Application de la théorie de la complexité à l’agriculture malgache
Qualifiée d’agriculture de subsistance et peu performante, l’agriculture malgache est caractérisée par une technicité traditionnelle, un système foncier particulier, l’intégration d’organisation sociale dans toute activité entreprise, les variations des pratiques socio-culturales en fonction des caractères pédoclimatique (Rafetrason, 2010 ; Dabat et al.). Ce visage particulier la spécifie comme un système complexe. De tel constat amène à considérer la théorie de la complexité, une science qui embrasse plusieurs domaines des sciences de gestion. Elle s’intéresse plus particulièrement à l’étude des systèmes complexes soumis à des rétroactions et à des délais, qui sont les précurseurs de leurs comportements complexes et 87 Dictionnaire Électronique Antidote. 2013. 62 dynamiques (McDaniel et Driebe, 2001 ; Meadows et Robinson, 1985) cités par Mucchielli (1993) 88. Par ailleurs, cette science prend comme objet « les systèmes » et les étudie dans leur globalité et non dans leur décomposition, ni dans leur fragmentation ni dans leurs éléments constitutifs. Les comportements des systèmes et les relations qui leur sont inhérentes sont les points les plus considérés (McDaniel et Driebe, ibid) cités par Mucchielli, ibid).
Agriculture malgache pris comme un système
L’agriculture malgache est prise comme « un système ». L’exploitant, les internalités dans l’exploitation agricole touchant l’organisation interne de l’exploitation, les externalités relationnelles mettant en exergue le lien et les rapports de l’exploitation avec diverses entités d’encadrement technique, financier, juridique et de développement socio-économique et culturel, le capital de production (sol, capital financier et matériel, capital humain), l’État et ses structures d’accompagnement, les marchés, … sont des complexes d’éléments en interaction dans le système agricole malgache. La notion de système sous-tend le concept de totalité. Ce dernier affirme que le « tout est plus que la somme des parties» (Von Bertalanffy, 1968) cité par Mucchielli, ibid). Le caractère complexe de l’agriculture malgache explique la « multiplicité de ses éléments » : – naturels, techniques, économiques et sociaux et leurs interactions, et – la diversité de ses comportements dynamiques. Selon Sterman (2000), cité par Le Boulch, les points suivants caractérisent un système : – de fortes interrelations entre les différents acteurs du système marquées par de rapports socio-culturel, scientifique, techniques, juridiques et financiers entre les acteurs, – une importante dépendance temporelle car toute activité agricoles est planifiée et réalisée dans un timing bien pré cis et que tout acteur impliqué est obligé de s’y conformé, – une structure interne causale complexe soumise à des rétroactions, – des comportements difficilement prévisibles et pouvant être contraires à l’intuition, exprimés par une dynamique de prise de décision résultant des contextes socio-économique, politique et culturel et par une dynamique de la réalité sur terrain (changement climatique touchant les capitaux de production entre autre le sol et le végétal, régime et statut foncier régissant l’exploitation agricole, …). 88 Mucchielli R. 1993. « Communication et réseaux de communications ». Collection Formation Permanente en Sciences Humaines. 9ème Edition. Connaissance du Problème. ESF Editeur. Pp 62-63.In infotpa.gret.org/fileadmin/fiches/interdev194.rtf.Consulté le 30 avril 2013 63 Cette agriculture malgache est caractérisée en outre par l’existence de force de travail importante à savoir 80,4% 89 de l’emploi total et 82% de population active appartiennent au secteur agricole en 200790 . Le secteur agricole, qui contribue à près de 30% du PIB et occupe plus des deux tiers de la population, a subi une baisse de production de la plupart de ses productions suite à des conditions météorologiques défavorables, hormis la vanille dont Madagascar est premier exportateur mondial. Cependant, l’agriculture malgache présente une faible performance de la production qui tourne autour de deux points majeurs : – la baisse relative de la force de travail agricole, et – le peu de progrès de productivité des travailleurs.
Prise de décision par l’approche systémique
La normalisation est complexe pour l’agriculture malgache. Son application nécessiterait une intégration, la participation de plusieurs disciplines scientifiques et de multiples parties prenantes pour en apporter des réponses. Autrement dit, elle dépend du contexte dans lequel s’intègrent le système (Keating et al., 2001 ; Beers et al., 2006 ; Senge, 1990) cité par Berard (2009). La considération «systémique» des actions à mener pour l’instauration de norme sur les produits agricoles s’avère nécessaire pour prendre des décisions : – « une pensée systémique », un concept de totalité pour l’organisation des pensées (Checkland, 1981) cité par Berard (ibid) – un raisonnement en termes de relations, de comportements, de processus et de contexte (Capra, 2005) cité par Berard (ibid) et – une réponse à la complexité croissante des environnements dans lesquels on vit et on travaille» (Maani et Maharaj, 2004) cité par Berard (ibid). Il est noté à titre de rappel que la prise de décision, qui «est formellement définie comme le processus d’identification et de résolution de problèmes» (Daft, 1986) cité par Berard (ibid) est l’une des préoccupations majeures de plusieurs sciences et domaines appliqués, tels que l’administration des affaires, l’administration publique, l’ingénierie, ou encore, la recherche opérationnelle (Zimmennann, 1986) citée par Berard (ibid). 89 Banque mondiale, dernières données disponibles.
Approche systémique et entreprise/exploitation agricole
Toute entreprise peut être représentée comme un système (Levy, 1991). Ce dernier est défini par : – ses limites (marquées par le domaine d’activités de spécialisation de l’exploitation en question), – ses éléments pouvant être : des unités simples isolées, à l’exemple des cas des itinéraires techniques pour une spéculation agricole adoptée par l’exploitation ; des systèmes eux-mêmes plus ou moins complexes avec leurs composants à savoir les systèmes d’entraide en lien avec les tâches agricoles sur terrain, avec une dynamique économique caractérisée par la création de valeur ajoutée en termes numéraires ou non et les exportations de ressources vers d’autres systèmes connexes (input et output internes). – l’existence de sous système intégré dans le système auquel il appartient. La fertilisation du sol pourrait être un sous-système dans la défense et restauration du sol. Cette dernière est un sous-système d’aménagement raisonné du site exploité, ainsi de suite. Autrement dit, un sous-système inclus dans un système quelconque se trouve dans un niveau inférieur que le système considéré. La coaction de ces différents éléments complémentaires, que sont les sous-systèmes, répond à une finalité du système considéré. Tous les éléments et soussystèmes composant l’entreprise/exploitation agricole répondent aux objectifs à savoir la durabilité des activités et leurs rentabilités à long terme. – les interrelations entre les composants du système en y intégrant le modèle de concept de causalité circulaire et marquées par l’existence de rétroaction ou de feed-back. Pour l’exploitation agricole, le foncier et le statut régissant l’exploitant agricole, le mode de mise en valeur, le sol et ses caractéristiques, la prise en compte de la climatologie et le changement climatique, le capital humain et son organisation fonctionnelle, l’allocation des diverses ressources telles que matérielles ou financières, … sont en liaison interne permanente. Une action bonne ou mauvaise exercée sur un élément du système ou sur un sous-système engendrerait un éventuel changement sur d’autres éléments ou sur d’autres sous-systèmes. – La notion d’entrée et de sortie de flux, qui est une caractéristique générale de système. Autrement dit, une exploitation agricole peut être ouverte et traversée par des flux énergétique et informationnel : 65 Energétique dans le sens où il y a des créations de valeurs ajoutées « énergie » par le biais de revenus générés par les activités agricoles. Informationnel, dans le sens où l’exploitation agricole capte et émet des messages et informations concernant par exemple sur les innovations en termes de nouvelles variétés de plantes, de nouvelles pratiques agricoles ou de pathologies végétales,… – La finalité du système et des sous-systèmes, et plus particulièrement la recherche de la durabilité de l’exploitation par apport d’innovation pour les sous-systèmes.
Implication managériale de la complexité
Toute exploitation agricole est au cœur d’une dynamique locale, régionale et internationale sans cesse. Rajagopalan et al (1993)91cité par Berard (ibid) avance que l’intervention du management stratégique sur la manière, dont sont prises les décisions stratégiques, apporte des avantages dans la recherche d’une profitabilité au sein d’une organisation. De même, d’autres auteurs92 cité par Berard (ibid) encouragent les gestionnaires vers un changement de façon de voir les choses autrement par le « penser aux systèmes complexes », pour une vision systémique et pour des solutions potentielles pour une gestion plus efficace des actions à entreprendre (Flood, 1995), et pour l’adéquation des décisions face au contexte existant. Cavaleri et Sterman (1997) cité par Bérard (2009) par affirment en outre qu’une intervention systémique peut en effet conduire à une évolution des comportements, à l’implantation de nouvelles politiques, à des changements dans la structure organisationnelle. Bérard (2009) confirme en effet que l’attribution de sens, l’apprentissage stratégique, la réflexion sur le futur et l’improvisation sont les nouvelles activités en sus et requises pour un manager.