VAN (Kamrad, 1995). I.1. Irréversibilité L’irréversibilité de la dépense d’investissement initiale est indispensable. En effet, s’il existait la possibilité de « récupérer » l’investissement initial en cas d’évolution défavorable de la situation, alors l’option n’apporterait plus aucune valeur supplémentaire (Figure 2.1).