Application de la Télédétection aérosp l’évaluation de la dégradation de ressources naturelles
Les ressources naturelles
Il est difficile de définir avec précision les ressources naturelles, mais on va citer quelques définitions : Une ressource naturelle est un bien, une substance ou un objet présent dans la nature, et exploité pour les besoins d’une société humaine. Il s’agit donc d’une matière première, minérale (ex : l’eau) ou d’origine vivante (ex : le poisson). Ce peut être de la matière organique fossile comme le pétrole, le charbon, le gaz naturel ou la tourbe. Il peut s’agir aussi d’une source d’énergie : énergie solaire, énergie éolienne (Wikipédia). Une ressource naturelle est un stock de matières présentes dans le milieu naturel qui sont à la fois rare et économiquement utiles pour la production ou la consommation, soit à l’état brut, soit après un minimum de transformation (Organisation Mondiale du Commerce, 2010) La fragilité et la limite de certaines ressources poussent à définir deux types de ressources à savoir les ressources renouvelables9 (ex : la biomasse) qui ne sont pas pour autant inépuisables (cas de surexploitation) par opposition aux ressources non renouvelables10 (ex : le pétrole) On peut aussi dégager deux grands types de ressources naturelles: les ressources biologiques d’une part, et les ressources énergétiques d’autre part. Les ressources naturelles biologiques sont l’eau que l’on boit, les sols que l’on cultive, l’air que l’on respire, les forêts qui assurent notamment l’oxygénation de l’atmosphère, et l’ensemble des végétaux et animaux. Quant aux ressources naturelles énergétiques, elles sont par définition celles qu’on exploite afin de produire de l’énergie. Il s’agit de l’air, du soleil, de l’eau, de la géothermie, des végétaux, et des matières fossiles telles que le charbon, le pétrole, le gaz naturel ou l’uranium. 1.1.2. Importance des ressources terrestres et état de la dégradation des sols dans le monde, en Afrique et au Sénégal Les ressources terrestres sont définies par le texte de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) comme : « le système bioproductif terrestre qui comprend le sol, les végétaux, les autres êtres vivants et les phénomènes écologiques et hydrologiques qui se produisent à l’intérieur de ce système ». La terre est notre ressource commune. Elle est limitée dans l’espace et indispensable à toute la vie. Combinée à l’eau, aux ressources végétales et animales, elle constitue le support même de 9 Une ressource naturelle est qualifiée de non renouvelable ou épuisable lorsque sa vitesse de destruction dépasse, largement ou non, sa vitesse de création. 10 On parle au contraire de ressource renouvelable lorsque leur production est possible sur un temps court (production animale, végétale, etc.) et ne consomme pas elle même une ressource non renouvelable, ou lorsque la ressource n’est pas détruite par l’usage (énergie marémotrice, énergie éolienne, énergie solaire). Mémoire Master CB2A_Application de la Télédétection aérospatiale pour l’évaluation de la Dégradation des Terres Chapitre 1 : Généralités Ismaila GUEYE_2013 14 la vie des hommes et des femmes. Elle est non renouvelable à l’échelle humaine et elle se dégrade sous l’effet des actions anthropiques entre autres. Elle est différente des autres ressources telles que les ressources minières et pétrolières qui elles peuvent être considérées comme des marchandises. Malgré cette importance, la terre est trop souvent négligée par les gouvernements et par les médias. On constate que les questions liées à sa dégradation ne sont pas, actuellement, une priorité dans les pays du Nord. Elle y est oblitérée par un apport massif d’intrants dû à un type d’agriculture fondé sur des aides et la domination des grandes centrales d’achat des hypermarchés et ainsi qu’à de nombreux polluants, et cela malgré des conséquences environnementales néfastes. Elle ne l’est pas non plus dans de nombreux pays en développement du Sud, qui ont de tels problèmes sociaux et économiques à résoudre que la dégradation des terres et des ressources naturelles en général passe au second plan. Pourtant 75 % de l’humanité vit dans ces pays du Sud et les trois-quarts de la population travaillent dans le secteur agricole. Pour eux, la terre est vraiment la ressource vitale, source de l’alimentation et des revenus. Selon une étude rendue publique par la FAO11 (sur laquelle nous reviendrons) et qui s’appuie sur des données prélevées sur une période de 20 ans, « la dégradation des terres s’intensifie dans plusieurs parties du monde alors qu’environ 1,5 milliard de personnes, soit le quart de la population mondiale, dépendent directement de terres qui se dégradent ». Les données montrent qu’en dépit de la détermination affichée par 193 États ayant ratifié la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification de 1994, la dégradation des terres, au lieu de s’améliorer, s’aggrave. Les figures 1 et 2 ci-dessous montrent l’étendue et le degré de la dégradation des sols par région dans les terres arides touchées dans le monde. 11 L’étude, financée par le Fonds pour l’environnement mondial, s’intitule Land Degradation Assessment in Drylands (LADA) et ; les données citées ici font partie de cette étude diffusée par la FAO. Mémoire Master CB2A_Application de la Télédétection aérospatiale pour l’évaluation de la Dégradation d Chapitre 1 : Généralités Ismaila GUEYE_2013 Figure 1: Dégradation des sols par région dans les terres arides touchées (années 90) en millions d’hectares Source : PNUE, 1990 Vers les années 90, la superfi millions d’hectares. L’Asie (370,5 millions d’hectares (319,9 millions d’hectares, soit Figure 2: Dégradation des sols par degré dans les terres arides touchées (années 90) en millions d’hectares Source : PNUE, 1990 Vers les années 90, la plupart des terres dégradées dans l dégradation moyenne : (470, dégradation légère (427,3 millions d’hectares, soit dégradation forte : 130,1 millions d’hectares (0,72%). 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Amérique du Nord Amérique du Sud Érosion hydrique Érosion éolienne 0 50 100 150 200 250 Érosion hydrique Légère moire Master CB2A_Application de la Télédétection aérospatiale pour l’évaluation de la Dégradation d : Dégradation des sols par région dans les terres arides touchées (années 90) en la superficie des terres dégradées dans le monde étaient de 1035 (370,5 millions d’hectares, soit 35,79% des terres , soit 30,85% des terres) étaient les deux continents les plus touchés : Dégradation des sols par degré dans les terres arides touchées (années 90) en plupart des terres dégradées dans le monde étaient frappée 70,3 millions d’hectares, soit 45,15% des terres) millions d’hectares, soit 41,28% des terres). millions d’hectares (12,57%) et extrême: 7,5 millions d’hectares Amérique du Sud Europe Afrique Asie Érosion éolienne Détérioration chimique Détérioration physique Érosion éolienne Détérioration chimique Détérioration physique Légère Modérée Forte Extrême moire Master CB2A_Application de la Télédétection aérospatiale pour l’évaluation de la Dégradation des Terres 15 : Dégradation des sols par région dans les terres arides touchées (années 90) en e des terres dégradées dans le monde étaient de 1035,2 des terres) et l’Afrique continents les plus touchés. : Dégradation des sols par degré dans les terres arides touchées (années 90) en e monde étaient frappées par une % des terres) ou d’une ). Puis viennent la : 7,5 millions d’hectares Australie Détérioration physique Détérioration physique . L’érosion hydrique était le premier type de dégradation dans le monde. Elle touchait 467,40 millions d’hectares (45,15%). Elle est suivie par l’érosion éolienne : 432,40 millions d’hectares (41.77%), puis par la détérioration chimique : 100,70 millions d’hectares (9,73%) et la détérioration physique : 34,70 millions d’hectares (3,35%). La carte suivante montre la dégradation dans le monde. Carte 2: Carte mondiale de la dégradation des terres Source : PNUE, 1990 En Afrique, dans une étude récente (AFD, 2006), le Comité scientifique français de la désertification (CSFD) a évalué le coût économique de la dégradation des terres en Afrique à environ 502,30263 milliards de FCFA; au niveau des pays touchés, le coût économique est estimé entre 1 et 9 % du PIB agricole. Il s’en suit une aggravation des difficultés socioéconomiques, l’insécurité alimentaire, les migrations, la réduction des options de développement et la dégradation des écosystèmes. D’après Den Biggelaar et al. (2004), l’incidence de la dégradation des terres s’est traduite par une baisse des rendements de l’ordre de 2 à 40% avec une moyenne de 8,2% pour le continent. Scherr et Yadav (1997) estiment que s’il n’est pas mis un frein à la dégradation accélérée, les diminutions de rendement vers 2020 seraient de 16,5% pour tout le continent et de 14,5% pour l’Afrique subsaharienne, (CSE, 2011). La dégradation des terres sous ses différentes formes (physique, chimique et biologique) affecte des centaines de milliers d’hectares dans les régions semi arides d’Afrique. Cette dégradation n’est pas nouvelle en soi mais elle a tendance à prendre des dimensions inquiétantes du fait de la conjonction de phénomènes climatiques extrêmes et d’une plus grande pression sur les ressources naturelles (sol, eau, faune et flore). Au Sénégal, la dégradation des terres est un phénomène très ancien, identifié depuis l’époque coloniale. Les pressions majeures provenaient alors de la monoculture de l’arachide qui a occasionné durant deux siècles d’importants déboisements dans une zone géographique régulièrement agrandie appelée « Bassin arachidier » (CSE, 2011). En 1990, une étude (DEG, 1990) considérait que le problème essentiel du Bassin arachidier était qu’une population trop nombreuse tire ses moyens d’existence d’un maigre fond de ressource. L’augmentation démographique a conduit à la réduction des périodes de jachère. Le système de jachère étant réduit, on a assisté à une perte de la fertilité du sol, une acidification des hautes terres, et une perte de structure dans le cas des sols lourds du Sine Saloum. D’autres facteurs tels que l’urbanisation et l’exploitation des ressources ligneuses pour l’alimentation des chemins de fer en bois (traverses de voies et combustion) ont également accentué cette pression sur la terre. Les sols ainsi dénudés sont alors exposés, à l’érosion éolienne et à l’érosion hydrique, avec de lourdes conséquences sur la productivité (CSE, 2011). Seuls 17 % des terres sont actuellement classés comme «terres de bonne qualité» (Ndour, 2000). Le Bassin arachidier a aussi une concentration en bétail très élevée. II s’agit en général d’animaux circulant librement sur les parcours. Leur grand nombre cause une détérioration encore plus poussée des ressources végétales, source de protection et de régénération pour le sol. Le rapport résume les problèmes touchant à la gestion des ressources pédologiques dans le bassin arachidier en ces termes : – Dégradation et vulnérabilité des sols à l’action éolienne ; – Problème de régénération des sols ; – Déclin de la fertilité des sols ; – Dislocation des structures dans le cas des sols lourds du Sine-Saloum. Le rapport précise que la diminution des terres arables, le rétrécissement du domaine forestier combiné à la baisse des rendements des principales cultures (baisse de production céréalière de l’ordre de 25% ces dix dernières années) ne cessent de peser lourdement sur la détérioration des conditions socioéconomiques de la région de Kaolack située au cœur du bassin arachidier. Les problèmes évoqués ont des impacts négatifs sur la vie de la population rurale dans cette région en pleine croissance démographique. Vu ses effets, il importe d’avoir une idée de la signification de la dégradation des terres et de ses mécanismes.
La dégradation des terres
Le phénomène de la dégradation des terres est perçu depuis très longtemps par l’homme comme un danger majeur pour sa survie. Elle suscite depuis les années 1970 une forte mobilisation des instances internationales. Il importe dés lors de la définir et d’en connaître les causes et les conséquences. Mémoire
Définition
La Convention des Nations Unies pour la lutte contre la Désertification dans les Pays gravement touchés par la Sécheresse et/ou la Désertification (CNULCD) définit la dégradation des terres comme étant : « la diminution ou la disparition, dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, de la productivité biologique ou économique et de la complexité des terres cultivées non irriguées, des terres cultivées irriguées, des parcours, des pâturages, des forêts ou des surfaces boisées du fait de l’utilisation des terres ou d’un ou de plusieurs phénomènes, notamment de phénomènes dus à l’activité de l’homme et à ses modes de peuplement, tels que l’érosion des sols causée par le vent et/ou l’eau ». La dégradation des sols est la perte réelle ou potentielle de productivité ou d’utilité consécutive à des facteurs naturels ou anthropiques. Il s’agit essentiellement d’une diminution de la qualité du sol ou d’une réduction de sa productivité et de sa capacité de régulation environnementale (Lal, 1997). La dégradation des terres « est un processus qui réduit ou qui détruit la capacité des terres pour la production agricole, végétale et animale, et pour la production forestière. Elle résulte des activités humaines ou elle est un phénomène naturel aggravé par l’effet des activités humaines ». (Brabant P., 2008). Partant de ces définitions, la dégradation du sol est un phénomène difficile à connaître, et qui ne peut être compris sans la prise en compte de facteurs à la fois biophysiques, démographiques, socio-économiques, politiques etc. Le concept lui-même a soulevé beaucoup de débats entre scientifiques, chercheurs et acteurs agricoles, et les problèmes d’estimation du phénomène et la variété des formes de dégradation considérées attestent de son caractère complexe et expliquent aussi la multiplicité des approches utilisées pour l’étudier (Ndour, 2000). La dégradation des terres doit être située dans un contexte spatial, temporel, économique et social. En fonction du contexte, l’idée qu’on a de la dégradation varie. Le niveau de fertilité (indicateur le plus utilisé) varie suivant les types de sol et que la pauvreté ou l’inaptitude d’un sol pour une culture donnée peut être liée à sa nature, ses matériaux constitutifs, son origine, etc. (Roch J., 1968). D’autres facteurs tels que la dégradation du capital semencier et l’usage inadéquat de fertilisants peuvent également être à l’origine d’une baisse des rendements, et donc d’une erreur d’appréciation de l’état du sol (Ndour, 2000). Que le sol vienne à se dégrader ou même parfois à disparaître, il en résulte immédiatement de profondes modifications de toutes les autres composantes de l’écosystème, pouvant même aller jusqu’à leur disparition. C’est ainsi que la dégradation des sols (par l’érosion ou l’excès de sels par exemple) entraîne, à plus ou moins long terme, la disparition quasi totale de la végétation. De tels phénomènes sont visibles partout au Sénégal.
Les causes de la dégradation
La dégradation est un processus graduel dont les conséquences peuvent ne pas être subies par les auteurs, ce qui explique souvent l’absence de perception par les paysans. Certains types de dégradations ont souvent des effets en aval plus néfastes que ceux causés dans les zones de départ des phénomènes (barrages ensablés, routes détruites, ravines d’érosion, dépôt de sables et d’éboulis dans les champs des bas-fonds). Des causes biophysiques socioéconomiques et les impacts des changements climatiques sont à l’origine de la dégradation des terres.
Causes biophysiques
Elles proviennent essentiellement de la péjoration des conditions climatiques (sécheresse) et de la forte intensité des pluies. En milieu tropical, l’érosion hydrique est favorisée par la violence des pluies et la rareté de la couverture végétale du sol. La faible capacité de rétention de l’eau, la faible stabilité structurale et la nature squelettique de certains sols sont des facteurs favorisant le détachement des particules et leur transport par le vent et/ou l’eau. La rapide décomposition de la matière organique du sol (cinq fois plus rapide que dans les zones tempérées) et son lessivage sont aussi des facteurs importants. Mémoire
Causes socioéconomiques et politiques
Parmi les causes socioéconomiques on peut citer : – la forte croissance démographique avec son impact sur les terres disponibles, le raccourcissement de la jachère et l’extension des cultures vers les zones marginales ; – la mauvaise gestion agricole, le surpâturage et le déboisement ; – la destruction des écosystèmes fragiles ; – la politique agricole peu cohérente et sujette à de nombreux changements ; – les programmes d’ajustement structurels qui ont démantelé des services étatiques, ce qui affecte les subventions sur les moyens de production et les mesures de soutien des prix.
Introduction générale |