Application à l’étude de l’hydrophobie de petits peptides fluorés
Incorporer des aminoacides fluorés dans des peptides a souvent pour conséquence la stabilisation de leurs structures secondaires ou leur auto-assemblage par interactions de type hydrophobe (chapitre I).11 Dans le cas des interactions peptide-protéine, la présence d’un aminoacide fluoré dans un peptide permettrait d’augmenter localement l’hydrophobie de la chaîne peptidique et de favoriser sa reconnaissance par une protéine cible par l’intermédiaire d’interactions dans des poches hydrophobes. Or, à notre connaissance, aucune mesure expérimentale d’indices d’hydrophobie relatifs à des peptides ou protéines fluorées n’a été rapportée dans la littérature. Notre laboratoire s’intéresse à l’étude physico-chimique et structurale de petits peptides fluorés α-trifluorométhylés. L’étude de l’influence d’un tel groupement sur l’augmentation de l’hydrophobie de peptides a fait l’objet d’une deuxième partie de mes travaux de thèse. Ils ont consisté à établir une méthode analytique permettant de mesurer et comparer l’hydrophobie de courts peptides incorporant des aminoacides α-trifluorométhylés à leurs analogues non fluorés. Afin d’obtenir des valeurs expérimentales d’hydrophobie, les méthodes de partage entre deux phases liquides ou entre une phase stationnaire et une phase liquide ont donc été envisagées. Cependant, face aux faibles quantités disponibles d’aminoacides α-trifluorométhylés, cette méthode n’a pas été retenue. Notre choix s’est donc porté sur une méthode de mesure des temps de rétention par analyse HPLC.
Afin d’obtenir une valeur expérimentale quantifiable de l’hydrophobie de nos aminoacides α-trifluorométhylés par chromatographie liquide en phase inverse, la première phase de l’étude a concerné les aminoacides libres non protégés. Sachant que les indices d’hydrophobie décrits plus hauts (φ0 ou CHI) corrèlent relativement bien avec les valeurs de logP correspondantes, ceci permettrait de dégager rapidement une valeur de φ0 ou de CHI et d’en déduire directement le logP des aminoacides α-trifluorométhylés d’intérêt. à se lier à une phase stationnaire apolaire de type C18 à cause de la présence de charges terminales. Dans ce type d’étude, les aminoacides ont ainsi tendance à être élués immédiatement sans séparation possible. Souvent, les mesures d’hydrophobie d’aminoacides libres sont réalisées par d’autres techniques chromatographiques, se distinguant de la HPLC par la nature de la phase HPLC.133,134 Leur étude ayant montré une bonne corrélation entre les valeurs des temps de rétention obtenues sur une phase stationnaire de type C18 et différents indices d’hydrophobie (logP) donnés par diverses échelles d’hydrophobie disponibles dans la littérature, notre choix s’est donc naturellement porté vers l’emploi d’un protocole similaire pour l’élution de nos aminoacides fluorés. La détermination des conditions optimales d’élution a ainsi été réalisée à l’aide de mélanges d’aminoacides naturels, dans le but d’obtenir une séparation correcte de tous les types d’aminoacides présents dans les mélanges. La phase mobile sélectionnée est un mélange hydro- organique composé d’eau et d’acétonitrile en diverses proportions et tamponnée à pH 2 à l’aide d’acide trifluoroacétique (TFA). La phase stationnaire apolaire est une colonne analytique C18 Afin d’attribuer chaque signal à la nature de l’acide aminé concerné, tous les aminoacides de ce mélange ont été élués seuls. Le chromatogramme montre clairement la présence de deux groupes d’aminoacides distincts : entre 0 et 5 minutes d’analyse puis de 10 à 15 minutes.
Si le deuxième groupe semble bien résolu, certains aminoacides du premier groupe ne sont pas bien séparés, en particulier, l’alanine, l’Aib et l’α-Tfm-Alanine qui possèdent le même temps de rétention (2,4 min.), soit le temps mort du système chromatographique. Ces aminoacides ne sont donc pas retenus par la phase stationnaire Or, notre étude a pour objectif de déterminer, par mesures HPLC, la contribution du groupement trifluorométhyle de l’α-Tfm-Alanine sur l’augmentation de l’hydrophobie de petits peptides. Pour cela, il est nécessaire de pouvoir séparer et différencier l’α-Tfm-Alanine de ses analogues non fluorés, l’acide α-aminoisobutyrique et l’alanine. L’utilisation d’aminoacides non protégés pour la détermination d’indices d’hydrophobie n’étant donc pas adaptée, nous nous sommes alors tournés vers la synthèse et l’étude de différentes séries structurales de tripeptides incluant une α-Tfm-Alanine. Afin de mesurer l’hydrophobie de la chaîne latérale d’aminoacides fluorés et de la comparer à celles d’aminoacides naturels de caractéristiques structurales voisines, il convient de synthétiser des peptides de séquences identiques, ne variant que par la nature de l’aminoacide à étudier comme l’a proposé Valko.142 Les séquences de ces peptides ne doivent pas permettre la formation des structures secondaires particulières comme des hélices α, des feuillets ou des coudes β pouvant masquer la chaîne latérale d’intérêt. L’aminoacide à étudier sera incorporé en position N-terminale favorisant l’interaction de la chaîne latérale d’intérêt avec la phase stationnaire mais aussi en milieu de chaîne peptidique pour évaluer l’impact de la position de l’aminoacide étudié. Enfin, pour que la solubilité dans la phase mobile ainsi que les interactions avec la phase stationnaire des peptides étudiés ne soient pas perturbés par l’effet des charges terminales, les peptides pourront être acétylés en position N-terminale et amidifiés en position C-terminale. Nous avons ainsi opté pour la synthèse d’une première famille de tripeptides de type Ac-X-Ala-Leu- NH2. L’aminoacide fluoré concerné par notre étude étant l’α-trifluorométhylalanine de configuration (R) et (S), les aminoacides non fluorés choisis comme points de comparaison sont ses analogues structuraux aliphatiques à savoir son analogue hydrogéné l’acide aminoisobutyrique (Aib), l’alanine ou bien l’isoleucine, considérée par plusieurs échelles comme la plus hydrophobe des aminoacides naturels aliphatiques.