Application à la Mortalité Maternelle dans les hôpitaux de référence au Sénégal et au Mali
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), chaque année 585 000 femmes meurent dans le monde suite à des complications liées à la grossesse, à l’accouchement ou au post-partum [15]. Pour réduire cette mortalité, les politiques de santé adoptées par de nombreux pays d’Afrique subsaharienne reposent en grande partie sur la disponibilité des services de Soins Obstétricaux d’Urgence (SOU), incluant la césarienne et la transfusion sanguine, dans les hôpitaux de référence au niveau des districts ou régions sanitaires. Par contre, l’accès à ces services est très variable d’une région à une autre, avec une grande disparité entre milieu rural et urbain (Starrs, 1987). Des études réalisées en Afrique de l’Ouest, dans le cadre du suivi et de l’évaluation des interventions, ont révélé des taux de Mortalité Maternelle (MM) élevés et variables d’un hôpital à un autre au sein d’un même pays, mais aussi d’un pays à un autre [7, 9, 11–13, 20, 21]. Les résultats des études concernant les causes de la MM dans les pays en développement montre que, de tous les décès maternels qui surviennent en Afrique, 75% seraient dus à des complications obstétricales directes qui sont : les hémorragies (cause principale de la mortalité maternelle reconnue mondialement), les infections puerpérales, les dystocies, les troubles hypertensifs de la grossesse et les avortements clandestins [17]. Les causes indirectes les plus couramment rencontrées en Afrique subsaharienne sont essentiellement l’anémie, le paludisme, l’hépatite virale et le sida. Un facteur de risque de la MM se définit comme une caractéristique plus fréquente chez les mères qui meurent que celles qui ne meurent pas (OMS, 1991). Les facteurs qui prédisposent aux événements mortels de la maternité peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les facteurs individuels liés aux femmes et les facteurs reliés au système de santé ou facteurs institutionnels. Facteurs individuels : De nombreuses études dans les pays en développement ont montré que la primi-parité, d’autant plus qu’elle concerne une femme plus jeune, et la grande multi-parité sont des facteurs de risque importants de complication sévère, indépendamment de l’âge [4, 14]. Ce dernier est un facteur de risque majeur chez les patientes d’âges extrêmes (inférieurs à 16 ou supérieurs à 35 ans) identifié depuis longtemps. Même si le rôle d’un espace inter génésique court (inférieur à 2 ans) sur la Mortalité Maternelle a été peu étudié, il représente un facteur de risque retrouvé très présent chez les femmes de l’Afrique de l’Ouest. Facteurs institutionnels : Les études qui traitent des facteurs liés aux services de santé sont pour la plupart observationnelles et limitées à des comparaisons entre pays [19]. Elles révèlent cependant que le niveau de MM est plus élevé dans les pays où les femmes ont le moins accès aux services de santé équipés et de bonne qualité [2]. Parmi les femmes qui utilisent les services de santé, la mortalité reste élevée dans certains hôpitaux. Peu d’études ont été réalisées dans ce contexte. La seule étude recensée qui analyse la relation possible entre les données institutionnelles et la MM, a été réalisée dans un pays développé : les états Unis d’Amérique [18]. La particularité de cette étude réside dans l’utilisation d’une analyse multivariée de la famille des modèles linéaires généralisés, la régression de poisson, pour estimer le risque relatif, entre la disponibilité des Soins Obstétricaux d’Urgence (SOU), des médecins spécialisés en SOU et le taux de Mortalité Maternelle Humaine. Les grandes stratégies qui devraient permettre de réduire le taux de mortalité maternelle sont connues : le recours aux soins obstétricaux essentiels tels que l’accouchement assisté par du personnel qualifié et le recours à des services offrant des soins obstétricaux d’urgence en cas de complication obstétricale sont les principales mesures recommandées [3]. Plusieurs pays ont adopté des feuilles de route qui constituent un cadre national structuré de la planification des programmes et des activités qui visent à réduire la mortalité. Leur mise en œuvre se heurte à des problèmes structurels qui affectent les systèmes de santé de la plupart des pays de l’ASS et en premier lieu le problème récurrent du financement. La question des ressources humaines est en passe de devenir le défi majeur qui limite déjà la capacité de ces systèmes de santé de faire face à des problèmes de santé déjà existants et à d’autres à venir. Des études dans différents pays d’Afrique subsaharienne ont identifié plusieurs facteurs de risque indépendants qui diffèrent sensiblement entre les auteurs, probablement en raison des différences entre les populations d’étude, l’environnement, les variables recueillies et les méthodes statistiques utilisées. Ainsi, il reste difficile de fournir aux professionnels de la santé des pays d’Afrique subsaharienne des recommandations pour identifier les signes ou symptômes cliniques qui pourraient aider le personnel à détecter les patients à haut risque de décès à l’hôpital. C’est dans ce contexte que le projet QUARITE a été mis en place. Le projet QUARITE est un essai randomisé par grappes multicentrique international destiné à évaluer l’efficacité d’un programme d’amélioration de la qualité des soins au Sénégal et au Mali, comparé avec un groupe contrôle (soins habituels) sans intervention extérieure [6]. Le critère d’évaluation primaire de l’essai est la mortalité maternelle en milieu hospitalier. Avec environ 80 000 naissances survenant chaque année dans 46 hôpitaux de référence, QUARITE est l’un des plus grands essais randomisés par grappes dans la santé maternelle et périnatale jamais entrepris dans les pays à faibles revenus.
Présentation des données et objectifs de l’étude
Les données de l’étude ont été recueillies au cours de l’exécution du projet QUARITE dans sa phase de pré-intervention qui s’est déroulée du 1er Octobre 2007 au 30 Septembre 2008 au Sénégal et du 1er Novembre 2007 au 31 Octobre 2008 au Mali. Les données considérées sont issues d’un échantillonnage à deux niveaux : un niveau hôpital et un niveau patiente. Les hôpitaux qui ont participé à la collecte des données ont été tirés au hasard parmi ceux de leurs pays : (1) disposant d’un bloc opératoire fonctionnel, (2) pratiquant au moins 800 accouchements par an, (3) ayant un consentement signé par le chef de service de la maternité et le directeur de l’établissement. Au total 46 hôpitaux de référence, dont 24 au Sénégal et 22 au Mali, ont été enrôlés dans l’étude. La population ciblée est l’ensemble des femmes enceintes qui sont prises en charge dans les hôpitaux de référence. Sont incluses, les femmes admises pour un accouchement et les patientes dirigées secondairement vers un des hôpitaux concernés par l’étude. Elles sont exclues : les femmes admises après un accouchement à domicile et les femmes prises en charge dans une autre structure. Au total 89 518 patientes sont incluses parmi lesquelles 617 sont décédées. Soit un taux de 0.7%. L’hôpital constitue l’unité de randomisation et d’intervention pendant que la patiente admise pour un accouchement représente l’unité d’analyse. Seules les données patientes sont analysées dans ce travail. L’échantillon d’étude est constitué de 89518 patientes décrites par 24 variables explicatives réparties en trois groupes : un premier groupe de sept variables décrivant l’état de la patiente avant la grossesse en cours, un deuxième groupe de onze variables portant sur l’état d’avancement de la grossesse et un troisième groupe de six variables relatant le cours de l’accouchement. Plus une variable réponse binaire. Elle prend la valeur 1 si la patiente décède avant d’être autorisée à quitter l’hôpital (617 patientes) et 0 sinon (88 901 patientes). L’analyse des données a deux objectifs. Dans un premier temps, on cherche à : (1) Identifier les profils caractéristiques des patientes décédées sans tenir compte de l’échantillonnage au niveau hôpital ; (2) Elaborer une règle de classification performante et facile à comprendre comme un arbre de décision ou une régression logistique. Et dans un deuxième temps, on cherche à : (1) Identifier les profils caractéristiques des patientes décédées sachant que les hôpitaux de références sont échantillonnés à partir d’un ensemble d’hôpitaux éligibles ; (2) Elaborer une règle de classification performante et facile à comprendre comme un arbre de décision ou une régression logistique selon l’hôpital.
Prétraitement des données
Parmi les 24 variables explicatives de l’échantillon, nous avons 21 variables catégorielles et 3 variables numériques dont l’âge de la patiente, la parité (le nombre d’accouchements précédents la grossesse en cours) et le nombre de consultations prénatales pour la grossesse en cours. Pour se mettre dans les conditions d’application de l’algorithme d’apprentissage du chapitre II, nous avons discrétisé les variables numériques en utilisant la méthode du principe de la longueur de description minimal ou « Minimal Description Length Principle » (voir annexe B). Ci-dessous, nous présentons la liste des variables explicatives et leurs modalités respectives selon les groupes d’appartenance.
Analyse des données sous l’hypothèse que la population est homogène
Echantillonnage des données
L’apprentissage statistique que nous proposons dans cette analyse nécessite de subdiviser la base de données en trois échantillons de même taille : Apprentissage, V alidation et T est. Les échantillons sont obtenus de manière à ce qu’une partie des Hopitaux serve à l’apprentissage et à la validation du modèle et l’autre partie des clusters soit utilisée pour tester la performance du modèle. On note n le nombre total des patientes inclues dans l’étude et m = 46 le nombre total d’hôpitaux. En fonction de la valeur m0 donnée, soit l’échantillon T est est constitué exclusivement d’hôpitaux qui n’ont pas servi à l’élaboration du classifieur ; soit il contient un faible taux d’observations des hôpitaux qui ont participé à la construction du classifieur. Ce procédé permet, à l’aide du classifieur, de faire des prédictions plus tard sur des hôpitaux qui n’ont pas participé à l’étude. Pour la suite, nous nous sommes fixés de manière arbitraire une valeur m0 égale à 36.
Construction du classifieur
A partir de l’ensemble d’apprentissage, on a appliqué la procédure « apriori » (algorithme III.1) du package « arules » avec le paramètre d’apprentissage λ = (s0, c0, l0). Au support minimum s0, on a affecté les valeurs suivantes : 9.10−4 , 1.10−3 , 2.10−3 et 3.10−3 . A la valeur prédictive positive minimale c0 on a alloué les valeurs suivantes : 5%, 4%, 3% et 2%. Et on a fixé la longueur maximale l0 à 5. Pour chaque combinaison des trois paramètres, on génère un ensemble de profils fréquents (Uλ). Puis à l’aide de la procédure d’élagage (algorithme III.2), on supprime tous les profils redondants dans Uλ pour obtenir un ensemble de profils U 1 λ de taille plus petite. En général, l’ensemble U 1 λ est très vaste au point qu’on ne peut pas s’en servir pour construire un classifieur efficace. On se sert alors de l’algorithme III.3 pour réduire l’ensemble U 1 λ . Cette étape de la procédure permet de supprimer tous les profils dans U 1 λ de faibles performances. On obtient alors un ensemble U 2 λ contenant les profils de meilleurs performances et non redondants. De cet ensemble, on pourra alors déduire un classifieur φ performant. L’ensemble Test servira à calculer les performances du classifieur (sensibilité, spécificité et erreur de classement). La combinaison des différents paramètres conduit à la construction de 16 règles de classement (classifieurs). Le meilleur classifieur est sélectionné à partir de cet ensemble (voir tableau ci-dessous ??) en variant la sensibilité de chaque classifieur par rapport à sa spécificité. Toutes les analyses relatives à la méthode de classification proposée ont été réalisées dans l’environnement de programmation L’exploitation des règles d’association a été faite en utilisant le package arules.