Apparition de livres pour les enfants et les bébés

L’entrée du tout petit à la bibliothèque

Livres ou récits : que faut-il aux bébés ?

Comment définir la littérature enfantine ? Si l’on entend par là des ouvrages de caractère littéraire, destinés à être lus par des enfants, alors sa naissance remonte en Europe au XVIIe siècle (avec, en particulier, l’Orbis pictus de Comenius en 1657, Le Voyage du Pèlerin de John Bunyan en 1678, Les Fables et le Télémaque de Fénelon en 1699) ; si l’on désigne par ce terme les livres réellement lus par des enfants, sans qu’ils aient nécessairement été écrits dans cette intention, alors la littérature enfantine existe depuis bien plus longtemps : depuis que des enfants ont su lire, ils se sont emparés d’ouvrages qu’ils se sont attachés à déchiffrer. Sans oublier l’ensemble des textes religieux, qu’on leur faisait lire et apprendre par cœur. Si, enfin, on élargit cette catégorie à l’ensemble des textes et discours issus des traditions orales (contes, comptines, chansons, ritournelles, randonnées, formulettes, folklores divers), et cela semble légitime au regard de l’acception moderne de l’expression « littérature enfantine », son apparition est pour ainsi dire indatable. Cette notion se révèle donc polymorphe et difficile à définir. Ces premières considérations sur ce qu’il est convenu d’appeler la littérature jeunesse mettent en lumière le flou relatif qui entoure cette notion, et plus largement les concepts, employés parfois de façon interchangeable et finalement peu rigoureuse, de « lecture », « livres », « histoires », « récit », « culture », « langage écrit » : dans la littérature qui traite, de façon générale, des enfants (et de façon encore plus marquée des bébés) et du livre, ces expressions forment un ensemble brouillon, de sorte qu’on ne sait plus trop, à terme, ce qu’il faut promouvoir quand on mène des actions en direction des tout petits, et de quoi ces tout petits ont besoin dans leur cadre familial et familier.

L’apparition de livres pour les enfants et les bébés

Des livres pour les enfants

C’est au milieu du XVIIIe siècle qu’une édition spécifique pour enfants émerge en Europe16. Le livre pour enfant n’a alors pas de fonction ludique, mais une fonction éducative ; il est un support d’éducation morale et religieuse. « Le livre pour enfants ne va abandonner que peu à peu son caractère didactique pour entrer dans la catégorie du ludique. Ce mouvement est lié aux profondes modifications qui se produisent dans les relations entre adultes et enfants »17. Différents facteurs interviennent dans l’évolution progressive du statut de l’enfant au sein de la société européenne, et par ricochet dans la transformation de la littérature produite à destination de ce public. Ces changements sont développés en particulier par Philippe Ariès dans son ouvrage L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime18. L’enfant se singularise et devient une personne particulière ; le XIXe siècle découvre en même temps qu’il les sacralise les « valeurs de l’enfance ». Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la famille se structure et se rétrécit, se recentrant sur ce qu’on appellera la famille nucléaire, et l’école devient l’un des lieux principaux de socialisation de l’enfant. L’enfance bourgeoise s’attendrit sur les malheurs des pauvres et des exploités ; la situation de l’enfant sur le plan psychologique et social, enfin, commence à préoccuper l’opinion. Au début du XXe siècle, la presse enfantine moderne apparaît. L’année 1931 voit la naissance de Babar, et la publication des premiers Albums du Père Castor qui trouvent leur inspiration dans trois sources : militante (en rapport avec l’essor des psychologies nouvelles), scientifique (avec les récents acquis de la psychologie de l’enfant), et esthétique (en lien avec le mouvement formaliste russe). Dans les années 1960 et 1970 émerge une véritable littérature documentaire à destination des enfants, tandis que l’album reçoit ses lettres de noblesse : profondément renouvelé, il devient un genre à part entière ; « l’image, d’étroitement réaliste, devient symbolique et artistique et pousse l’enfant à exercer ses capacités imaginaires. L’enfant n’est plus confronté à une monosémie stérilisante »19. Parallèlement le travail sur la langue se développe avec, par exemple, la parution de La belle lisse poire du Prince de Motordu20 de Pef en 1980.

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Des enfants aux bébés

Les livres et articles qui abordent la littérature de jeunesse selon une perspective historique se limitent bien souvent aux romans et albums pour les plus de six ans, ou du moins les plus de trois ans, et il est bien difficile de trouver des informations sur l’émergence historique des livres pour les bébés21. Les ouvrages destinés à la petite enfance sont en pleine expansion depuis le début des années 1980 ; aujourd’hui encore la production ne cesse de croître. Des créateurs comme Claude Ponti, Tana Hoban ou Grégoire Solotareff22 renouvellent complètement le genre de l’imagier ; des réflexions sont conduites sur la perception des images par les tout petits, qui aboutissent à une grande variété de formats, graphismes et matériaux. Les livres animés et les livres tactiles se multiplient. La presse d’éveil est lancée en 1985 par Milan avec le magazine Toupie, un journal pour les très jeunes enfants qui apprennent à parler. Une dizaine de titres ont suivi depuis, qui proposent tous au bébé d’appréhender le livre avec tous ses sens : les illustrations occupent une place importante où prédominent les aplats de couleurs primaires, les angles du magazine sont arrondis pour permettre au petit de l’attraper sans se blesser, ou de le mettre à la bouche, des comptines et chansons sont présentées, certaines pages sont destinées à être découpées, pliées, manipulées, par l’enfant avec l’aide de ses parents. Le papier est épais, parfois cartonné, le texte est découpé en phrases courtes ; le plus souvent on suit l’histoire d’un bébé héros dont la vie quotidienne se veut le miroir de celle du lecteur.

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