Application à la propulasion en fauteuil roulant manuel
Le protocole expérimental consiste à mesurer le mouvement et les efforts appliqués sur la main courante d’un FRM installé sur un ergomètre à rouleaux. L’acquisition des données cinématiques s’effectue via un système optoélectronique alors que les efforts ont été obtenus grâce à une roue instrumentée. Deux conditions d’intensité ont été considérées : maximale et sous maximale. Pour chacune d’elles, 5 consignes de vitesses sont imposées : 60, 80, 100, 120 et 140% de la fréquence librement choisie (FLC) cette dernière étant déterminée à partir de deux minutes d’enregistrements pendant lesquelles les sujets propulsent le FRM sans consigne particulière.
L’objectif est de comparer l’orientation de l’axe principal du PFMS avec la direction de la force appliquée en 3D et ainsi mettre en évidence dans quelle mesure le PFMS peut expliquer la direction d’application des efforts dans le plan sagittal et frontal. De plus, nous proposons un nouvel indice appelé « indice de performance postural » (IPP) qui correspond au rapport de la force maximale prédite par le PFMS divisée par sa composante dans la direction tangente à la roue. Ses propriétés sont ensuite corrélées à celles de l’efficacité mécanique de la force (MEF), l’un des indices biomécaniques les plus utilisés dans le cadre de la propulsion en fauteuil roulant manuel.
Le FRM, comme moyen de déplacement, est mécaniquement peu efficace et est lié à une prévalence importante de formation de TMS du membre supérieur (Boninger et al., 2005; van der Woude et al., 2001). En effet, 64% des personnes paraplégiques ont signalé des douleurs au niveau du membre supérieur (Sie et al., 1992) en particulier à l’épaule et au poignet (Cooper, 1998). Ces troubles sont principalement dus aux amplitudes articulaires extrêmes et au caractère répétitif de la tâche (Apple Jr et al., 1996) avec en moyenne 1800 cycles de propulsion par heure qui engendrent des contraintes importantes sous l’acromion au niveau des tendons de la coiffe des rotateurs. Cette tâche nécessite également de développer des efforts importants qui induisent des forces de contact d’amplitude élevée notamment à l’épaule (Van Drongelen et al., 2005). Réduire les risques d’apparition des TMS est essentiel pour les utilisateurs de FRM afin de prévenir une dégradation supplémentaire de leur qualité de vie (Requejo et al., 2015). Il est alors nécessaire de concevoir un fauteuil roulant en prenant en compte la morphologie et les capacités physiques de l’utilisateur afin d’optimiser la production des efforts. Ainsi, la compréhension des forces appliquées sur la main courante en tenant compte de la posture du sujet s’avère essentielle.
La roue d’un FRM ne comporte qu’un seul ddl autour duquel s’effectue la rotation. Ainsi seule la composante tangentielle de la force appliquée sur la main courante peut la mettre en rotation (De Groot et al., 2002a; de Groot et al., 2003). Même si celle-ci est le facteur le plus important, les composantes médio-latérale et radiale (dirigée vers l’intérieure de la roue) interviennent également pour produire les forces de frottement nécessaires afin de pouvoir appliquer l’effort dans le plan de la roue (Vanlandewijck et al., 2001). Dans ce dernier, la contribution de la composante tangentielle des efforts appliquée est caractérisée par deux indices classiques : la fraction de force efficace (FEF) (Veeger et al., 1991) et l’efficacité mécanique de la force (MEF) (Vanlandewijck et al., 2001). Ils ont été définis pour évaluer l’efficacité de la propulsion. Le premier correspond au rapport de la force tangentielle, estimée à partir du moment de force enregistré autour de l’axe de la roue divisé par son rayon, et de la force totale appliquée. Le second, quant à lui, correspond au ratio de la composante tangentielle et de la force totale appliquée le tout élevé au carré. La MEF est évaluée dans le repère local de la roue. Son origine est située au centre de rotation et son axe radial est défini entre l’origine du repère et le point d’application de la force (PFA) (Cooper et al., 1996). Dans une revue de littérature de Vanlandewijck et al. (2001), les valeurs de MEF moyennées La MEF est un indice plus pertinent, car il n’est pas influencé par le moment de préhension généré sur la main courante. Lorsque celui-ci est important et qu’il est associé à une force de faible amplitude, la valeur estimée de la force tangentielle équivalente peut dépasser celle de la force totale mesurée. Dans ce cas, la valeur de la FEF est incohérente. L’étude de Koontz et al. (2004) a quantifié ce moment qui, selon la vitesse peut être équivalent à 14,2 (6,2) % (vitesse faible) et 10,8 (5,3) % (vitesse haute) de celui appliqué autour de l’axe de la roue.
La MEF et la FEF varient au cours du cycle de propulsion (Jacquier-Bret et al., 2013; Rankin et al., 2010) ce qui signifie que certaines postures sont plus appropriées que d’autres pour produire une force tangentielle. Dans le cadre de la propulsion en FRM, une augmentation de cette composante signifie que l’efficacité mécanique de la propulsion est plus importante. Cependant, leur augmentation n’indique pas nécessairement une « efficience brute » (gross efficiency – GE) plus importante ce qui constitue une limitation de ces indices. En effet, l’étude de de Groot et al. (2002b) propose un système visuel pour inciter les sujets à générer un effort le plus tangentiel possible à la roue. L’augmentation de la FEF induit une diminution de GE définie par le rapport de la puissance développée sur la dépense d’énergie métabolique correspondante. Ces travaux rejoignent ceux de Bregman et al. (2009) qui au moyen d’un modèle musculosquelettique mettent en évidence un « coût physiologique » supérieur de 30% lorsque la force est appliquée de manière tangentielle à la roue. Ce coût correspond à la somme du carré des quotients des forces musculaires générées sur la force maximale correspondante. Cette augmentation serait due à une cocontraction plus importante des fléchisseurs et extenseurs du coude et une augmentation de la force générée au niveau de l’épaule. Ce résultat explique la diminution de GE, car l’effort généré par l’ensemble des muscles est alors plus important.