Application des concepts du SOLAP 3D à un contexte de fouille archéologique
Voyons maintenant comment nous avons mené une expérimentation afin d’optimiser le processus d’analyse en ligne de données 3D dans un domaine en particulier : l’archéologie. Avant de présenter en détails ces expérimentations et le prototype développé, ce chapitre propose un rappel des différents types de données archéologiques recueillies sur un chantier de fouilles archéologiques, des besoins spécifiques des fouilleurs en regard de l’analyse de leurs données 3D et plus particulièrement d’un outil d’analyse compatible avec le processus de compréhension d’un site archéologique. Nous conclurons en examinant les réelles capacités du prototype et des concepts sous-jacents à répondre à notre objectif initial qui consistait à gérer adéquatement l’évolution des données (spatiales ou non) dans une structure multidimensionnelle et ce, simultanément à l’étape d’analyse du spécialiste. Pour notre expérimentation, nous avons utilisé les données fournies par la fouille du site de Tell ‘Acharneh, en Syrie, dirigé par Michel Fortin, professeur d’archéologie à l’Université Laval. Il s’agit d’un site de grandes dimensions : 70 hectares environ (1,2 km du nord au sud X 500-650 m d’est en ouest) qui se trouve dans la moyenne vallée de l’Oronte, à 35 km environ au nord-ouest de la ville moderne de Hama. L’idée d’inclure les technologies et les approches géomatiques dans un processus de fouille archéologique intéresse depuis plusieurs années le professeur Fortin. Certains travaux de géomatisation5 ont été lancés ces dernières années en vue d’uniformiser le processus d’acquisition des données sur un chantier de fouilles archéologiques (Lachance et al., 2006), d’inclure dans cette étape d’acquisition un balayeur laser (Marchand et al., 2006)de modéliser en 3D les données extraites d’un tel chantier (Losier, 2005; Losier et al., 2007)et même d’utiliser un SOLAP pour les besoins d’analyse (Rageul, 2004). Les données qui sont décrites ici sont donc celles propres au chantier de Tell ‘Acharneh, un site dans un contexte proche-oriental.
Cependant, les mêmes catégories de données se retrouvent sur tous les sites archéologiques, peu importe les aires culturelles, à quelques différences mineures près. Il va de soi, qu’étant donnée la nature de ce mémoire, la présentation de ces données sera ici sommaire et simplifiée. Parmi ces données, nous verrons celles qui sont d’observation et celles qui sont d’interprétation d’après les concepts tels que précédemment proposés comme classification au chapitre 3. Plus spécifiquement, ces données, et plus particulièrement les données d’observation ne sont pas encore exhaustives car la classification de données en « données d’observation » dépend directement de l’acquisition des données. Cette phase du projet n’étant pas encore complètement opérationnelle, ces données peuvent encore évoluer par rapport à la réalité du terrain et à l’intérêt porté par l’archéologue-fouilleur sur ce qu’il observe et ce qui l’intéresse pour son analyse. Les unités de fouille sont des entités volumétriques de terre (pour les UF-débris) ou de matériaux de construction (pour les UF-constructions) formant un site archéologique. Les UF sont arbitrairement délimitées par les fouilleurs en fonction de données observables sur le terrain (voir Figure 4-1). En somme, un site archéologique, lors de sa fouille, est fragmenté ou segmenté en un amalgame d’unités de fouille.
La culture matérielle trouvée dans ces unités de fouille peut être regroupée en quatre grandes catégories (Figure 4-2). Les artéfacts sont des objets qui ont été façonnés par un humain; ceux fabriqués à partir d’un matériau d’origine minérale sont plus nombreux étant donné leur haut degré de préservation (matériau non-périssable). Bien qu’étant en réalité un artéfact, la céramique est mise dans une catégorie à part en raison du nombre impressionnant de fragments recueillis lors d’une fouille archéologique. Les écofacts sont des restes naturels, non travaillés, d’un organisme végétal ou animal; un fragment d’os ou une tige de bois transformés en objets utilitaires ou esthétiques sont considérés comme des artefacts. Les restes humains sont différenciés des ossements d’animaux et forment une dernière catégorie. L’ensemble de la culture matérielle forme le catalogue. La compréhension d’un site archéologique passe dans un premier temps par la compréhension de la culture matérielle. Les spécialistes de la culture matérielle (ex. céramologue) inventorient le matériel archéologique retirés des unités de fouille puis le trient afin de retenir (cataloguer) les éléments qui apportent le plus d’informations (on élimine donc certaines données d’observation). On rappelle qu’une donnée d’observation est une donnée issue de systèmes d’acquisition des données ou de systèmes transactionnels (cf. chapitre3). Le matériel archéologique, notamment la céramique, est ensuite analysé afin de constituer les données d’interprétation qui les composent. On rappelle qu’un donnée d’interprétation est une donnée directement issue d’un besoin de l’utilisateur à revoir son analyse afin d’enrichir, de comprendre et/ou d’expliquer sa perception de la réalité.