ANESTHESIE POUR CESARIENNE EN URGENCE A L’HOPITAL REGIONAL
INTRODUCTION
L’anesthésie pour césarienne est une éventualité fréquente car le nombre de césariennes augmente constamment. Le choix d’une technique anesthésique donnée pour une césarienne a fait l’objet d’une importante littérature au cours des années 90 et 2000 . Durant cette période, la place de l’anesthésie générale a diminué pour n’être plus réservée qu’aux souffrances fœtales aiguës sévères ou aux contre-indications de l’anesthésie locorégionale. Le développement de l’anesthésie locorégionale a changé les habitudes anesthésiques en obstétrique et diminué la mortalité maternelle liée à l’anesthésie [2]. La césarienne en urgence entraîne une réduction de la mortalité périnatale mais une augmentation de la mortalité maternelle en comparaison à l’accouchement par voie basse [3]. Le risque de la mortalité maternelle est particulièrement important au cours de la césarienne en urgence, puisqu’il est six fois plus élevé qu’au cours d’une césarienne programmée [4]. En 2010, dans le monde, 287 000 femmes sont décédées pendant ou après la grossesse ou l’accouchement, soient environ 800 femmes chaque jour ; 99% de tous les décès maternels surviennent dans des pays en développement. La mortalité maternelle est plus élevée en milieu rural et dans les communautés les plus pauvres. L’assistance par un personnel qualifié avant, pendant et après l’accouchement peut sauver la vie des femmes et des nouveau-nés [5]. Entre 1990 et 2010, la mortalité maternelle a pratiquement diminué de moitié à l’échelle mondiale. Au Sénégal, elle est de 392 pour 100 000 naissances vivantes en 2010-2011[6]. Améliorer la santé maternelle est l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés par la communauté internationale en 2000.
Dans le cadre du cinquième objectif, les pays se sont engagés à réduire de trois quarts Page 8 la mortalité maternelle entre 1990 et 2015. Depuis 1990, les décès maternels ont reculé de 47% à l’échelle mondiale .Les indications des césariennes se sont considérablement élargies et le taux de 12 % constaté dans les années 1970 a doublé (20 à 25 % actuellement) dans certains pays industrialisés. La césarienne représente en 1997, 25% des accouchements aux USA . SUREAU [11], rapporte que 40% des accouchements au Brésil se font par césarienne. Ce taux atteint 80% dans certaines régions de ce pays. Au Bénin, le taux de césarienne était de 28,4% de 2001 en 2002 [12]. Au Sénégal les césariennes sont plutôt rares chez les femmes du milieu rural (3 %), dans les régions les moins urbanisées et chez les femmes non instruites qui résident aussi plus souvent en zone rurale. Ce type d’intervention qui n’est réalisable que dans les formations sanitaires suffisamment équipées et dotées de personnels qualifiés n’est pas à la portée des couches les plus défavorisées et qui sont également souvent éloignées de ces services, moins de 2% dans les régions de Tambacounda, Kaolack et Kaffrine contre 16 % à Dakar et 7 % à Thiès [6]. L’intérêt de notre étude s’explique par l’augmentation très importante du nombre de césariennes dans la pratique obstétricale et anesthésiologique durant ces vingt dernières années [10] et surtout par l’adoption de la gratuité de l’acte par l’Etat du Sénégal dans le but d’une réduction du taux de mortalité maternofœtale dans le cadre des objectifs du millénaire L’anesthésie obstétricale est une anesthésie difficile car elle tient compte de deux vies humaines: la mère et le fœtus. La césarienne en urgence devient une situation compliquée devant laquelle le choix d’une technique d’anesthésie dépend autant du fœtus que de la parturiente, ainsi que de l’expérience de l’anesthésiste . Page 9 Malgré l’installation de centres assurant des soins obstétricaux d’urgence, l’ HRTC reste le centre de référence de dernier recours pour les régions de Tambacounda et de Kédougou ainsi que le département de Vélingara (région de Kolda). Les patientes y arrivent très souvent tardivement. Ainsi il nous a paru nécessaire d’initier cette étude sur la prise en charge des césariennes en urgence dans ce centre périphérique pour en déterminer le taux et dégager les facteurs influençant le pronostic materno-fœtal. Nous avons adopté le plan suivant : Une première partie consacrée à la revue de la littérature, une deuxième partie consacrée au cadre de l’étude, à la méthodologie et aux résultats, qui seront discutés à la lumière d’autres études. Nous termineront par une conclusion et des recommandations.
DEFINITION
La césarienne : le terme n’a strictement rien à voir, contrairement aux croyances populaires, avec la naissance de Jules César. Il viendrait du latin « caedere » qui signifie « couper, tailler » et semble suffisamment explicite quant à la technique d’accouchement qu’il recouvre. C’est l’extraction du fœtus après ouverture préalable de la cavité utérine par incision chirurgicale. Elle s’exécute toujours par voie abdominale sous ombilicale, exceptionnellement de nos jours par voie vaginale
Urgence : Plagiant George Orwele dans sa formulation, Norris souligne que, dans le cadre de l’obstétrique, ce terme n’est pas équivalent pour un médecin anesthésiste, un obstétricien ou un juge. Pour s’en convaincre rappelons que: 50 % des césariennes se font en urgence, les autres indications relevant d’une intervention programmée.
RAPPELS ANATOMIQUES
Deux éléments sont importants à signaler, il s’agit de l’utérus gravide et de la filière pelvienne.
L’utérus gravide
Au cours de la grossesse, l’utérus subit d’importantes modifications portant sur sa morphologie, sa structure, ses rapports et ses propriétés physiologiques. Si toutes ces modifications sont nécessaires, au bon déroulement de la grossesse ou de l’accouchement, cependant elles ont un intérêt particulier dans la césarienne: c’est la modification morphologique avec l’apparition au dernier trimestre de la grossesse du segment inférieur qui constitue avec le corps et le col les trois parties de l’utérus gravide. Sauf cas particuliers, tous les auteurs sont unanimes que l’incision de césarienne doit porter sur le segment inférieur. Son origine, ses limites, sa structure font l’objet de discussion entre les auteurs, Page 13 nous nous limiterons à rappeler ses rapports dont la méconnaissance pourrait favoriser la survenue de complications opératoires. En avant : Le péritoine vésico-utérin épaissi par l’imbibition gravidique et facilement décollable. La vessie, qui, même vide reste au dessus du pubis. Elle est décollable et peut être refoulée vers le bas. Latéralement : La gaine hypogastrique contenant les vaisseaux utérins, croisés par l’uretère. En arrière : C’est le cul-de-sac du Douglas, séparant le segment inférieur du rectum et du promontoire.
Le canal pelvi-génital Il comprend deux éléments
Le bassin; Le diaphragme musculo-aponévrotique du périnée.
MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES INDUITES PAR LA GROSSESSE
Appareil respiratoire
Les hormones sexuelles entraînent une congestion et un œdème des voies aériennes supérieures dès le premier trimestre de la grossesse et diminuent le calibre trachéal ; elles entraînent une hypervascularisation et une fragilité capillaire qui favorisent le saignement rendant, l’intubation difficile. Le volume de l’ensemble utérus placenta fœtus entraîne un déplacement du diaphragme. On assiste à une hyperventilation, une augmentation de la ventilation minute, une sensation de dyspnée. En fin de grossesse on a un risque d’hypoxie, la capacité résiduelle diminue. Page 14 III. 2. Appareil cardio-vasculaire [13] Une anémie physiologique de dilution apparaît au milieu du deuxième trimestre. Le taux d’hémoglobine chute de 14 à 12 g/dl en moyenne. On note une augmentation du débit cardiaque qui apparaît dès le premier trimestre. On a un risque de baisse du débit cardiaque à partir de la 28ème semaine d’aménorrhée en décubitus dorsal: syndrome de compression aorto-cave. Une compression aorto-iliaque entraîne une baisse du débit placentaire et provoque une souffrance fœtale. Le DLG de 20° et la surélévation de la hanche droite sont obligatoires chez la femme enceinte pour prévenir la compression aorto-cave.
Modifications rénales
La rétention hydrosodée entraîne une augmentation de l’eau totale entraînant la prise de poids au cours de la grossesse. On a une augmentation de la filtration glomérulaire et une augmentation de l’élimination urinaire de certains médicaments.
Modifications digestives
On a une incompétence du sphincter inférieur de l’œsophage, le reflux est fréquent. Au 3ème trimestre, l’utérus augmente de volume, ce qui déforme l’estomac: hori-zontalité avec augmentation de la pression intragastrique. La femme enceinte est considérée comme un sujet à estomac plein dès la 12ème SA, elle est exposée à un risque de régurgitation et/ou d’inhalation de liquide gastrique : syndrome de Medelson.
Modifications hématologiques et immunologiques
Parallèlement à l’anémie physiologique, il existe une élévation progressive de la leucocytose liée à la polynucléose neutrophile jusqu’à la 30ème semaine d’aménorrhée. Le nombre de plaquettes diminue légèrement. Il existe un état d’hypercoagulabilité au cours de la grossesse normale et des premiers jours du Page 15 post-partum [19]. Le système fibrinolytique est globalement déficitaire. La grossesse modifie l’efficacité du système immunitaire pour permettre le développement harmonieux et limité du trophoblaste tout en conservant les moyens de défense efficace contre les agressions habituelles [20]. III. 6. Modifications anatomiques (parturiente à terme) Il existe une hyperlordose au cours de la grossesse dont le maximum est en L2- L3. A terme, la réduction du volume et l’augmentation de pression dans les espaces épidural et sous arachnoïdien et l’hypersensibilité des fibres nerveuses diminuent les besoins en anesthésiques locaux de l’ordre d’un tiers lors de la réalisation de blocs rachidiens
EFFET DE L’ANESTHESIE SUR LE DEBIT UTERO-PLACENTAIRE ET LE FŒTUS
Effet de l’anesthésie sur le débit utéro-placentaire
Les anesthésiques généraux ou locaux ont peu ou pas d’effet direct sur le DUP aux doses usuelles [21]. En revanche l’hypotension qu’ils peuvent induire entraîne une réduction du DUP. Cependant, une stimulation nociceptive, si elle est à l’origine d’une stimulation adrénergique importante, entraine une vasoconstriction qui peut réduire le DUP. Une anesthésie locorégionale peut en limiter l’effet [21]. IV. 2. Anesthésie et rythme cardiaque fœtal Dans les cas de chirurgies non obstétricales, la réduction de la variabilité du RCF sous anesthésie générale est observée de manière quasi-constante et peut être prolongée après le réveil de la patiente..
INDICATIONS DE LA CESARIENNE EN URGENCE
La classification de la césarienne a été validée par les anesthésistes et les obstétriciens, qui considèrent qu’elle devient urgente, lorsque le pronostic vital de la mère et /ou du fœtus sont compromis immédiatement ou quasiment immédiatement [15]. Face à la grande disparité des indications, certains proposent une classification en fonction du degré d’urgence [16], Cependant l’unité de vue est loin d’être réalisée comme le montrent les études sur la dispersion des indications dans certaines équipes
Urgences absolues
L’urgence fœtale peut être au premier plan. L’hypoxie fœtale est la voie finale commune de différents mécanismes inducteurs (pathologie funiculaire, hypoperfusion fœto-placentaire, hypertonie utérine, hypoxie maternelle). Elle sera d’autant plus grave qu’elle survient sur une souffrance préexistante (retard de croissance in utéro, pathologie placentaire, post terme) et qu’elle ne montre aucune tendance à la rétrocession entre les contractions. L’urgence peut être aussi maternelle. C’est le cas du décollement placentaire, de la crise éclamptique ou d’une hémorragie utérine (rupture utérine, placenta prævia).
Urgences relatives
La mère n’est pas sous la menace d’une complication vitale et le fœtus est l’objet d’un risque non imminent ou récupère très bien entre deux ralentissements. Ce sont des indications liées au bassin: bassin généralement rétréci, disproportion fœto-pelvienne, bassin limite, bassin assymétrique, dystocie dynamique.
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