Aperçu des mesures fiscales dans l’accord de gouvernement
Au cours de l’année écoulée, la crise sanitaire a mis en lumière des points d’amélioration au niveau du fonctionnement du Royaume de Belgique. Après de longues négociations, une série d’informateurs, de pré-formateurs et enfin de formateurs, la coalition Vivaldi a vu le jour le 1er octobre 2020, assortie d’une note de gouvernement se voulant très ambitieuse dans différents domaines. Dans cette note, plusieurs nouvelles mesures fiscales sont abordées et couvrent des pans de la fiscalité très différents. Ces dernières seront brièvement résumées dans cette section.
Taux de TVA réduit
En premier lieu, la note gouvernementale prévoit un élargissement de l’application du taux de TVA réduit de 6% pour le régime des démolitions et reconstructions d’immeubles, jusqu’ici en application sur le territoire de 32 villes, à l’entièreté du territoire de la Belgique et ce jusqu’au 31 décembre 2022.
Réserve de reconstruction exonérée
La seconde mesure fiscale mise en avant concerne les sociétés. En effet, l’exécutif souhaite prévoir une réserve de reconstitution qui a pour objectif un renforcement de la solvabilité et de la liquidité des entreprises. En effet, la crise sanitaire a eu un impact négatif conséquent sur plusieurs secteurs d’activités. C’est pourquoi, les entreprises pourront, pour les exercices d’imposition 2022, 2023 et 2024, comptabiliser une partie de leurs bénéfices dans une réserve de reconstruction exonérée. Par l’intermédiaire de cette mesure, l’exécutif incite les entreprises à conserver leurs bénéfices, plutôt que de les distribuer, dans le but d’augmenter leurs fonds propres et, de ce fait, améliorer leur solvabilité.
Fiscalité et transition écologique
Le gouvernement Vivaldi a également prévu d’encourager la transition écologique en revoyant la fiscalité actuelle. Le principe du « pollueur-payeur » sera préconisé afin de décourager les consommateurs d’utiliser les énergies non-renouvelables. En outre, l’exécutif se veut ambitieux en ce qui concerne la mobilité puisqu’il prévoit que l’entièreté des véhicules de société roule à l’énergie électrique d’ici 2026. La réforme fiscale relative à ce domaine est encore à l’état de projet et son analyse ne fera pas partie de cet ouvrage.
Une contribution équitable
En dernier lieu, et c’est ce qui nous occupera pour la suite de cet ouvrage, l’exécutif souhaite introduire une « contribution équitable à charge des individus qui ont la plus grande capacité contributive » . Source de débat au sein même de la majorité qui compose le gouvernement Vivaldi, cette contribution sera affectée aux soins de santé, fortement touchés durant la crise sanitaire, victimes d’un sous-investissement au cours des précédentes législatures. Du fait de sa ressemblance à un impôt sur la fortune, le texte de la nouvelle taxe proposé par le législateur est, d’une part, souvent critiqué et, pourrait, d’autre part, faire l’objet de recours en annulation devant la Cour Constitutionnelle pour non-respect du principe d’égalité et de non-discrimination. C’est pourquoi, cette nouvelle taxe, appelée taxe compte-titres dans les pages qui suivent, sera présentée et, principalement analysée au regard du principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination. Aux points suivants, nous présenterons les éléments constitutifs de cette nouvelle taxe, après avoir revu l’historique de la contribution en question ainsi que la motivation budgétaire du gouvernement sous-jacente à son introduction.
La taxe sur les comptes-titres
Historique
Avant de plonger dans l’analyse de la taxe compte-titres, revenons en premier lieu sur l’historique de cet impôt. En effet, la volonté de faire contribuer ceux qui disposent d’une plus grande capacité de contribution n’est pas nouvelle, la progressivité de l’impôt des personnes physiques en est, notamment, un exemple des plus marquant. Dans cet esprit, le précédent gouvernement avait déjà tenté d’introduire un impôt visant les comptes-titres dont la valeur moyenne, au cours de la période imposable, serait supérieure à 500 000 euros. La motivation de cette taxe était, principalement, d’introduire une forme d’impôt sur la fortune, jusqu’alors inexistant en Belgique, et ainsi d’élargir la base imposable des plus fortunés. L’impôt sur la fortune est fréquemment à l’origine de débats enflammés entre les différents représentants des grandes idéologies politiques et fait l’objet d’une littérature abondante . D’aucuns le considèrent comme une nécessité pour combler le fossé qui sépare les riches des pauvres alors que, d’autres ne lui trouvent pas le moindre point positif. Nous verrons plus loin, dans la partie consacrée à l’analyse de la nouvelle taxe compte-titres, dans quelle mesure l’introduction d’un tel impôt permettra de remplir cet objectif. Pour l’heure, nous nous contenterons de résumer l’avis de la Cour Constitutionnelle à l’égard de la taxe compte-titres, telle que prévue par le gouvernement précédent. Le 17 octobre 2019, dans son arrêt n°138/2019, la Cour Constitutionnelle annulait la taxe compte-titres prévue par la loi du 7 février 2018 pour violation des principes constitutionnels . Préalablement à cet arrêt, sept recours en annulation avaient été comptabilisés contre la taxe en question. Les contestataires reprochaient à la nouvelle taxe un non-respect du principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination . Ces derniers ont eu gain de cause puisque, selon la plus haute juridiction belge, la taxe compte-titres prévue par la loi du 7 février 2018 ne respectait pas le principe en question qui prévoit « qu’il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts » . Or, le texte de loi semblait violer ce principe à plusieurs égards : d’abord, parce qu’étaient exclus du champ d’application de l’impôt certains types de produits financiers , ainsi que les titres nominatifs, et ensuite, parce qu’une distinction était faite entre les titulaires uniques et les cotitulaires de comptes-titres .
Malgré ce revers juridique, la taxe compte-titres a fait son retour sur le devant de la scène depuis la publication de l’accord gouvernemental de la coalition Vivaldi. Nous analyserons, au point suivant, la motivation de l’exécutif sous-jacente à l’introduction de cet impôt.
I. Introduction |