Application d’une méthodologie de défixation dans une situation empirique d’innovation orpheline expérimentation collective avec le cluster I- Care, architecte de l’inconnu
L’exemple de l’association ARIEL, présenté dans le chapitre X a montré les limites d’une action d’un architecte construisant un référentiel pour diagnostiquer l’innovation orpheline, mais ne se dotant pas de processus ad hoc pour stimuler les imaginaires. Le chapitre XI propose, à partir de l’étude de l’impact d’un exemple sur la créativité, une méthodologie de défixation d’un collectif en situation d’innovation orpheline. Il convient désormais d’expérimenter cette proposition méthodologique dans une situation empirique réelle. Nous reprenons pour ce faire l’industrie des nouvelles technologies pour l’aide aux personnes âgées, qui a été présentée au chapitre IX. Nous avons déjà explicité qu’au sein de ce secteur, malgré des conditions très favorables pour innover, il existe un blocage de la dynamique industrielle et une fixation collective des acteurs autour de la voie d’innovation principalement développée sur le sujet, à savoir la surveillance d’une personne dans son habitation grâce à des appareils de haute technologie. Ainsi, en reprenant la caractérisation d’une innovation orpheline donnée dans le chapitre III, la question de l’autonomie apparaît comme une voie d’innovation orpheline, sur laquelle les différents acteurs ont du mal à se saisir des problématiques spécifiques.
Pour conduire une expérimentation au sein du collectif d’acteurs en place, nous avons adopté une démarche de recherche-intervention (Hatchuel & David, 2007) entre septembre 2009 et décembre 2011 avec un acteur souhaitant insuffler une dynamique nouvelle à cette industrie, le cluster I-Care de la Région Rhône-Alpes. Le cluster I-Care a été lancé en 2009 après plusieurs mois de travaux préparatoires, avec à sa tête M. Gérald Comtet comme directeur (unique membre de l’équipe d’animation du cluster pendant plus de deux ans). Le cluster a pour mission de susciter des projets collaboratifs entre industriels et laboratoires de recherche de la Région Rhône-Alpes dans le domaine des technologies de la santé. L’initiative du cluster s’inscrit dans la volonté du Conseil Régional de renforcer la compétitivité des entreprises des technologies de la santé en Région Rhône-Alpes, région particulièrement dynamique dans le secteur médical et sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). L’initiative d’I-Care s’adresse à tous les acteurs appartenant à la chaîne de valeurs des technologies de la santé de la Région : entreprises sous-traitantes, producteurs ou distributeurs, universités, centres de recherche, administrations, associations, etc. En marge de ces axes d’action, le cluster I-Care a reçu en 2010 le label européen Living Lab (réseau ENOLL49), qui inscrit sa démarche dans une approche systémique, intégrant le plus tôt possible l’ensemble des parties prenantes du système de santé. La notion de Living Lab, au delà de la notion simple de cluster purement industriel, permet de rendre compte de l’étendue des relations d’I-Care avec l’ensemble de l’écosystème, en particulier en intégrant les prescripteurs, les financiers des prestations de santé et les bénéficiaires finaux, les patients. Depuis le 30 juin 2011, le cluster s’est détaché du Conseil Régional de la Région Rhône-Alpes pour se constituer en tant qu’association. Le conseil d’administration de l’association est composé de 10 membres des entreprises régionales, de 3 membres des structures d’enseignement et de recherche, de 3 membres des structures de santé et de 3 membres partenaires. La Région Rhône-Alpes et l’Etat (DIRECCTE) sont membres invités du Conseil d’Administration.
Nous avons adopté avec le cluster I-Care une démarche s’appuyant sur la méthodologie de défixation en cinq phases telle qu’elle a été présentée : caractérisation d’une situation d’innovation orpheline, diagnostic via un référentiel C-K, caractérisation de la fixation collective et construction d’exemples expansifs, partage au sein d’un atelier pour stimuler collectivement les imaginaires, suivi de la thématique. Tout d’abord, le déploiement de la méthodologie de défixation sur le cas de l’aide à l’autonomie des personnes âgées sera exposé (XII.1). Puis, nous montrerons comment cette démarche conduit à une structuration des activités du cluster et fait émerger les contours de la figure de l’architecte de l’inconnu (XII.2). Enfin, la question de l’appropriation d’une démarche de ce type par le cluster I-Care sera abordée, notamment à travers les cas du traitement du cancer et des implants personnalisés (XII.3).