Apports des méthodes d’homogénéisation numériques à la classification des massifs rocheux fracturés
La matrice rocheuse
Classification géologique des roches
Le Comité Français de Mécanique des Roches (CFMR-MMR [2000]) définit la roche comme étant « un assemblage de minéraux qui ont acquis des liaisons plus ou moins fortes au cours de leur histoire géologique ». Trois catégories principales sont à l’origine de la classification des roches : 1- Roches magmatiques : elles résultent du refroidissement du magma (granite, basaltes…). 2- Roches sédimentaires : elles résultent de la décomposition des roches d’origine magmatiques ou métamorphiques et couvrent plus de trois quarts de la surface des continents et presque la totalité des fonds des océans. Elles sont caractérisées par leur épaisseur limitée (calcaires, grés, roches argileuses…). 3- Roches métamorphiques : leur formation est due à un phénomène de transformation à l’état solide des roches sédimentaires ou magmatiques sous l’effet de hautes pressions et/ou augmentation de la température. (marbre, quartzites, schistes et micaschistes, gneiss..). Connaissant bien l’importance capitale qu’apporte l’aspect géologique des roches sur leur comportement mécanique, nous ne nous intéressons dans le paragraphe suivant et dans le cadre de cette thèse qu’à l’aspect mécanique en termes de propriétés et comportement.
Comportement mécanique des roches
En analysant la variation de la contrainte σ de compression appliquée sur un échantillon de roche en fonction de la déformation ε qui en résulte, nous distinguons deux phases principales (Fig. 6) : un comportement réversible ou élastique (linéaire ou non) et un comportement irréversible marquant, suivant le cas, l’endommagement, la plasticité ou la rupture de la roche. Dans ce qui suit, nous décrivons sommairement chacune de ces phases séparément. irréversible réversible ε Fig. 6 : Principales phases du comportement d’une roche au cours d’un essai de compression simple
Elasticité des roches
L’élasticité anisotrope générale est caractérisée par 21 paramètres indépendants (cf. chap.3, §.2.1). Le comportement global d’un massif fracturé est fortement anisotrope. Toutefois l’anisotropie de la matrice rocheuse est relativement faible et négligeable par rapport à celle qui est induite par la présence des fractures. Pour cette raison, nous admettons que le comportement de la roche est isotrope et caractérisé par un module d’Young E et un coefficient de Poisson ν. Tableau 1 : Module d’Young et coefficient de Poisson pour quelques roches (cité par Mestat [1993]) Matériau Module d’Young E (GPa) Coefficient de Poisson ν Granite Basalte Quartzite Gneiss Schiste 10 – 80 20 – 70 30 – 90 10 – 60 7 – 50 0.25 – 0.35 0.25 – 0.35 0.12 – 0.15 0.25 – 0.35 0.15 – 0.20 Calcaire très compact Calcaire compact Calcaire peu compact Calcaire tendre 60 – 80 30 – 60 10 – 30 2 – 10 0.25 – 0.35 0.25 – 0.35 0.25 – 0.35 0.25 – 0.35 Marne Grés Molasse Marbre Gypse 0.05 – 1 5 – 60 1.5 – 5 80 – 110 2 – 6.5 0.25 – 0.35 0.25 – 0.35 0.25 – 0.35 0.27 – 0.3 0.27 – 0.3 Apports des méthodes d’homogénéisation numériques à la classification des massifs rocheux fracturés Le tableau 1 donne une indication sur l’intervalle de variation de E et de ν pour différents types de roches. Dans ce tableau, nous remarquons que E varie entre des valeurs très petites (moins que 1GPa) pour des roches tendres comme le marne et le calcaire et des valeurs très grandes (plus que 100GPa) pour les roches dures comme le granite et le marbre. De même, nous précisons un coefficient de Poisson moyen qui prend une valeur de 0.25 pour les divers types de roches. Ce sont ces valeurs qui nous guideront dans le choix des propriétés élastiques des roches que nous considérons dans notre classification numérique (cf. chap.5, §.1).
Résistance des roches
Comme nous l’avons indiqué au début de ce paragraphe, la phase élastique de la courbe contrainte-déformation est suivie par une phase irréversible de différente nature. Nous définissons la résistance de la roche comme étant la fin de cette phase élastique et nous proposons de la décrire par un critère portant sur les contraintes principales. Nous appelons ce critère : critère de résistance de la roche. Un critère très courant et souvent utilisé dans le domaine de la mécanique des sols et des roches est celui de Mohr-Coulomb. Ce critère est représenté dans le plan des contraintes tangentielles et normales (τ,σ) par deux droites symétriques par rapport à l’axe des contraintes normales (Fig. 7). Ces deux droites sont appelées courbes intrinsèques. Pour une roche, nous caractérisons ce critère par deux paramètres qui sont la cohésion C et l’angle de frottement interne Φ. L’équation de la courbe intrinsèque s’écrit : τ σ ≤ C + Φ tan (1) où τ et σ représentent respectivement la contrainte de cisaillement et la contrainte normale à la rupture. τ σ1 σ σ2 σ3 +Φ +σ(MPa) +τ (MPa) ο Plasticité σt Elasticité Plasticité C −σ(MPa) Fig. 7 : Critère de résistance de Mohr-Coulomb représenté dans le plan (τ,σ) Apports des méthodes d’homogénéisation numériques à la classification des massifs rocheux fracturés La forme géométrique de ce critère dans l’espace des contraintes limites σ1, σ2, σ3 prend la forme d’un cône à base hexagonale dont l’axe est défini par la droite σ1=σ2=σ3 (Fig. 8). 1 σ2 σ3 σ1=σ2=σ3 σ1=σ2=σ3 σ2 σ3 3 C tan Φ Fig. 8 : Critère de résistance Mohr-Coulomb représenté dans l’espace des contraintes principales La formulation mathématique du critère de Mohr-Coulomb est régie par l’expression suivante : 21 12 F C ( ) ( ) ( )sin 2 cos 0 σ = − − + Φ− Φ≤ σ σ σσ ; σ1<σ3<σ2 (2) qui ne fait pas intervenir la contrainte intermédiaire σ3. d’après cette équation, le potentiel plastique dans le plan s’écrit : 21 12 1 tan ; sin (tan ) 2 2 cos C et σ σ σσ α α − + − ≤ + Ψ = Φ= Ψ Ψ (3) Cette équation représente l’équation d’une droite caractérisée par les paramètres α et Ψ (Fig. 9). Elle est d’une importance capitale puisqu’il suffit de calculer deux couples de points (σ1,σ2) pour obtenir la cohésion de la roche ainsi que son angle de frottement interne. Le critère de Mohr-Coulomb permet de calculer d’autres paramètres mécaniques employés fréquemment par les concepteurs des ouvrages dans les massifs rocheux tels que la résistance à la compression simple et à la traction. En effet, du fait que σ1<σ3<σ2 alors la résistance à la compression simple de la roche σc résulte d’une contrainte σ1 nulle d’où : 2 2 cos 1 sin c C σ σ Φ = = − Φ (4) De même, pour une contrainte σ3 nulle, l’expression de la résistance à la traction s’écrit : Apports des méthodes d’homogénéisation numériques à la classification des massifs rocheux fracturés Chapitre 1 : Les massifs rocheux : structure et comportement mécanique www.rocknumerics.com Juin 2006 13/206 Chalhoub M. 1 2 cos 1 sin t C σ σ Φ = =− + Φ (5) d’où : 1 sin 1 sin c t σ σ + Φ = − − Φ (6) Dans le cas particulier où Φ=0, le critère de Mohr-Coulomb prend la forme du critère de Tresca représenté par une droite horizontale et dont l’expression s’écrit comme suit : 2 1 F C () ( ) 2 0 σ = σ −−≤ σ (7) Fig. 9 : Potentiel plastique du critère de rupture de Mohr-Coulomb Le critère de Mohr coulomb n’est pas le seul à caractériser le comportement de la roche en phase plastique. En fait, comme nous l’avons déjà mentionné, il est l’un des plus employés en termes de modélisation et de calcul des ouvrages. Parmi d’autres critères dont la présence dans la littérature est assez répandue, on mentionne celui de Murell [1965] et Hoek-Brown [1980]. L’emploi de ce dernier ne se limite pas à la modélisation du comportement d’une roche saine mais aussi à des massifs fracturés à caractère isotrope. Les paramètres et la formulation mathématique de ce critère sont détaillés dans le chapitre 2 (cf. §.1.4). Nombreux sont les auteurs qui ont mené des essais afin de calculer la cohésion et l’angle de frottement interne des roches. Nous regroupons dans le tableau 2 un recueil de valeurs intéressantes de ces paramètres qui montre une large dispersion en fonction de la nature de la roche. Il faut noter que les tableaux 1 et 2 donnent une idée générale sur la valeur des paramètres mécaniques d’une roche. Les valeurs que nous retrouvons doivent être employées avec précaution. Le recours à des essais in-situ ou au laboratoire permettrait de préciser les vraies valeurs de ces paramètres.
Chapitre 1 Les massifs rocheux : structure et comportement |