Apport des recherches en didactique des mathématiques
L’adaptation de l’enseignement des mathématiques dans un contexte nécessitant de gérer l’hétérogénéité de la classe pour mieux répondre aux besoins des élèves ayant des besoins particuliers constitue un objet d’étude que de nombreux chercheurs et didacticiens des mathématiques tentent de mieux cerner (Conne, 1999, 2003; Conne, Favre et Giroux, 2006; DeBlois et René de Cotret, 2005; Favre et Cange, 2003; Lemoyne et Lessard, 2003; Mercier, 1995,1998; Perrin-Glorian, 1993; Gauthier et Poulin, 2003; Ratsimba-Rajohn, 1992; Roditi, 2003, 2005; Sarrazy, 2002; Sensevy, 1998). Dans ces études, pour mieux comprendre les spécificités de l’enseignement des mathématiques auprès de ces élèves (Giroux, 2014; Mary et Schmidt, 2003), les chercheurs ont jugé essentiel d’examiner la conception et la réalisation de situations d’enseignement-apprentissage variées. Les recherches révèlent que des difficultés particulières d’enseignement se posent (Lemoyne et Lessard, 2003), et ce, dans différents contextes : celles-ci apparaissent autant dans la classe ordinaire que dans la classe spéciale, et autant en contexte d’orthopédagogie ou d’intégration qu’auprès d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou ayant un handicap intellectuel. Les difficultés d’enseignement étudiées et mises en relief sont variées (Brousseau, 1998; Perrin-Glorian, 1993; Ratsimba-Rajohn, 1992; Salin, 1999). Entre autres, elles émanent de pratiques dites ostensives, lesquelles tendent à présumer qu’il y a acquisition de connaissances alors que celles-ci sont inexistantes chez les élèves (Salin, 1999). Elles émanent aussi d’une gestion du temps didactique rendant difficile la possibilité d’une différenciation pédagogique nécessaire à la prise en compte de l’hétérogénéité des classes (Mercier, 1995). Une tendance au réenseignement, au surenseignement, à la fragmentation des contenus et une insistance sur les préalables seraient également d’autres caractéristiques d’un enseignement difficile en présence d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage (Marlot et Toullec-Théry, 2014; Mary et Theis, 2007).
Il importe de mentionner que les théories didactiques orientant ces études prennent appui sur les recherches qui se sont développées en référence à la théorie des situations didactiques (Brousseau, 1998).
L’enseignement des mathématiques à des élèves faibles
D’après certains chercheurs dont les travaux s’effectuent dans le champ de la didactique des mathématiques (Sarrazy, 2002; René de Cotret et Giroux, 2003), les dispositifs mis en place dans les classes ordinaires en vue de soutenir l’apprentissage des élèves présentant des difficultés en mathématiques visent surtout à réguler l’hétérogénéité et semblent profiter davantage aux élèves qui ont des rapports satisfaisants aux mathématiques qu’aux élèves présentant des difficultés (Lemoyne et Conne, 1999, Vannier, 2010).
Une étude réalisée par René de Cotret et Giroux (2003) rejoint cette position. Cette étude, menée auprès d’élèves commençant leurs études secondaires, révèle que les dispositifs didactiques employés peuvent être considérablement différents d’une classe à une autre, selon qu’il s’agit d’élèves forts, moyens ou faibles, et ce, malgré le fait qu’il s’agisse d’une même enseignante et d’une même activité d’enseignement-apprentissage. Entre autres, l’organisation de l’activité donne priorité à la mise en exercices pour les élèves doubleurs, plutôt qu’au questionnement d’ordre conceptuel, lequel est plutôt utilisé chez les élèves moyens ou forts. Les attentes seraient donc moins grandes envers les élèves doubleurs.
L’enseignement des mathématiques en classe spéciale
La situation des élèves regroupés en classe spéciale soulève des inquiétudes importantes quant aux apprentissages mathématiques qui y sont effectués. Des situations imprévues surviennent à tout moment et les obstacles que rencontrent les enseignants sont nombreux. Par ailleurs, beaucoup de temps est consacré au traitement des erreurs (Conne, Favre et Giroux, 2006). Pour Favre et Cange (2003) de même que pour Lemoyne et Lessard (2003), cette centration sur l’erreur est infructueuse. Elle crée une spirale d’interventions singulières de laquelle il est difficile de s’extirper, tandis que se creusent davantage les écarts entre les élèves quant à l’acquisition des savoirs institutionnels reconnus.
L’enseignement des mathématiques en contexte d’orthopédagogie
Dans un contexte dit de « dénombrement flottant », c’est-à-dire en contexte orthopédagogique, les travaux de DeBlois (2003) ont permis d’identifier certaines lacunes dans les interventions pratiquées par les orthopédagogues. Chez les orthopédagogues, le modèle d’intervention privilégié consiste surtout à donner des explications aux élèves pour qu’ils puissent corriger leurs erreurs. Ce modèle tend par conséquent à orienter le questionnement à partir de la situation, plutôt qu’à partir des productions de l’élève. L’identification des représentations de l’élève demeure donc difficile et la compréhension de ce dernier n’est pas prise en compte.
Dans un contexte similaire, Mary (2003) a par ailleurs observé certains risques entourant l’installation d’une relation de dépendance entre l’élève et son enseignante. Ces risques sont rapportés comme étant reliés au contrat didactique :1) centration de l’élève sur l’intervenant; 2) centration sur l’énonciation du problème; 3) centration de l’intervenant sur le manque d’autonomie de l’élève. Une telle relation amènerait l’élève à s’adapter aux réactions de l’intervenante et laisserait peu de place aux aspects conceptuels et aux difficultés cognitives de l’élève.
L’enseignement des mathématiques en contexte d’intégration
Gauthier et Poulin (2006) se sont intéressés à des situations d’enseignementapprentissage coopératif des mathématiques comme moyen pouvant engendrer des pratiques aptes à répondre à un contexte d’intégration d’élèves ayant une déficience intellectuelle dans les classes ordinaires au primaire. À la suite des différentes situations conçues et mises à l’épreuve par les enseignants après une préparation avec les chercheurs sur les principes de l’apprentissage coopératif et sur la pédagogie différenciée, certaines difficultés d’enseignement ont pu être mises en évidence. L’analyse de ces situations indique que les difficultés rencontrées par les enseignants sont essentiellement d’ordre didactique et qu’elles sont combinées à des obstacles engendrés par des changements de pratiques et d’attitudes à l’endroit des élèves. Des difficultés affectant la dévolution ressortent tout particulièrement (Gauthier et Poulin, 2003) : 1) accent mis sur les étapes de réalisation de la tâche, limitant l’appropriation des consignes et du vocabulaire mathématique de même que la compréhension des attentes et des rôles de chacun; 2) insistance sur les procédures à suivre plutôt que sur le questionnement d’ordre cognitif ou métacognitif; 3) transfert des responsabilités aux élèves forts comme seul soutien aux élèves ayant une déficience intellectuelle, provoquant des régulations de type relationnel plutôt que d’ordre conceptuel; 4) manque de préparation sur le type d’interactions souhaitées pour favoriser la participation à la tâche des élèves ayant une déficience intellectuelle; 5) difficulté à situer l’état des connaissances de ces élèves dans le but d’adapter la tâche et le matériel, puis de proposer conséquemment des défis à leur portée.
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