Application Impacts direct et semi-direct sur les bilans énergétiques en zone sahélienne (AMMA)
Les études de fermeture mises en place lors des stratégies expérimentales développées dans les campagnes ESQUIF et LISAIR ont permis de répondre à des problématiques de pollution atmosphérique à l’échelle de la rue ou de la région. Ces études ont participé à l’amélioration de notre compréhension de l’évolution des propriétés physico-chimiques et optiques des aérosols, en particulier de leur indice complexe de réfraction et leur albédo de simple diffusion. Elles doivent également nous aider à mieux comprendre les interactions de ces particules avec les nuages, le rayonnement et le climat. Les modèles actuels tenant compte des aérosols dans le système climatique ne disposent pas en effet d’une connaissance assez précise des propriétés physico-chimiques et optiques des aérosols. Les interactions aérosols – rayonnement, qui sont à l’origine des effets direct et semi-direct, sont gouvernées par les propriétés optiques des aérosols et leur évolution dynamique et physico-chimique. Les processus d’interaction aérosols – nuages, qui conditionnent l’effet indirect, dépendent des propriétés chimiques (composition, fraction soluble, taille) et physiques (optiques) des aérosols, et de leur état de mélange qui modifie ces mêmes propriétés. Certaines études stipulent que le forçage de l’ensemble des aérosols est significatif et comparable à celui des gaz à effet de serre mais de signe opposé (Penner et al., 1994). Dans l’état actuel des connaissances, ce raisonnement donne une vision simpliste voire inexacte de l’impact climatique des aérosols. En effet, la distribution hétérogène des aérosols sur le globe implique que le forçage de ceux-ci n’équilibre pas aussi simplement celui des gaz à effet de serre (Penner et al., 2001 ; Ramaswamy et al., 2001). De plus, selon le type des aérosols, leurs impacts radiatifs peuvent être positifs ou négatifs contrairement aux gaz à effet de serre qui apportent tous un forçage positif (IPCC, 2007). Leurs propriétés diffèrent avec leur nature et peuvent donner des résultats opposés selon qu’ils diffusent (refroidissement) ou absorbent (réchauffement). C’est pourquoi il est difficile encore aujourd’hui de quantifier avec confiance les impacts radiatifs des aérosols naturels et anthropiques, leurs rétroactions aux échelles régionales et globales sur la dynamique atmosphérique et sur le cycle de l’eau (formation nuageuse et précipitations). Dans ce chapitre, nous cherchons à approfondir la connaissance des processus des interactions aérosols – rayonnement en particulier lorsque l’on est en présence de structures multicouches de particules possédant des propriétés variables avec l’altitude. Les études présentées au Chapitre 5 ont démontré qu’il était envisageable de caractériser l’aérosol par ses propriétés optiques et microphysiques résolues en altitude. Nous cherchons à étendre cette méthodologie à l’étude de l’impact radiatif direct des particules observées durant la campagne AMMA et de ses rétroactions potentielles. Cette campagne, réalisée en Afrique et décrite dans la suite, permet de mettre en évidence diverses couches chargées en particules qui possèdent des sources d’émission, des caractéristiques de transport et de dépôt, des distributions verticales, des états de mélange et de vieillissement très différentes. Afin de pouvoir profiter de toutes les spécificités des différents types de mesures et d’optimiser au maximum les informations résultantes, la stratégie de synergie expérimentale a été privilégiée pendant la campagne AMMA.
Le cadre général de la campagne AMMA
Le projet AMMA (Analyses Multidisciplinaires de la Mousson Africaine) est un projet international dont l’objectif est d’améliorer notre connaissance et notre compréhension de la mousson de l’Afrique de l’Ouest (MAO), ainsi que d’étudier sa variabilité de l’échelle journalière à l’échelle interannuelle et, au-delà, aux échelles décennales. Il s’agit de travailler depuis l’échelle des processus élémentaires contrôlant la mousson jusqu’aux échelles auxquelles la MOA influence, au-delà de l’Afrique de l’Ouest, la dynamique et la composition de l’atmosphère (Redelsperger et al., 2006). L’objectif sociétal consiste à produire les connaissances nécessaires pour relier la variabilité du climat aux problèmes de santé, de ressources en eau et de sécurité alimentaire de l’Afrique de l’Ouest, et à définir des stratégies de surveillance appropriées. La mousson africaine a des impacts sur le climat de l’ensemble du système Terre. La circulation atmosphérique planétaire est affectée par l’énergie de chaleur latente libérée par la convection profonde au-dessus de l’Afrique (Redelsperger et al., 2006). Le lien entre mousson africaine et climat planétaire vaut aussi pour la chimie atmosphérique.
Importance des aérosols en Afrique de l’Ouest
L’Afrique représente une source importante d’émissions naturelles et anthropiques de composés gazeux et particulaires. L’Afrique est en effet la source principale d’aérosols atmosphériques dans le monde. Le Sahara en Afrique de l’Ouest est le plus vaste désert et se comporte comme la source la plus importante de particules minérales au monde. Les conditions météorologiques à grande échelle impliquent que la plupart des événements intenses de poussières désertiques en région saharienne et sahélienne sont fréquemment générés au printemps (Marticorena et al., 1997). La production de poussières désertiques est cependant significative tout au long de l’année Fig. 6.1. l’identification d’un panache de poussières désertiques du Sahara se déplaçant vers l’Ouest à travers le Niger, le Nigeria, le Cameroun et le Tchad. De plus, le brûlis de résidus agricoles en région sahélienne pendant la saison sèche signifie que l’Afrique de l’Ouest est une source importante d’aérosols de fumée de feux de biomasse. Les fluctuations des émissions d’aérosols de feux de biomasse pendant l’écobuage des terres en Afrique suivent un cycle saisonnier bien déterminé en raison des précipitations associées aux variations saisonnières de la zone de convergence intertropicale (ITCZ), comme indiqué par Swap et al. (2002). Par conséquent, le maximum d’émissions d’aérosols anthropiques provenant de la combustion de biomasse des régions sub-sahéliennes dans le Nord de l’Afrique est observé durant les mois de décembre à février. En revanche, très peu de brûlis de biomasse ne sont pratiqués entre août et novembre. Une carte de l’activité des feux détectés par MODIS en 2006 au-dessus du continent africain est représentée .