Apport des verres basaltiques à la validation du modèle GRAAL sur le très long terme

Mécanismes et cinétiques d’altération

Les mécanismes : Les mécanismes d’altération du verre nucléaire borosilicaté en milieu aqueux et en l’absence de renouvellement de la solution sont étudiés depuis les années 1980. La littérature recense cinq mécanismes principaux communément admis : L’hydratation, qui correspond à la pénétration des molécules d’eau dans l’espace vide entre les anneaux formés par les tétraèdres de silice du réseau vitreux.
L’interdiffusion, durant laquelle les espèces hydrogénées de la solution s’échangent avec les éléments mobiles du verre (alcalins ou alcalino-terreux modificateurs de réseau). L’hydrolyse du réseau silicaté. La formation du gel d’altération par condensation. La précipitation de phases secondaires.
L’altération d’un verre résulte de la convolution de ces mécanismes. L’altération est généralement suivie à partir de l’élément bore, qui présente une forte affinité pour la phase aqueuse et ne participe pas aux phases secondaires (on parle de traceur de l’altération).
Ainsi, tout le bore provenant de l’altération du verre est dosable en solution et, via un calcul prenant en compte sa teneur au sein du verre, permet de connaître l’évolution de la quantité de verre altéré au cours du temps.

Les verres basaltiques

Les verres basaltiques ont été proposés pour la première fois comme analogues naturels de l’altération des verres borosilicatés nucléaires par Ewing (1979) et ont été depuis communément admis comme référence pour l’étude du comportement à long terme des verres nucléaires. Ils sont constitués environ pour moitié de silice, ce qui est proche des teneurs que l’on retrouve dans les verres du domaine R7T7, mais le verre nucléaire est un borosilicate riche en alcalins, alors que le verre basaltique est un aluminosilicate riche en alcalino-terreux. Le verre basaltique provenant d’éruptions volcaniques, on peut le trouver dans un environnement continental comme dans un milieu marin et sous toutes les latitudes.
Les conditions d’altération sont donc multiples et variées, ce qui peut constituer un avantage pour déconvoluer l’effet d’un paramètre en particulier. En échange d’une telle diversité d’âges et d’environnements, il est très difficile de connaître précisément le passé des échantillons de verres basaltiques.
La source principale de verre basaltique se trouve là où l’activité volcanique de la Terre est la plus concentrée, c’est-à-dire sur les bordures des plaques tectoniques, au niveau des dorsales médio-océaniques. Le centre de ces dorsales, appelé rift, est une zone de volcanisme sous-marin très active qui produit des pillow lavas (lave en coussins) en quantité. Ces roches possèdent un cœur constitué de minéraux cristallisés, généralement des amphiboles, pyroxènes, plagioclases ou olivines (Crovisier, 1989), entourés d’une couche millimétrique de verre.
Du verre basaltique peut également être produit lors d’éruptions sous-glaciaires : après avoir fait fondre la glace, la lave forme une couche de pillow lavas dont les dégagements gazeux peuvent provoquer une explosion. La lave alors émise forme un verre fragmenté au contact de l’eau de fonte du glacier. Finalement, la lave parvient à la surface et la dernière étape de l’éruption est subaérienne. La lave forme alors des coulées de basalte qui, si elles entrent au contact du glacier, forment à leur tour des pillow lavas. La structure ainsi développée est dénommée tafelberg, ou table mountain.

Premiers modèles sur les verres basaltiques

Si les verres basaltiques peuvent servir à valider les modèles prédictifs, ils peuvent également être utilisés pour bâtir des modèles empiriques. Les premiers modèles ont été développés à partir de l’étude de l’altération en conditions statiques des verres nucléaires et par observation de verres basaltiques naturels pour lesquels des analogies de comportement avec les verres nucléaires sont mises en évidence.
Les bases de données étant plus complètes pour les verres naturels que pour les verres nucléaires, un modèle géochimique prédisant la nature des phases secondaires ainsi que l’épaisseur de la couche d’altération a pu voir le jour. Les résultats du modèle ont ensuite été comparés, avec succès, aux observations faites sur des gels obtenus à différentes températures (de 3 à 90 °C) et durées (de 70 à 600 jours). Ce modèle, bien que purement empirique et ne proposant pas de loi générale, a posé les bases de la réflexion sur les mécanismes élémentaires qui pilotent l’altération.

Modélisation du gel d’altération – Approche de Munier

Munier et al. ont modélisé l’altération de deux verres simples – SiBAlNa et SiBAlNaCaZr, possédant les mêmes rapports molaires que le verre SON68 – à différents rapports S/V pendant 30 à 180 jours en utilisant le code KINDIS . KINDIS est un code géochimique, basé à la fois sur le principe d’équilibre thermodynamique et sur les lois physico-chimiques de dissolution et qui permet de simuler les réactions chimiques entre un ensemble de minéraux et une solution aqueuse . Reprenant le modèle GM2001/2003, les auteurs ont choisi de se focaliser sur la description du gel. La formation de ce dernier a été simulée par la précipitation, en équilibre avec la solution, d’une solution solide idéale à deux pôles, calcédoine et hydroxyde, chacun participant à la solution solide proportionnellement à son indice de saturation dans la solution. Avec ce choix de pôles, les concentrations expérimentales en silice et la composition du gel sont correctement modélisées. En utilisant un pôle métasilicate de calcium, la simulation de l’évolution des concentrations en solution du calcium est également très bonne. Munier et al. ont fait le choix d’affecter une grande solubilité aux phases sodiques de leur base de données dans KINDIS, ce qui empêche toute participation de ceux-ci à la solution solide et donc, contrairement à ce qui est observable, le gel modélisé ne contient pas de sodium et présente un déficit en compensateur de charge. Cet exemple souligne, une fois de plus, l’importance du choix des pôles lors d’une telle modélisation.

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Table des matières

Introduction générale 
Chapitre 1 : État de l’art
1.1 Mécanismes réactionnels et cinétiques d’altération des verres par l’eau 
1.1.1 Phénoménologie générale
1.1.2 Mécanismes et cinétiques d’altération
1.2 Les analogues naturels et archéologiques
1.2.1 Les analogues archéologiques
1.2.2 Les analogues naturels
1.2.3 Analogie verre nucléaire, verre basaltique – comparaison des données de la littérature
1.3 Modélisation de l’altération des verres en phase aqueuse 
1.3.1 Premiers modèles sur les verres basaltiques
1.3.2 Modèle de Grambow – Première loi cinétique
1.3.3 L’approche de Bourcier
1.3.4 Le modèle de Berger
1.3.5 Loi d’affinité vis-à-vis d’une couche hydratée pour les verres basaltiques
1.3.6 Le modèle LIXIVER
1.3.7 Les modèles GM2001 et 2003
1.3.8 Modélisation du gel d’altération – Approche de Munier
1.3.9 Le modèle GRAAL
1.3.10 Modélisation du gel d’altération par Gysi et Stefansson
1.4 Conclusion du chapitre 1 
Chapitre 2 : Méthodes expérimentales et techniques d’analyses
2.1 Élaboration et mise en forme des échantillons
2.1.1 Élaboration des verres
2.1.2 Mise en forme des verres
2.1.3 Caractérisation des verres élaborés
2.2 Protocoles de lixiviation 
2.2.1 Préparation des solutions enrichies en silicium 29 par fusion alcaline
2.2.2 Essais en conditions statiques
2.3 Analyse des solutions
2.3.1 Spectrométrie d’émission optique
2.3.2 Spectrophotométrie
2.3.3 Traitement des solutions avant analyses isotopiques
2.3.4 Analyses isotopiques par MC-ICPMS
2.3.5 Analyses isotopiques par ICP-MS/MS
2.4 Techniques de caractérisations du solide 
2.4.1 Mesure de surface spécifique par la méthode BET
2.4.2 Mesure de surface géométrique par diffraction laser
2.4.3 Diffractométrie des rayons X
2.4.4 Microscopie électronique à balayage
2.4.5 Microscopie électronique à transmission
2.4.6 Spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol
2.5 Traitement des résultats et outils de calculs
2.5.1 Exploitation des analyses de solution
2.5.2 Le code de spéciation géochimique CHESS
2.5.3 Le code de transport réactif HYTEC
Chapitre 3 : Altération du verre basaltique en conditions de saturation en silice
3.1 Étude de la dissolution du verre basaltique en conditions de saturation en silice
3.1.1 Les analyses de solutions
3.1.2 Les analyses de solides
3.1.3 Pourquoi, en solution saturée, la dissolution du verre apparaît-elle comme congruente ?
3.2 Comparaison au verre ISG, réflexion sur l’analogie verre nucléaire/verre basaltique
3.3 Conclusion du chapitre 3 
Chapitre 4 : Paramétrage du modèle GRAAL pour le verre basaltique 
4.1 Le modèle GRAAL 
4.1.1 Hypothèses de base
4.1.2 Description de la pellicule d’altération et loi de vitesse
4.1.3 Forces et limites du modèle
4.2 Étude de la phénoménologie de l’altération de verres basaltiques simplifiés
4.2.1 Résultats expérimentaux
4.2.2 Phénoménologie de l’altération des verres basaltiques simplifiés
4.3 Paramétrage du modèle 
4.3.1 Pôles et phases secondaires pour le verre basaltique
4.3.2 Cinétique de dissolution du verre basaltique
4.4 Simulation de l’altération de verres basaltiques
4.4.1 Simulation de l’altération des verres simplifiés à pH 7 et 8,5
4.4.2 Simulation de l’altération des verres simplifiés à pH 10
4.4.3 Simulation de l’altération de verres basaltiques
4.5 Conclusion du chapitre 4 
Conclusion générale
Références
Annexe 1: Alteration of Mt. Etna volcanic ashes: impact of crystallization and modified surface
Annexe 2 : Test d’altération de verre basaltique de courte durée à fort S/V
Annexe 3 : Exemple d’un calcul GRAAL
Annexe 4 : Données de lixiviation des verres simplifiés
Annexe 5 : Résultats des simulations

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