Techniques d’examen du vitré
Depuis l’invention de l’ophtalmoscope par Helmholz, ceux qui ont examiné l’œil ont bénéficié des progrès technologiques et du développement d’instruments d’examen toujours plus puissants. En effet, il est possible d’évaluer aujourd’hui non seulement la morphologie, mais aussi les aspects fonctionnels et physiologiques de l’œil au moyen de lasers [19]. Cependant, des différents segments de l’œil, c’est l’examen du vitré qui a le moins progressé en termes de développement de techniques d’examen cliniques précises et reproductibles, probablement parce que le vitré est « conçu » pour être invisible . Cela ressort de la multitude de descriptions de la structure vitréenne apparues depuis l’introduction de la biomicroscopie à la lampe à fente et des nombreuses interprétations différentes qui existent à ce jour. Cette controverse vient du fait que l’examen du vitré consiste essentiellement à visualiser une structure destinée à être pratiquement invisible . Le phénomène de Tyndall constitue la base de l’examen du vitré. Ce phénomène peut être défini comme la diffusion de la lumière incidente par des structures ou des particules opaques dans un milieu transparent par ailleurs. Les éléments indispensables à l’obtention d’un effet Tyndall cliniquement adéquat sont une dilatation maximale de la pupille pour le patient et l’adaptation à l’obscurité pour l’examinateur . Comme l’effet Tyndall augmente avec l’ouverture de l’angle inscrit entre l’axe d’illumination et le plan d’observation (jusqu’à 90° au maximum), il est renforcé par la dilatation de la pupille. Certains observateurs suggèrent que la lumière verte accroît encore l’effet Tyndall. Cette notion a été prise en compte pour la conception d’un biomicroscope utilisant un laser vert pour améliorer la visualisation de l’interface vitréorétinienne . Avant d’examiner les différentes parties du vitré, il est utile de considérer la forme générale de l’ensemble du vitré comme un élément de caractérisation de la pathologie vitréorétinienne. Charles a décrit une approche « orientée par les symptômes » de l’examen préopératoire du vitré, dans laquelle l’évaluation de la forme et de la mobilité de l’ensemble du vitré permet de guider le geste chirurgical. Par exemple, l’identification d’un « cône » au cours d’un décollement postérieur partiel du vitré (DPV) et la détermination de la localisation et du nombre des sommets de ce cône peuvent contribuer à l’établissement d’un diagnostic précis de la pathologie vitréorétinienne et, au choix, de l’approche chirurgicale appropriée.
Vitré antérieur
L’examen du vitré antérieur peut être effectué à la lampe à fente immédiatement après l’examen du segment antérieur et ne nécessite pas l’emploi de solutions en gel ou d’une lentille de contact ou prédéfinie, comme pour l’examen du vitré postérieur. En l’absence de cristallin ou d’implant intraoculaire, la constatation d’un prolapsus du vitré dans la chambre antérieure peut être importante en termes de contact vitréocorné en et de risque de dysfonctionnement des cellules endothéliales cornéennes .Les adhérences entre le vitré et une cicatrice de chirurgie de la cataracte ou l’iris peuvent jouer un rôle important dans la pathogenèse de l’œdème maculaire cystoïde postopératoire. Des opacités en foyers dans le vitré antérieur peuvent se voir à la lampe à fente et constituent des indices importants de l’existence possible d’une pathologie postérieure. Par exemple, des opacités particulaires dans le vitré peuvent être la toute première anomalie d’une rétinite pigmentaire et, en tant que telles, constituer une importante aide au diagnostic . Des cellules non pigmentées peuvent traduire une inflammation de la base du vitré ou une infection de la rétine. Des cellules pigmentées doivent inciter l’examinateur à rechercher une déchirure et/ou un décollement périphérique de la rétine. Lacqua et Machemer , ainsi que Scott ont montré que l’augmentation du nombre et de la taille des cellules pigmentées dans le vitré des patients présentant un décollement de rétine (en pré- ou en postopératoire) annonce le développement d’une vitréorétinopathie proliférante (VRP). Une hémorragie peut être associée à la présence d’hématies dans le vitré antérieur. Diverses tumeurs malignes, comme le rétinoblastome endophytique, le mélanome choroïdien ou le sarcome des cellules réticulaires, peuvent elles aussi entraîner la présence de cellules dans le vitré antérieur. La lampe à fente permet d’observer des structures du vitré antérieur comme la tache de Mittendorf, un vestige de l’involution des vaisseaux hyaloïdiens embryonnaires, qui doivent faire envisager à l’examinateur la possibilité d’autres troubles du développement, par exemple une hyperplasie persistante du vitré primitive dans l’œil controlatéral.
Vitré central et postérieur
Il est rarement possible d’examiner le vitré central et postérieur sans utiliser des lentilles de contact ou des lentilles sans contact. Ce dernier type d’examen du vitré postérieur au biomicroscope offre l’avantage de faciliter la technique des mouvements de « relèvement/abaissement » du regard, dans laquelle les mouvements oculaires sont utilisés pour déplacer le corps vitré . C’est essentiellement pour cela que la méthode des verres sans contact est supérieure aux systèmes utilisant des lentilles de contact pour l’examen du vitré postérieur .L’examen au biomicroscope avec verres sans contact peut être réalisé en utilisant un verre concave (par exemple : lentilles de Hruby de – 55 à – 58,6 D) ou différents verres convexes (par exemple : + 32 D, + 58,6 D ou + 60 D). Les verres concaves donnent une image verticale étroite, fortement agrandie, avec visualisation du pôle postérieur, bien qu’il soit difficile d’obtenir un angle d’observation-illumination correct. L’examen périphérique ne peut être effectué qu’en modifiant la position du point de fixation de l’œil et la qualité de l’image est altérée par les distorsions optiques. Les verres convexes ont été proposés pour la première fois en 1953 [34] et ils impliquent l’utilisation d’une lentille prédéfinie de + 55 D ou plus, avec un angle d’observation-illumination de 10° au moins. L’image obtenue est inversée et peut être photographiée (Fig. 1). La biomicroscopie avec verres sans contact, pratiquée au cours de saccades oculaires, peut être utile pour visualiser des structures telles qu’un opercule ou l’anneau prépapillaire de Weiss dans le cortex vitréen postérieur, qui peut avoir été abaissé au cours d’un DPV avec synérèse (affaissement) du vitré. En fait, il est désormais courant d’utiliser un verre biconcave, de + 78 D ou + 90 D, tenu à la main qui, à l’examen à la lampe à fente, génère une image inversée stéréoscopique de grande qualité et qui permet également de se servir de la technique de l’élévation/abaissement du regard.
Vitré périphérique
La principale difficulté de l’examen du vitré périphérique vient de la perte de vision stéréoscopique [32]. Quand on examine la périphérie, la pupille circulaire devient une ouverture elliptique et il est, de ce fait, difficile d’obtenir une image correcte avec les deux yeux de l’observateur. Le problème est plus important dans le plan horizontal que dans le plan vertical car les deux yeux de l’observateur se trouvent dans un plan horizontal. Schepens [32] a proposé de diminuer l’angle d’observation-illumination, de faire pivoter le faisceau lumineux vers l’axe du plan examiné, de positionner les deux bras du biomicroscope en face du méridien observé et de réduire la distance interpupillaire des oculaires de la lampe à fente pour diminuer la perte de vision stéréoscopique. Une lentille de contact est souvent nécessaire pour avoir une vision correcte de la périphérie. Le verre à trois miroirs de Goldmann a connu une grande popularité en tant qu’outil d’examen de la périphérie du vitré et de la rétine [33]. Jaffe [27] a décrit une stratégie d’examen du vitré avec une lentille de contact, en commençant par la région centrale, puis en établissant la présence ou l’absence de tout DPV et en déterminant l’importance du décollement en suivant le cortex vitréen postérieur en périphérie. Il a recommandé d’utiliser un faisceau élargi de la lampe à fente et de « secouer » la manette de commande pour améliorer la visualisation du cortex postérieur. Schepens [32] a qualifié cette manœuvre de « technique des oscillations », dans laquelle la position du faisceau de la lampe à fente est déplacée d’un côté à l’autre (pour une fente verticale) et de haut en bas (pour une fente horizontale). Les deux positions du faisceau sont modifiées pour faire alterner l’illumination directe et la rétro-illumination de la structure ou du point présentant de l’intérêt. La rétro-illumination est particulièrement utile pour l’identification d’opacités particulaires ou cellulaires présentes dans le vitré postérieur. Schepens [32] décrit également l’utilisation d’un support oblique de lampe à fente pour améliorer la visualisation du vitré périphérique. Eisner [16] a imaginé un dispositif conique adaptable sur un verre à trois miroirs de Goldmann qui permet une indentation de la sclère périphérique au cours de l’examen au biomicroscope avec une lentille de contact. Cette manœuvre facilite la visualisation de la rétine périphérique, de l’ora serrata et de la zone postérieure du corps ciliaire. Le développement de lentilles de contact donnant une image inversée avec des champs de différentes tailles a considérablement amélioré l’examen du fond de l’œil et du vitré et ces lentilles sont désormais utilisées en routine pour la photocoagulation au laser du fond de l’œil. La Mainster Retina Laser Lens est une lentille asphérique convexe de + 61 D qui génère une vraie image inversée de 45° environ de la partie postérieure du fond d’œil avec une excellente vision stéréoscopique. La lentille « panfundoscopique » est une lentille sphérique convexe de + 85 D qui génère une image moins agrandie et moins nette, mais avec un plus grand angle de vue, et qui peut être utile pour l’examen périphérique jusqu’à 60° ou 70° avec une inclinaison de 15°.