Anisotropie des cristaux liquides
Nous avons dit précédemment que les molecules qui constituaient les phases mésomorphes étaient allongées; en général, la direction d’elongation correspond à la direction de polarisabilité maximale pour la molecule( 7). Considérons en effet le champ electrique associé à une onde electromagnetique : ce champ provoque une polarisation électrique du milieu; il y a· création de dipôles. Le caractère directionnel de la structure de la molecule va influencer l’induction electromagnetique résultant de la force de ces dipôles, et la polarisibilité sera anisotrope. Pour une vibration lumineuse se propageant dans le milieu, ceci se traduira par une anisotropie de la constante dielectrique. Le cristal liquide est donc biréfringent. Si, de plus, la molecule présente une certaine symétrie de r~volution autour de son axe, toutes les vibrations perpendiculaires à cet axe seront équivalentes. Autrement dit, la lumière qui se propage dans la direction de la molecule (axe optique du milieu) vibrera de manière identique dans n’importe quelle direction, perpendiculaire à cet axe (Figure I.3). Ceci explique le caractère uniaxe d’un cristal liquide nématique. L’anisotropie optique est en general positive (ne > n 0 , où n e est l’indice extraordinaire principal et n o l’indice ordinaire, et la biréfringence (ne – n 0 ) remarquablement élevée·( de l’ordre de 0,2). Les premières observations microscopiques sur les cristaux liquides dans le domaine visible ont été effectuées par LEHMANN( 8) en 1889, puis par FRIEDEL( 2 ), MAUGUIN( 9) et GRANDJEAN(lO).
L’anisetropie uniaxiale d’un nématique étant essentiellement révélée par ses propriétés optiques, le microscope polarisant se trouve être l’instrument de choix pour de telles observations. La structure macroscopique du cristal liquide ainsi que certains défauts ce cette structure furent mis en évidence. Des modèles théoriques ont récemment permis d’interpréter correctement de telles configurations, l’ensemble constituant une topologie fort complexe (ll). Notons que les observations effectuées jusqu’à présent concernent le cristal liquide dans sa totalité (volume+ surface), et qu’il est, par exemple, très difficile de discriminer un défaut ou une orientation en surface et un défaut ou une orientation de volume(l2 ) .Il serait donc particulièrement instructif d’élaborer une méthode qui mette en évidence les propriétés optiques de surface d’un nématique; on aurait ainsi la possibilité d’étudier les interactions d’un cristal liquide avec un substrat au niveau de l’interface et les prolongements éventuels dé ces interactions à l’ensemble du volume. En résumé, nous dirons que le nématique se comporte optiquement comme un milieu anisotrope uniaxe, dont l’axe optique et le directeur sont confondus.
Application à la détermination des indices de réfraction d’un cristal liquide en phase nématique. Nous avons vu dans le premier chapitre que l’on pouvait associer un cristal liquide nématique à un milieu uniaxe et homogène. En général, cela n’est vrai que pour des domaines dont les dimensions sont de l’ordre de grandeur du micron( 6). Si l’on considère des plages nématiques plus grandes, il faut tenir compte des contraintes imposées dans le milieu par un ancrage en surface ou un champ extérieur. Supposons que, par un moyen quelconque, nous assUl·ior.sune orientation homéotrope aux molécules voisines d’un interface cristal liquide – milieu isotrope. Dans ce cas, nous pouvons appliquer les résultats que nous venons d’obtenir au cas particulier correspondant à: a = ~- Suivant la polarisation de l’onde incidente, on trouve deux angles limites caractéristiques: a) Pour une onde TE, l’angle limite ne dépend pas de l’orientation du cristal liquide en surface. Autrement dit, quelles que soient les conditions imposées au milieu, cet angle est défini par la relation (5), et il nous permet de déterminer l’indice de réfraction ordinaire du nématique par la formule: (24) n o = N sin ô1 .. t TE= N sin ô lffil e o b) Pour une onde TM, cet angle limite dépend de l’orientation du cristal liquide; à partir de la relation (23) appliquée à la configuration homéotrope (a=%), on peut déterminer l’indice de réfraction extraordinaire du nématique par la formule: (25) n e = N sin o1 l.m..J. t e TM= N sin o e Il suffit donc, pour conna1tre les indices du cristal liquide, d’effectuer la mesure des angles limites correspondant aux deux polarisations considérées. L’incertitude sur la mesure des indices ne dépendra que de l’incertitude sur la mesure des angles limites. Un simple examen des courbes qui donnent la réflectivité en fonction de l’angle d’incidence (Fig. II.2) nous révèle qu’au voisinage de l’angle limite, les variations du coefficient de réflexion RAV sont très impor- TI tantes; pour a= 2 (n = 1,55, n = 1,70 et N = 1,90):
Il en résulte que la détermination de l’angle limite doit être précise, puisqu’elle correspond à un point singulier de la courbe de réflectivité. En fait, nous verrons dans le chapitre suivant qu’un – 23 – certain nombre de facteurs lèvent cette singularité et rendent la mesure plus imprécise (divergence du faisceau incident, diffusion, absorption des milieux, … ). Néanmoins, nous pouvons écrire l’incertitude théorique sous la forme: ~n = N cos ô ~o+ sinô ~ Si ~ô’Y3′ -4 et ~~10 , nous obtenons, pour o~0° et N = 1,90: ~ ~ lo-3 Deux possibilités s’offrent à nous pour détecter un angle limite: observer les variations d’intensité soit sur le faisceau reflechi, soit sur le faisceau transmis, soit encore sur les deux. Nous avons choisi la deuxième solution pour la détermination des indices, car elle fait intervenir un phénomène très marqué de diffusion de la lumière: 1) Si ô < o1 .. t : la lumière est partiellement transmise et par~ le tiellement réfléchie. A cause des fluctuations d’orientation du nématique (qui sont d’ailleurs beaucoup plus importantes que les fluctuations de densité) la lumière transmise dans le cristal liquide est fortement diffusée. 2) Si o > o1 .. t : nous sommes en réflexion totale; il n’y a pas 1m1 e d’énergie transmise dans le second milieu, et les seules ondes iui s’y propagent sont des ondes évanescentes. Cette transition est très nette et nous permet donc de visualiser l’angle limite.
Jusqu’à présent, nous avons toujours considéré des milieux semlinfinis. Supposons maintenant que le milieu uniaxe ne-soit homogène que sur une épaisseur d (au delà de cette épaisseur existerait, par exemple, une désorientation continue du cristal liquide). Les résultats précédents ne sont applicables que pour: d > d p où d ·représente la profondeur de pénétration de l’onde évanescente p dans le second milieu(l5); à l’angle limite, cette distance est théoriquement infinie (voir (22)). Si l’on estime que l’incertitude sur la mesur·e de l’angle limite est 3′, on est amené à prendre pour profondeur de pénétration la valeur qui correspond à:ô = ~ .. t +3′, ce qui nous ~lml e donne (pour a=~ ;À= 0,6 ~; n 0 = 1,55; ne= 1,70; N = 1,90): d ‘V 4~ p Les mesures que nous avons effectuées ne concernent donc que cette épaisseur « effective », et les indices calculés auront un caractère de surface que ne comportent pas les indices mesurés avec les méthodes habituelles que nous décrirons au chapitre IV.
INTRODUCTION |