Annotation des génomes de picocyanobactéries marines

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Annotation des génomes de picocyanobactéries marines

Résumé des résultats obtenus

Annotation du génome de Prochlorococcus marinus SS120

Les analyses préliminaires (avant la disponibilité du génome) de quelques classes de gènes, séquencées spécifiquement chez P. marinus SS120, avaient déjà suggéré la présence d’un nombre plus réduit de gènes chez Prochlorococcus que chez d’autres genres de cyanobactéries (Hess et al., 1999). Afin d’identifier systématiquement les gènes absents du génome de SS120, nous l’avons donc comparé à ceux, plus grands et plus complexes, de trois cyanobactéries d’eau douce, Synechocystis PCC 6803, Anabaena PCC 7120 et Thermosynechococcus elongatus BP-1 (Kaneko et al. 2001; Kaneko et al. 1996; Nakamura et al. 2002).
Ces comparaisons ont montré que le génome de SS120, qui est le second plus petit génome de cyanobactérie après P. marinus MED4 (Rocap et al., 2003), possède un génome quasiment minimal pour une oxyphototrophe. En effet la majorité des gènes, tels que ceux de l’appareil photosynthétique, est en simple copie. De nombreux gènes impliqués dans la réparation de l’ADN, la photosynthèse, l’importation de solutés, le métabolisme intermédiaire ou encore la mobilité et le phototactisme sont absents. Certaines familles de gènes sont même complètement absentes de ce génome alors que de nombreux exemplaires de ces gènes sont présents dans les génomes de cyanobactéries d’eau douce. Cette tendance à la réduction génomique est particulièrement marquée dans le cas des transposases, des systèmes de transduction des signaux et de réponse aux stress environnementaux. Ainsi, chez les trois cyanobactéries d’eau douce, les gènes codant pour les systèmes à deux composants sont très largement représentés (Mizuno et al, 1996; Ohmori et al, 2001; Meeks et al, 2002) alors que le génome de P. marinus SS120 ne contient que 5 senseurs histidines kinases et 6 régulateurs de réponse. L’analyse de ce génome nous apporte donc des renseignements précieux sur le jeu minimal de gènes nécessaires au fonctionnement d’un organisme oxyphototrophe.
Ce travail est présenté sous la forme d’une publication dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the U.S.A. Les données complémentaires associées à cette publication sont présentées en annexe I.

Annotation du génome de Synechococcus sp. WH8102.

L’annotation du génome de Synechococcus sp. WH8102 a permis de mettre en évidence, au niveau moléculaire, certaines des adaptations de cette cyanobactérie à l’environnement oligotrophe des régions centrales océaniques.
L’analyse du génome a montré la présence de plusieurs gènes dont les fonctions sont directement liées à l’adaptation à la salinité. Ainsi, Synechococcus sp. WH8102 possède, en comparaison des cyanobactéries d’eau douce, un plus grand nombre de transporteurs utilisant le gradient de sodium pour le passage de différents composés au travers de l’enveloppe cellulaire. Le génome de Synechococcus sp. WH8102 possède également plusieurs gènes impliqués dans l’import ou dans la synthèse de glycine betaïne. Ce composé intervient dans l’osmorégulation et n’est pas synthétisé par les cyanobactéries d’eau douce.
Un autre aspect intéressant de l’adaptation de Synechococcus sp. WH8102 concerne l’utilisation du fer. Cet élément est très peu abondant dans les océans et le génome de cette cyanobactérie contient plusieurs exemples de gènes permettant d’économiser le fer. Des enzymes telles que la plastocyanine, la ribonucléotide réductase ou la superoxyde dismutase utilisent normalement le fer pour fonctionner. L’annotation a permis de montrer que Synechococcus sp. WH8102 synthétise des formes différentes de ces enzymes qui utilisent d’autres métaux (cuivre, cobalt ou nickel) comme co-facteurs. Cependant, le génome de Synechococcus . WH8102 ne possède aucun des deux gènes de l’opéron isiAB, qui chez les cyanobactéries d’eau douce est régulé par la disponibilité du fer, et qui code pour deux protéines importantes:
– CP43′, (ou IsiA) forme une couronne de protéines fixant la chlorophylle autour du photosystème I (Bibby et al. 2001; Boekema et al. 2001), un phénomène qui notamment compense la forte diminution du rapport PSI/PSII survenant durant la carence en fer.
– La flavodoxine (IsiB), une protéine qui remplace la ferredoxine comme accepteur d’électrons L’absence de ces deux gènes est d’autant plus surprenante qu’isiB est présent dans les génomes des trois souches séquencées de Prochlorococcus. De plus, les protéines de l’antenne majeure du PSI et du PSII de Prochlorococcus constituent des formes dérivées de IsiA qui selon les cas sont restées ou non sous le contrôle de la disponibilité en fer (Bibby et al., 2003). L’ancêtre commun de Prochlorococcus et Synechococcus devait donc bien posséder ces deux gènes associés ou non en opéron.
Comme chez Prochlorococcus, le nombre de gènes des voies de signalisation est particulièrement peu important par rapport aux cyanobactéries d’eau douce. Cela est corrélé avec le fait que Synechococcus sp. WH8102 est représentatif de populations de Synechococcus adaptées aux environnements océaniques oligotrophes stables, comme Prochlorococcus.
Par rapport à Prochlorococcus, le génome de Synechococcus sp. WH8102 contient un plus grand nombre d’intégrases (DNA recombinases) de phages. La présence de ces enzymes, couplée à d’autres indices compositionnels (GC %, composition en trinucléotides), indique que de nombreux gènes provenant d’autres bactéries ont été transférés horizontalement dans le génome de Synechococcus sp. WH8102. Ces transferts horizontaux de gènes sont à l’origine de l’acquisition de nouvelles fonctions par Synechococcus. C’est le cas des gènes impliqués dans la mobilité (swmA et swmB) ou des gènes codant pour des glycosyltransférases. Ces dernières pourraient intervenir dans la modification de l’enveloppe cellulaire pour permettre aux cellules de Synechococcus d’échapper aux virus ou aux prédateurs.
Ce travail a fait l’objet d’une publication dans la revue Nature (Palenik et al. 2003), présentée en annexe II.

Annotation du génome de Synechococcus sp. WH7803.

L’annotation du génome de Synechococcus sp. WH7803 est encore en cours. Le paragraphe qui suit présente quelques résultats préliminaires de l’analyse de différentes familles de gènes de ce génome.
Cette deuxième souche de Synechococcus a été isolée dans un environnement caractérisé par sa relative richesse en sels nutritifs. La pigmentation de cette souche (riche en phycoérythrobiline qui absorbe à 520 nm) diffère de celle Synechococcus sp. WH8102 (riche en phycourobiline qui absorbe à 495 nm), reflétant les différences de propriétés optiques entre les eaux mésotrophes vertes d’où vient la première et les eaux oligotrophes bleues d’où vient la seconde. A cet égard, il est intéressant de noter que Synechococcus sp. WH8102 possède un gène de fusion (SYNW2025) ayant une forte homologie avec les gènes pecE et pecF de Fischerella sp. Cohn (AAC64647) et Anabaena sp. PCC7120 (AAA22019). Ils codent pour une lyase-isomérase qui fixe une phycobiline de type I (la phycocyanobiline) à un site (résidu cystéine) bien particulier de la chaîne d’une phycobiliprotéine (phycoérythrocyanine) et, concomitamment, l’isomérise en phycobiline de type II (la phycoviolibiline). Les Synechococcus marins ne possèdant ni phycoérythrocyanine ni phycoviolibiline, il est probable, puisque la réaction enzymatique est la même, que le produit de SYNW2025 fixe plutôt une molécule de phycoérythrobiline à la phycoérythrine (I et/ou II) et l’isomérise en phycourobiline, comme prédit par (Storf et al. 2001). Au contraire, les deux gènes équivalents (non fusionnés) à SYNW2025 trouvés chez Synechococcus sp. WH7803 (ORF0480/0481) sont homologues aux gènes rpcE et rpcF caractérisés chez la souche côtière Synechococcus sp. PCC 7002 comme codant pour une lyase simple (fixant une phycobiline de type I sans isomérisation). Cette observation suggère une différence probable dans la nature des phycobiline-lyases présentes chez Synechococcus spp. WH7803 et WH8102 et pourrait peut être expliquer en partie les différences de rapports phycourobiline/phycoérythribiline (0,45 et 1,95, respectivement; Six et al., 2004) observées entre ces souches.
Parmi les picocyanobactéries marines, Synechococcus sp. WH7803 possède le plus grand nombre de systèmes à deux composants, impliqués dans la transduction des signaux environnementaux. Pas moins de 10 senseurs histidine kinases et 17 régulateurs de réponse ont été identifiés dans ce génome. De plus, 2 protéines hybrides contenant à la fois le domaine transmetteur des histidine kinase et le domaine receveur des régulateurs de réponse, sont également présentes (Mizuno et al. 1996 ; Parkinson and Kofoid 1992). Ainsi, cette cyanobactérie est probablement capable de répondre aux variations d’un plus grand nombre de paramètres environnementaux, variations qui surviennent plus fréquemment dans un environnement côtier ou mésotrophe que dans un milieu oligotrophe.
Une autre différence avec les génomes de picocyanobactéries marines concerne les gènes de protection contre l’oxydation. WH7803 possède deux superoxides dismutases différentes qui utilisent un co-facteur à base de cuivre et de zinc pour l’une, et à base de fer et de manganèse pour l’autre. Aucune superoxide dismutase fonctionnant avec le nickel, comme chez Synechococcus sp. WH8102 et Prochlorococcus, n’est présente chez Synechococcus sp. WH7803. Cette dernière se développe dans des eaux où le fer est moins limitant, aussi le besoin d’économiser cet élément est peut-être moins déterminant dans le cas de cette souche. Le génome de Synechococcus sp. WH7803 contient également un gène codant pour une catalase (peroxidase I) (Yamada et al. 2002). Cette enzyme utilise une molécule d’hème comme groupement prosthétique pour éliminer le peroxyde d’hydrogène. Ce gène est également présent chez Synechocystis sp PCC 6803 et Gloeobacter violaceus PCC 7421, mais est absent des autres génomes de picocyanobactéries marines. La séquence de la catalase de Synechococcus sp. WH7803 est plus proche des séquences de protéobactéries, telle que Geobacter sulfurreducens, et d’archées, telle que Methanosarcina acetivorans, que de celles des cyanobactéries d’eau douce. Ceci suggère que ce gène est issu d’un transfert latéral. La présence de ces trois gènes chez Synechococcus sp. WH7803 contre un seul gène de superoxyde dismutase dans les autres génomes de picocyanobactéries marines fait penser que WH7803 subit, dans son environnement, un stress oxydatif plus important que les autres picocyanobactéries et/ou est mieux équipé pour faire face à cette éventualité.
Le génome de Synechococcus sp. WH7803 est aussi caractérisé par l’absence des gènes urtBC et des gènes ureABCDEFG qui codent respectivement pour deux sous-unités du transporteur ABC d’urée et pour les différentes sous-unités de l’uréase. L’absence de ces gènes, qui sont présents chez Synechococcus sp. WH8102, indique clairement que cette souche a perdu la capacité d’utiliser l’urée comme source d’azote, comme c’est aussi le cas pour P. marinus SS120. On ne peut pas exclure que cette particularité résulte de la mise en culture prolongée de ces souches dans un milieu sans urée (depuis 1978 pour la première, depuis 1988 pour l’autre).
A l’instar de P. marinus MED4 et de Synechococcus sp. WH8102, Synechococcus sp. WH7803 possède une cyanate lyase (cyanase) (Palenik et al. 2003). Cette enzyme catalyse la réaction du cyanate avec le bicarbonate pour produire du dioxide de carbone et de l’ammonium (Walsh et al. 2000). Elle permet, ainsi, de dégrader le cyanate, qui est toxique, et d’exploiter une source d’azote supplémentaire. Curieusement, Synechococcus sp. WH7803 ne possède pas les gènes codant pour un éventuel transporteur ABC de cyanate, identifiés chez P. marinus MED4 et Synechococcus sp. WH8102. Synechococcus sp. WH7803 possède néanmoins un gène dont la partie N-terminale est similaire au gène codant pour la sous-unité ATPase (fixation et hydrolyse de l’ATP) du transporteur ABC de cyanate. Ce gène est situé juste en aval d’un gène codant pour un transporteur ABC (permease et domaine de fixation du substrat) dont les homologues les plus proches sont présents chez les protéobactéries. De part la similarité entre les sous-unités ATPases, on peut supposer que ce transporteur ABC permet l’importation du cyanate chez Synechococcus sp. WH7803. Ce transporteur semble avoir été acquis indépendamment par cette souche et pourrait provenir d’un transfert horizontal.
Les premières analyses du génome de Synechococcus sp. WH7803 offrent donc une estimation préliminaire de la variabilité qui existe entre deux souches très proches de Synechococcus, notamment pour les gènes du transport de l’azote. Ces résultats montrent clairement que cette souche est adaptée à un environnement plus riche et plus variable que Synechococcus sp.WH8102 et les Prochlorococcus spp.

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Table des matières

Chapitre I : Introduction
I.1 Présentation des modèles d’étude: Prochlorococcus et Synechococcus
I.1.2 Distribution géographique et abondance
I.1.3 Caractéristiques générales
I.1.4 Pigmentation
I.1.5 Appareil photosynthétique
I.1.6 Diversité génétique et écotypes
I.3 Evolution des génomes de procaryotes
I.3.1 Intérêts de la comparaison de génome complets
I.3.1.1 Génome minimal et remplacement non-orthologue
I.3.1.2 Adaptation à la niche écologique
I.3.2 Mécanismes d’évolution du répertoire de gènes
I.3.2.1 Duplication génique et formation de familles multigéniques
I.3.2.2 Transferts horizontaux
I.3.2.3 Pertes différentielles de gènes
I.4 Contexte scientifique et démarche adoptée au cours de la thèse
Chapitre II : Annotation des génomes de picocyanobactéries marines
II.1 Résumé des résultats obtenus
II-2 Article
Chapitre III : comparaison des répertoires de gènes adaptation à la niche écologique
III.1 Introduction
III.2 Méthodes d’analyse
III.3 Résultats et Discussion
III.3.1 Classification en clusters de protéines
III.3.2 Distribution des gènes dans les cinq génomes
III.3.3 Gènes de la niche de forte lumière
III.3.4 Gènes de la niche de faible lumière
III.4 Conclusions
Chapitre IV: Evolution réductive chez Prochlorococcus
IV.1 Résumé des résultats obtenus
IV.2 Article
Chapitre V: Conclusions et perspectives
V.1 Différenciation écotypique chez Prochlorococcus
V.2 Conséquences de la réduction du génome chez Prochlorococcus
V.3 Evolution de Prochlorococcus et de Synechococcus: deux stratégies différentes ?
Bibliographie
Annexe I Gènes absents ou présents en moindre copie chez P. marinus SS120 par rapport aux cyanobactéries d’eau douce
Annexe II Analyse de la famille des gènes hli chez les cyanobactéries marines et d’eau douce
Annexe III Le génome d’une souche marine et mobile de Synechococcus
Annexe
IV Propriétés des cinq génomes de picocyanobactéries marines utilisés pour cette thèse

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