Apports des examens complémentaires dans le diagnostic final et étiologies des malaises hospitalisés

Critères d’évaluation

Le critère d’évaluation principal était un critère composite comprenant le respect de la conduite à tenir indiquée dans le protocole concernant l’interrogatoire, la caractérisation du malaise et l’analyse de ses circonstances, la prescription des examens complémentaires préconisés et la décision d’hospitalisation ou de retour à domicile.
Les objectifs secondaires étaient de décrire l’épidémiologie de la population marseillaise des malaises du nourrisson hospitalisés, d’étudier l’apport d’examens complémentaires dans lediagnostic final et d’isoler la population nouvellement définie par l’acronyme BRUE et sapopulation à bas risque.

Analyse statistique 

Les données étaient saisies dans une base de données Excel. La vérification de la saisie des données était réalisée en deux temps, au cours de la saisie par la présence de contrôles sur les valeurs autorisées et à l’issue de la saisie par description de chaque variable et la recherche d’incohérences entre variables dépendantes. Les données étaient analysées par le Service d’Evaluation Médicale (Santé Publique, APHM) à l’aide du logiciel SPSS version 20. Une procédure d’anonymisation des données attribuait un numéro à chaque patient. Une table de correspondance est disponible, distincte de la base d’exploitation. Seul le numéro d’identification patient était saisi dans la base de données informatique. Une analyse descriptive était conduite sur la totalité des variables recueillies afin de décrire les profils de l’enfant, des parents, la prise en charge et le devenir. Les variables quantitatives étaient résumées par la moyenne et écart-type, médiane, minimum et maximum. Les variables catégorielles ou ordinales le  sont par le nombre et pourcentage de chaque modalité. L’analyse statistique principale prévue portait sur la conformité de la prise en charge du patient selon le protocole diffusé dans les services. Les méthodes utilisées étaient la comparaison de moyennes (test de Student, ANOVA, ou tests non paramétriques en fonction de la nature et de la distribution des variables), et la comparaison de fréquences (tableaux croisés, test du Chi2 ou test exact de Fisher). Le seuil de significativité était fixé à 5% en situation bilatérale.

Résultats

Flow Chart

Entre Octobre 2016 et Septembre 2017, sur 75 894 passages aux urgences pédiatriques, 31% concernaient les moins de deux ans. 113 patients ont été enregistrés par l’infirmière d’accueil pour le motif « malaise du nourrisson » et 207 patients ont eu un diagnostic médical de « malaise du nourrisson ».
Notre étude a inclus 90 patients sur les deux sites des urgences pédiatriques du CHU de Marseille (Timone et Nord).

Réponses à l’objectif principal d’évaluation des pratiques

Interrogatoire par le praticien

Une bonne pratique d’interrogatoire était retrouvée pour la majorité des enfants inclus. Pour 57 enfants (63.3%) toutes les questions suggérées dans le protocole ont été posées.
Dans le cadre des antécédents néonataux, la question la plus fréquemment oubliée était letabagisme pendant la grossesse (76/90 (84%)). Celle sur la recherche d’une surdité familiale n’était renseignée que pour 7 questionnaires.
Nous n’avons pas mis en évidence de différence significative entre l’application du protocoleen termes d’interrogatoire et l’horaire de consultation, la saison, ou encore l’âge du nourrisson tout type de malaise confondus et par couleur de malaise.
Résumé des bonnes pratiques globales (concernant à la fois l’interrogatoire, la qualification du malaise, la prescription d’examens complémentaires, et la suite de prise en charge recommandés)
La pratique était totalement conforme au protocole pour seulement 6,2% des nourrissons avec un malaise bleu (n=3/48), 11.5% des nourrissons avec un malaise blanc (n=3/26), 14,3 % des nourrissons avec un malaise rouge (n=1/7) et 25% des nourrissons avec un malaise de couleur indéterminée (n=2/8)
Au total, 10,1% des nourrissons, tous types de malaises confondus, bénéficiaient de bonnes pratiques globales (n=9/89).

Apports des examens complémentaires dans le diagnostic final et étiologies des malaises hospitalisés

Les demandes et les résultats des examens complémentaires prescrits dans le cadre du protocole sont résumés dans le tableau 6 ; ceux prescrits hors protocole le sont dans le tableau 7. Lesprincipales anomalies mises en évidence grâce aux examens complémentaires étaient des anomalies biologiques à type d’hyperkaliémie (n=6/90 soit 6,7%), d’hypercalcémie (n=6/90 soit 6,7%), d’acidose (14,4% ; n=13/90), d’hypercapnie (15,5% soit n=14/90) ou encore de réserve alcaline diminuée (n=33/90 ; 36,6%). Une recherche de coqueluche et une de VRS étaient positives.
Une intoxication par cannabis était retrouvée chez un nourrisson. 13 échographies cardiaques ont été réalisées durant le séjour des patients : 11 pour des malaises blancs dont 4 expliquaient le malaise, 1 pour un malaise bleu qui était normale, 1 pour un malaise dont la couleur n’est pas renseignée expliquant le malaise. Au total 38% des échographies cardiaques permettaient d’expliquer le malaises (n=5/13).

Description et épidémiologie des malaises du nourrisson

Dans l’étude, 52,3% des nourrissons présentaient au moins un antécédent néonatal (n=46). 3 nourrissons étaient nés grands prématurés avant 32 SA, et 12% (n=10) étaient nés entre 32 et 36 SA. 93,2% des nourrissons avaient un développement psychomoteur et des courbes de croissance normaux (n=82/88).
La majorité des patients hospitalisés avaient des antécédents personnels, 22/79 (27,8%). La majorité de ces nourrissons prenait un traitement médicamenteux (n=56/79 (70,9%)) mais le plus fréquent était la supplémentation par vitamine D (n=51/79 (64,6%). 45% des nourrissons avaient des antécédents familiaux (n=39/87). 22,9% des nourrissons hospitalisés avaient des antécédents familiaux (n=16/70) : 3 morts subites (4,3%), 11 décès inexpliqués dans l’enfance (15,7%). 8 avaient des parents avec antécédents de malaises vagaux (11,9%).
8 nourrissons hospitalisés avaient déjà présenté un épisode de malaise (10,1%) avec comme diagnostic précédemment établi : 3 RGO, 1 spasme du sanglot, 1 flutter auriculaire, 1 pause respiratoire, 1 fausse route et 1 sans diagnostic.

Description du malaise dans la population des nourrissons hospitalisés

Une grande partie des malaises semblait être en lien avec l’alimentation puisque 25,6% sont survenus immédiatement après le repas (n=22) et 29.5% pendant une régurgitation extériorisée ou la prise d’un biberon (n=26). 2 nourrissons avaient présenté le malaise en décubitus ventral. On retrouvait un contage infectieux les jours précédents le malaise chez un tiers des nourrissons (n=25 ; 33,3%), notamment de viroses respiratoires et 5 malaises survenant pendant un épisode infectieux actuel (5.7%)
La majorité des parents arrivait au service d’urgence par leurs propres moyens (52,6%), 13,2% des nourrissons avaient nécessité un transport médicalisé par le SAMU. Le délai de consultation était court puisque 72,9% arrivaient aux urgences dans l’heure suivant le malaise.

Examen clinique des nourrissons hospitalisés

Aucun nourrisson de notre étude n’est arrivé aux urgences avec une détresse vitale. 58,2% des nourrissons hospitalisés avaient un examen clinique strictement normal (n=46/79).
Dans chaque catégorie de malaise, l’examen clinique était majoritairement normal : 52,2% pour les nourrissons ayant présenté un malaise blanc (n=12/23), 56,8% pour les malaises bleu (n=25/44), 60% pour les malaises de couleur indéterminée (n=3/5) et 60% pour les malaises rouge (n=3/5).
L’anomalie la plus fréquemment retrouvée à l’examen était cardiologique (15,4%). Les résultats de l’examen clinique sont détaillés dans le tableau 9.

DISCUSSION

Notre étude sur les malaises est basée sur 3 parties spécifiques : l’analyse du respect du protocole en cours, la description épidémiologique des malaises hospitalisés et l’ébauche d’une nouvelle façon d’appréhender ces malaises en incluant les données récentes américaines définies dans le BRUE. Il s’agit ainsi d’un travail qui rentre dans le cadre d’une évaluation des pratiquesprofessionnelles avec une volonté d’améliorer la prise en charge. Notre étude était prospective, avec inclusion sur un an de 90 malaises du nourrisson. Les caractéristiques de notrepopulation étaient représentatives puisque concordantes avec la littérature. Cependant, notre travail était uni-centrique, prospectif, et réalisé dans un CHU de grande envergure, avec des nourrissons suivis dans les différents services de surspécialités, avec de lourds antécédents pour certains. De plus, sur la période observée, nous n’avons inclus que 90 nourrissons sur 207, et n’avons pas réalisé de suivi post hospitalisation. Les autres études sur le sujet sont toutes rétrospectives, permettant une inclusion d’un nombre plus important de cas de malaises du nourrisson.
Les principaux résultats de notre étude sont que 63% des nourrissons ont eu une prise en charge selon une bonne pratique d’interrogatoire en ayant un interrogatoire complet et détaillé sur les circonstances du malaise, et que 99% des nourrissons ont eu un malaise caractérisé selon une couleur comme préconisé dans le protocole. Cette caractérisation par couleur, qui est actuellement un élément clé du protocole puisqu’elle conditionne la conduite à tenir, semble être difficile et soumise à une certaine subjectivité puisque on note 10% de discordances selon les équipes de prise en charge (urgence versus service d’hospitalisation). La prescription d’examens complémentaires est assez aléatoire avec 12,5% de nourrissons pris en charge selon de bonnes pratiques tous types de malaise confondus avec une claire tendance à la surprescription. Enfin, la suite de la prise en charge (hospitalisation ou retour à domicile) est conforme au protocole dans 84% des cas mais il existe de grandes variations selon le type de malaise (91% de bonne pratique pour les nourrissons ayant présenté un malaise bleu, 29%pourceux ayant eu un malaise rouge). Au final, on peut dire que moins d’un quart des nourrissons ont eu une prise en charge selon une bonne pratique en ayant eu une prescription d’examens et une prise en charge globale conforme à la caractérisation initiale de leur malaise. Enfin, l’analyse des résultats a permis de mettre en évidence certaines difficultés d’application de notre protocole.
Même si la question n’était pas directement posée dans notre questionnaire, on peut dire que le protocole semble connu et utilisé par les praticiens puisque les principaux items de l’interrogatoire étaient recherchés pour la majorité des nourrissons, notamment ceux concernant l’interrogatoire spécifique et la caractérisation du malaise en couleur. Cela est concordant avec les résultats de l’étude précédente dans laquelle 74% des praticiens affirmaient connaitre le protocole, 92% affirmaient l’appliquer et 4 ne le trouvaient pas adapté.
La définition utilisée dans notre protocole était celle correspondant à l’acronyme ALTE (Apparent life-threatening event), définie en 1986 par le NIH (National institutes of Heath) (3): accident impressionnant pour l’observateur, inopiné et brutal caractérisé par une combinaison de modification du tonus et/ou de la coloration des téguments (cyanose, érythrose ou pâleur)avec ou non apnées (au moins 20 secondes). Cette définition décrit un symptôme plutôt qu’undiagnostic définitif. Ce terme remplaçait alors celui de « Near-miss SIDS (Sudden Infant death Syndrome) : mort subite du nourrisson évitée de justesse », l’association avec la mort subite dunourrisson étant controversée.(3). Avant 1986, l’expression « épisodes d’apnées infantiles »était utilisée et classée sous l’étiquette mort subite du nourrisson (4). Cette définition restaitimprécise et subjective, participant probablement à la surmédicalisation retrouvée dans notre étude. Nous avons d’ailleurs observé cette difficulté de définition dès l’admission aux urgencespédiatriques avec une discordance entre le nombre de nourrissons ayant pour motif deconsultation « malaises », renseigné par l’infirmière d’accueil et le nombre de diagnostic conclus par les médecins.
En 2016, l’AAP a publié des recommandations (2) et introduit une nouvelle définition plus précise : BRUE pour les nourrissons de moins d’un an, ayant présenté un événement décrit parun observateur comme bref (durée inférieure à une minute) et résolu spontanément, avec un interrogatoire, un examen clinique médical, et des signes vitaux normaux. Cet évènement est caractérisé par au moins l’un des critères suivants : cyanose ou pâleur, respiration absente, diminuée ou irrégulière, changement marqué du tonus et/ou modification de la conscience. Les auteurs ont voulu insister sur la nature transitoire de l’incident et l’absence de cause précise enéliminant la crainte que le mot ALTE inspirait.
Alors que la base de notre protocole est la caractérisation des malaises selon leur couleur, aucune autre étude n’a, à notre connaissance, évalué cette classification. Classiquement la caractérisation semble plutôt se faire sur l’existence ou non de signes de gravité (5) , d’anomalies à l’examen clinique (6,7), ou encore sur l’existence de récidive du malaise (6,7) comme dans le BRUE cité précédemment. Les discordances de caractérisation en termes decouleur des malaises observées dans notre cohorte entre urgences et service hospitalier nous interrogent d’autant plus sur la pertinence de cette classification. En effet, celle-ci repose sur une trop grande subjectivité clinique. Ainsi, le malaise bleu n’est pas défini de la même manière par tous : si certains le diagnostiquent sur une cyanose péri buccale isolée, pour d’autres il est synonyme de cyanose du visage ou du corps. Dans les nouvelles recommandations américaines (2), la cyanose est définie par une coloration bleue ou violette de la face, des gencives ou du tronc. Sont donc exclues la cyanose péribuccale et la cyanose des extrémités. Les malaises de couleur rouge sont également exclus. Au sein de notre étude, ceux-ci ont d’ailleurs été probablement sous-estimés puisque seuls 7 malaises rouges ont été inclus. Nous émettons l’hypothèse que ceux-ci correspondant classiquement à une modification de couleur sur un RGO n’ont pas été identifiés comme malaise dès le stade des urgences pédiatriques et n’ont pas été inclus dans notre étude. Cette classification par couleur reste difficile à appliquer même en théorie puisqu’on a pu montrer dans notre étude précédente que si 93% des malaises rougesétaient bien caractérisés, seuls 84% des malaises blancs et 62% de ceux de couleur indéterminéel’étaient.
Si notre protocole semble a priori bien connu, il apparait peu appliqué dans sa globalité. En effet, très peu de nourrissons (10%) ont été pris en charge selon une bonne pratique globale comprenant un interrogatoire adapté, une caractérisation par couleur, une prescription d’examens paracliniques et une prise en charge secondaire totalement conformes au protocole.
La prescription d’examens complémentaires n’est pas conforme à la caractérisation par couleur ou par âge ; de même que la décision d’hospitalisation, et ce quel que soit le statut du médecin interne ou senior, l’horaire de consultation, l’âge ou la saison pour tous les malaises confondus.
Il est possible que la complexité de lecture de notre protocole participe à cette confusion. Celaest parfaitement illustré par le groupe des malaises blancs de plus de 3 mois où doivent intervenir les données de l’interrogatoire sur les circonstances du malaise, pour guider la décision d’examens paracliniques : cette donnée n’influence pas la prescription paraclinique qui est toujours demandée quelles que soient les circonstances. Un protocole plus clair et plus simple serait sans doute gage d’une meilleure compréhension et application.
En comparant par rapport à notre étude préalable, nous pouvons peut être dire qu’en matière d’interrogatoire, les médecins interrogent mieux dans leurs pratiques réelles que ce que nousavions mis en évidence dans nos cas cliniques. Même si la caractérisation est globalement bien faite, l’orientation secondaire reste difficile et les pratiques globales sont majoritairement non conformes. On retrouve dans les 2 études une nette tendance à la sur-prescription et à lasurhospitalisation quelle que soit la couleur du malaise. Ceci révèle probablement un facteur stress des praticiens face à la réalité de nourrissons ayant présenté un malaise, avec un protocoledifficile à appréhender et à appliquer.
Cette tendance à la sur-prescription d’examens complémentaires est souvent décrite. Dans une étude portant sur 243 malaises du nourrisson, 21% des diagnostics avaient été établis sur laclinique seule, 49% grâce à des examens orientés par la clinique ou l’anamnèse et seulement14% sur des examens en l’absence d’orientation clinique (8). Sur les 3776 tests effectués dans cette étude, seulement 5,9% avaient aidé à poser un diagnostic. En comparant les explorationscomplémentaires réalisées dans notre étude et les diagnostics évoqués en fin d’hospitalisation, nous avons également observé un rendement très faible des différents examens. Les principales anomalies paracliniques retrouvées dans notre étude étaient biologiques, mais la plupart n’avait aucune signification clinique en terme étiologique. On ne retrouve pas non plus de valeur pronostique à ces résultats alors que c’était une des justifications de leur place dans notre protocole. Concernant les examens conseillés dans notre protocole, seuls 7 apportaient finalement une aide diagnostique pour les patients (2 PCR nasales, et 5 radiographies duthorax). L’examen hors protocole le plus fréquemment prescrit était l’EEG, alors qu’iln’apporte pas d’information susceptible d’être immédiatement utile (9) et n’infirme pas un diagnostic futur d’épilepsie. Son rendement faible (entre 4,5 et 13%) explique qu’on ne doit le recommander qu’en cas d’histoire ou d’examen clinique orientant vers une cause neurologique (2,5,10). La réalisation d’examens bactériologiques (ECBU, hémoculture, ponction lombaire) n’estpas recommandée en routine devant la faible prévalence de ces étiologies au sein des malaises du nourrisson (2,11) : 0 à 1,6% pour les méningites, 0 à 2,5% pour les bactériémies, 0 à 7,6% pour les infections urinaires. Dans notre étude, 12% des patients ont eu un bilan bactériologique (ECBU, Hémoculture) alors que cela n’était pas recommandé dans le protocole.
L’examen complémentaire prescrit hors protocole qui semble être intéressant dans notre étude est l’échographie cardiaque. En effet, 38% des échographies cardiaques réalisées posent un diagnostic. Cependant 11% des nourrissons de notre population ont un antécédent cardiaque le plus souvent à type de cardiopathie. Ce n’est pas représentatif de la population générale puisque les cardiopathies congénitales représentent 8 naissances pour 1000. Les causes cardiologiquesde malaise sont l’hyper réactivité vagale, les troubles du rythme et les cardiopathies non soufflantes (12). L’échographie cardiaque permet le diagnostic dans les malaises de nourrisson de cardiopathie à type d’hypertension artérielle pulmonaire, d’anomalie d’implantation des coronaires ou encore de sténose aortique ou pulmonaire (13). Le plus souvent l’examen cliniqueoriente vers ces étiologies en retrouvant une polypnée, un teint gris, une hépatomégalie limite ou encore des pouls fémoraux difficiles à palper. Une mauvaise croissance et une prise difficile des biberons sont à rechercher à l’interrogatoire. L’échographie cardiaque systématique n’estcependant pas recommandée (2,12,13).
L’AAP (2) a défini des critères de BRUE à bas risque de gravité étiologique et pronostique (>2 mois, terme de naissance > 32 SA, âge corrigé < 45SA, sans réanimation médicale, sans événement répété, durée < 1min, interrogatoire et examen clinique rassurants), pour lesquels elle ne recommande qu’une simple surveillance monitorée durant 1 à 4 heures sans exploration complémentaire systématique, en suggérant un électrocardiogramme (ECG) et une recherchede coqueluche selon les cas. Dans ces recommandations, différents niveaux de preuve sont utilisés (A, B, C et D). Si la surveillance cardio-pulmonaire est recommandée (Niveau B), la réalisation de l’ECG et la recherche de coqueluche sont suggérées (Niveau C). Le bilan biologique, la radiographie de thorax, l’EEG, la recherche de reflux et l’hospitalisation ne sont pas recommandés (Niveau B). Par contre, un suivi avec consultation post-urgence est préconisée. Il faut cependant rester prudent car si l’AAP a émis ces recommandations pour les plus de deux mois, aucune orientation n’est disponible pour les plus petits, et les articles divergent quant au facteur de risque concernant l’âge des nourrissons (2).
La description de notre population nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de réflexions par rapport à la nouvelle définition du BRUE. L’interrogatoire reste important à préciser dans la définition du BRUE afin de préciser le risque de récidive et de pathologiquesous-jacente. Si l’AAP (2) met l’accent sur la recherche de facteur de risque de maltraitance, la description du malaise, les infections et anomalies cliniques, les antécédents personnels et familiaux du patients, son environnement (tabac, drogues, habitat), la présence de ces facteurs de risque n’oriente sur aucune conduite à tenir particulière (10). Dans notre étude, 13% des nourrissons étaient nés prématurément et 24% des mères avaient fumé pendant leur grossesse.
Dans la littérature, la prématurité apparait à la fois comme facteur de risque de récidive et de pathologie sous-jacente au malaise, le tabac in utéro semble être un facteur de risque à la foisdans le malaise et la mort subite du nourrisson (7). Dans une analyse multivariée visant àcomparer les facteurs de risque de mort subite et de malaise du nourrisson, le tabagisme pendantla grossesse est le seul facteur de risque significatif. La mono parentalité, la récidive de malaisesbleus, blancs et d’apnées, les difficultés alimentaires, et les antécédents familiaux de mortsubite du nourrisson sont retrouvés comme facteurs de risque des ALTE (7). D’autres facteurs de risque de mort subite ont été retrouvés dans notre étude : 24% des nourrissons étaient nés au décours d’une grossesse compliquée, 8,3% des nourrissons avaient une mère et 6,7%desnourrissons avaient un père qui consommait des substances illicites et 43% des patientssubissaient un tabagisme passif.28% des patients de notre étude avaient des antécédents personnels (11% cardiologique, 10%pneumologique…). La présence d’une pathologie chronique exclut le nourrisson de ladéfinition du BRUE (3). Le malaise pouvant être en lien avec la décompensation de lapathologiquesous-jacente, il ne rentre pas dans cette nouvelle définition. De même les malaises survenant au décours d’un reflux, d’un trouble de la déglutition, d’une obstruction nasale ouautres évènements susceptibles du provoquer un malaise, sont exclus. 29.5% des malaises recensés dans l’étude ont eu lieu pendant une régurgitation extériorisée ou la prise d’un biberon (26 sur 90).
Enfin, la plupart des malaises hospitalisés dans l’étude avaient un diagnostic final de RGO ce qui est largement concordant avec la littérature. Cependant, le RGO est très controversé en tantqu’étiologie des malaises (14). Au niveau physiopathologie, il semblerait plausible qu’une remontée du contenu gastrique provoque une apnée plus ou moins suivie de bradycardie (paractivation des récepteurs biochimiques laryngés, obstruction mécanique, réflexe pharyngé,mécanisme immunoallergique…), mais des études ont montré l’absence de lien temporel entreRGO et apnée (15). Certains articles soulèvent également le problème du RGO, pouvant êtrecaractérisé de pathologie chronique, ce qui en fait donc un critère d’exclusion du BRUE (16).
Ainsi, si nous avions appliqué ces recommandations américaines, nous aurions identifiéuniquement 24 nourrissons répondant à la définition du BRUE, nécessitant une surveillance enhospitalisation et uniquement 3 nourrissons nécessitant une exploration complémentaire lors decelle-ci. Nous n’avons pas pu évaluer l’impact économique de la prise en charge des malaisessur une année dans notre étude. Une étude américaine l’évaluait à 15 000 dollars pour une duréemoyenne de 4 jours d’hospitalisation (17). On sait en effet qu’outre le stress et la douleur induitspour l’enfant et sa famille, la réalisation d’examens paracliniques excessifs peuvent induire uneaugmentation du temps d’attente aux urgences, la survenue d’une iatrogénie importante(infections et sédation), la nécessité d’une surveillance clinique différente, induire une hospitalisation, voire même la réalisation d’autres investigations secondaires source de surcout.
Enfin, dans notre cohorte, 24% des patients de notre étude étaient reconvoqués en consultation pour suivi. Cela insiste sur le caractère anxiogène du malaise tant du côté des parents que de celuidu praticien mais engendre également un vrai cout en matière de santé publique. La prise en charge suggérée dans le BRUE est axée sur l’éducation des proches à domicile en leur proposant une formation en réanimation cardio-pulmonaire, formation qui selon eux diminuerait leur anxiété puisqu’ils se sentiraient plus à l’aise face à une éventuelle récidive (Niveau C).

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