Description du site-atelier et historique du crassier
Le site étudié est un crassier métallurgique. Il est situé à Châteauneuf dans le département de la Loire (Figure 1.1). Il est localisé le long de la vallée du Gier, au Nord-Est de Rive de Gier, à une altitude moyenne de 230 m. Il s’étend sur une longueur d’environ 1 500 m et une largeur de 200 m. Il recouvre environ 30 ha dont 7 ha occupés par les installations de l’usine, les 23 ha restant sont partagés entre la plateforme et le crassier. La zone d’étude est bordée au Nord par les Monts du Lyonnais, le massif du Pilat au Sud-Est et l’autoroute A47 à l’Ouest. Le site d’Industeel France est répertorié dans la base de données BASOL des sites et sols pollués (Physafimm, et al., 2014), et la nappe phréatique sise sur cette zone d’étude fait l’objet d’une surveillance régulière par l’usine.
Depuis sa mise en service, l’usine a stocké sur place une partie de ses déchets non valorisés.
La quantité de déchets d’aciérie présents sur le site d’étude est estimée à 500 000 m3 sur une surface d’environ 10 ha. Ces déchets qui ont progressivement pris la place de l’ancien sol s’étendent sur une profondeur pouvant varier entre 2 et 9 m selon l’endroit. A partir de l’an 2000 et dans le cadre d’une politique de gestion durable des friches industrielles, l’usine a mis en place un schéma de valorisation de ses déchets. Ainsi, ceux formés à posteriori sont orientés vers des filières de valorisation appropriées et partiellement recyclés en interne. Les anciens stocks composés de déchets de nature diverses et difficilement valorisables ont été aplanis vers fin 2015 en lieu et place de l’ancien crassier et seront progressivement recouvertsavec des plantes accumulatrices de métaux. Cette solution a préalablement été testée, via des essais pilotes de phytostabilisation réalisés sur des parcelles expérimentales du site, dans le cadre des programmes Physafimm et Nagis (§1.5).
Géomorphologie et géologie
Le contexte géomorphologique du crassier est celui de la vallée du Gier. Elle traverse une entité montagneuse érodée sur la bordure Est du massif central. Dans la zone d’étude, la vallée (250 m) est encaissée entre deux versants abrupts : les Monts du Lyonnais (850 m) au Nord-Ouest et le massif du Pilat (1 000 m) au Sud-Est (Figure 1.2). Les formations des Monts du Lyonnais correspondent à des micaschistes et des gneiss anciens dont le métamorphisme, de plus haut degré que celui du Pilat, date du Précambrien et de l’orogenèse calédonienne. Dans le massif du Pilat affleure un socle cristallophyllien constitué de gneiss à cordiérite et sillimanite. Le fond de la vallée du Gier est recouvert d’alluvions récentes composées de sables et de galets. Cette formation sablo-caillouteuse dont l’épaisseur est comprise entre 5 et 12 m s’étend sur une largeur d’environ 8 km à hauteur de Saint Chamond pour atteindre une largeur de 300 m à Rive de Gier.
Contexte climatique
La région de Saint Étienne dont fait partie Châteauneuf présente des évènements pluvieux plus marqués l’hiver que l’été. Cette tendance serait vraisemblablement liée aux montagnes situées au sud de Châteauneuf et formant le massif du Pilat. La rivière du Gier, qui borde le site expérimental, a un régime d’écoulement caractérisé par des périodes de fortes eaux en fin d’hiver et début de printemps et de faibles écoulements l’été. La pluviométrie moyenne 9 enregistrée sur la station météo du site d’étude est d’environ 60 mm de hauteur d’eau mensuelle. Les températures moyennes fluctuent entre 10°C l’hiver et 20°C l’été (Figure 1.4).
La moyenne des précipitations mensuelles varie entre 10 et 60 mm de 2010 à 2014 (Figure 1.5). Sur la station météorologique de Châteauneuf de 1980 à 2010, les mois de mai et de septembre sont les plus pluvieux. La tendance est la même pour le pluviomètre du site d’étude de 2010 à 2014. Pour ces mêmes années, la température annuelle moyenne sur la station du site est d’environ 10°C. Les mois les plus froids s’étendent de décembre à février tandis que les plus chauds se situent entre juillet et août avec des températures moyennes qui sont respectivement de 4°C l’hiver et 21°C l’été. Les relevés thermiques observés sur le site et dans la région montrent une forte amplitude entre ces deux saisons. La zone d’étude est exposée à des épisodes cévenols intenses pouvant causer d’importantes crues.
Hydrographie et qualité des eaux
Le bassin versant du Gier s’étend sur 425 Km² entre les départements de la Loire et du Rhône. Le Gier, principal cours d’eau de la zone d’étude, a un réseau hydrographique assez dense (Annexe A). Il prend sa source dans le Pilat au lieu-dit « la Jasserie » (Figure 1.6) à 1 300 m d’altitude en dessous du Crêt de la Perdrix (Alt : 1 400 m). Il rejoint le creux de la vallée au niveau de St-Chamond (Alt : 360 m) et, à partir de là, il collecte les eaux de ruissellement provenant du massif du Pilat (Alt : 1 000 m) et des Monts du Lyonnais (Alt : 850 m). Le Gier traverse au total 40 communes dont 28 dans le département de la Loire et 12 dans celui du Rhône. Il suit un linéaire de cours d’eau de 40 km et se jette dans le Rhône à Givors à 153 m d’altitude. Les inondations les plus marquantes sont celles de décembre 2003 et de novembre 2008. Les débits instantanés enregistrés en raison des épisodes cévenols étaient respectivement de 338 et 300 m3 .s -1 pour un débit moyen de 3,2 m3 .s -1 vers l’aval à Givors (extrait du rapport Programme Physafimm, 2014). Selon cette même source, ces crues ont entraîné le lessivage de plusieurs friches industrielles dont celle du site d’étude contribuant ainsi à une altération de la qualité des eaux du Gier. Les points de mesure existant sur le Gier (Figure 1.6) révèlent une qualité des eaux de très bonne à moyenne dans sa partie amont se dégradant progressivement vers l’aval. Cette mauvaise qualité est principalement due à l’utilisation de produits phytosanitaires pour des besoins liés à l’agriculture, aux rejets domestiques ou urbains (ponctuels) et aux rejets d’origine industrielle (agroalimentaire, sidérurgie, etc.).
Apport des programmes Physafimm et Nagis sur la connaissance du site d’étude
Pour une meilleure compréhension du comportement du crassier face aux évènements pluvieux, deux programmes pilotes Physafimm et Nagis ont été mis en place sur une période de trois ans sur le site d’étude. PHYSAFIMM (PHYtoStabilisation : méthodologie Applicable aux FrIches Métallurgiques et Minières), cofinancé par l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), a pour but de limiter les flux et les transferts d’éléments traces métalliques vers la nappe en utilisant la technique de phytostabilisation. NAGIS (caractérisation de la Nappe Alluviale du Gier à partir des Isotopes Stables de l’eau et du soufre), financé par Saint Étienne Métropole et les établissements impliqués, permet d’évaluer l’impact des eaux de percolation du crassier sur sa nappe alluviale.
Programme Physafimm
Le programme Physafimm, lancé en 2010 et achevé en 2013, a pour but d’évaluer l’effet d’ensemencements de végétaux sur la mobilité des éléments traces métalliques du sol vers les plantes et l’impact du crassier sur la nappe phréatique du site d’étude. Ses objectifs sont :
– définir une méthodologie de mise en œuvre et de suivi du procédé de phytostabilisation extrapolable à un ensemble de friches industrielles, métallurgiques ou minières,
– limiter les flux issus d’un réservoir contaminé (crassier métallurgique ou minier) vers les milieux avoisinants et les récepteurs biologiques qui en dépendent. Physafimm utilise la technique de phytostabilisation pour réduire l’impact environnemental du crassier. Le développement du couvert végétal permet de diminuer l’envol des poussières et l’infiltration des eaux de pluie en provenance du crassier. Cette infiltration est certes atténuée mais elle n’est pas totalement supprimée car, même avec un couvert végétal, les eaux de pluie continuent de lessiver les métaux du crassier et de les transporter vers la nappe. Ce travail, comme énoncé dans l’introduction, ne s’aligne pas dans la même thématique de recherche que celle du programme Physafimm et a été mené indépendamment de celui-ci. Cependant, le dispositif de suivi hydrologique utilisé (lysimètres, piézomètres, station météorologique) est le même. Les prélèvements effectués en vue d’analyses et expérimentations au laboratoire ont été faits en dehors des parcelles expérimentales de phytostabilisation mais sur des matériaux analogues (Figure 1.8).
Programme Nagis
Le programme Nagis lancé en 2011 pour une durée de trois ans dans la continuité de Physafimm, vise à évaluer l’impact des flux d’eau issus du crassier sur sa nappe alluviale. Il a pris fin en 2014 et comporte trois axes principaux :
– identifier les différentes contributions hydrologiques à la nappe phréatique via des campagnes de prélèvements suivies d’analyses physico-chimiques et isotopiques,
– déterminer d’éventuels transferts d’éléments traces métalliques vers la nappe,
– compléter les études et modélisations hydrogéologiques existantes sur la nappe phréatique du Gier.
Dans le cadre de Nagis des analyses géochimiques ont été effectuées dans le Gier en amont et en aval du site d’étude grâce à onze piézomètres implantés sur le site (par l’usine et dans le cadre du programme), et sur deux autres affluents respectivement situés en amont et en aval du Gier. Il s’agit du Bozançon prenant sa source dans les monts du Lyonnais et un autre cours d’eau temporaire en provenance du massif du Pilat nommé « cours d’eau Pilat » (Lavastre, et al., 2014). Ces analyses réalisées selon la fréquence des évènements pluvieux ont permis d’identifier que la nappe du site est alimentée par quatre masses d’eau :
les eaux de pluies ayant percolé le crassier (lixiviats),
les eaux souterraines profondes,
le cours d’eau du Gier,
une masse d’eau en provenance du Pilat.
Le Tableau 1.1 renseigne sur les teneurs en ETM analysées sur trois de ces masses d’eau ; les eaux profondes du site n’ayant pu être prélevées pour des raisons pratiques. Les eaux du Bozançon ont également été prélevées et leurs teneurs en ETM ont été analysées puis comparées avec celles de ces masses d’eau. Les valeurs indiquées dans ce tableau ont été moyennées sur l’ensemble de la période d’échantillonnage soit de 2011 à 2013. Elles montrent que les ETM majoritairement rencontrés sont le chrome, le cuivre, le fer, le zinc, l’aluminium et le strontium. La présence du chrome, du cuivre et de l’aluminium s’accorde avec les analyses géochimiques effectuées dans les lysimètres dans le cadre du programme Physafimm.