ANALYSES CORPORELLES
Pendant notre enquête, nous avons filmé certains participants. Nous n’avons pu pour des limitations de mémoire tout filmer en continu. Les sujets de l’expérience filmés ont été choisis au hasard, en fonction du temps disponible pour démarrer l’enregistrement. Ces vidéos ont été tournées dans un but d’observation. Elles ne sont donc pas disponibles en ligne. C’est un contrat moral passé avec les sujets de l’enquête. Nous savions par expérience que de nombreux individus transforment leur comportement ou éprouvent de la gêne devant un objectif. Aussi, nous tenions à ce que les participants et participantes à l’enquête se comportent de la façon la plus naturelle possible. Lors de leur accueil sur le lieu de l’enquête, les personnes venant faire les expériences en réalité virtuelle et remplir le formulaire étaient assurées qu’aucunes données personnelles ne seraient enregistrées ou Timide, Curieux, Marcheur, Sensible, Flâneur. Ce ne sont pas les noms d’une nouvelle bande de nains dans une hypothétique suite de Blanche Neige par Disney. Des captations vidéo, et de l’observation pendant la durée de l’enquête, nous pouvons tirer cinq types de comportement précédemment nommés, timide, curieux, marcheur, flâneur, et sensible. Si les résultats croisés du questionnaire nous ont permis d’avoir des pistes de réflexion sur l’animation de R.HEX, l’étude des comportements nous permettra quant à elle de revenir sur les expériences en réalité virtuelle du point de vue de la pratique de cette technologie, mais aussi sur la conception des environnements et d’un tel procédé.
Timide
Le comportement timide dans le cas de cette enquête, est celui d’individus qui une fois équipés du casque de réalité virtuelle n’osent pas bouger. Ils piétinent sur place, regardent par-dessus leurs épaules, attendent. On ne peut pas dire que ce soit de la passivité ou de l’ennui. L’expérience est vraiment courte, et les environnements suffisamment riches même pour les moins curieux, pour occuper le regard avant que le robot ne se mette en route. Nous avons observé ce comportement chez les personnes qui découvraient la réalité virtuelle pour la première fois, et peu tournées vers les nouvelles technologies. Pour vous chers lecteurs, qui lisez ces lignes et n’avez jamais porté de casque de réalité virtuelle, la première fois est assez perturbante. Le casque nous offre une vision stéréoscopique, il envoie une image à chaque œil. De ce fait nous percevons la sensation d’espace et de volume. Les mouvements que nous faisons avec notre tête sont retranscrits à l’intérieur du casque grâce à une technologie de gyroscopes intégrés aux casques ainsi qu’aux capteurs de positions. Ces mêmes capteurs qui permettent de nous positionner dans l’espace, de suivre nos déplacements et de les reproduire dans l’expérience. On ne peut se déplacer, que dans la limite de câble disponible pour l’instant (des technologies sans fil se profilent à l’horizon tout comme des programmes permettant de réorienter l’utilisateur pour qu’il tourne en rond dans quelques mètres carrés tout en lui faisant croire qu’il parcours des kilomètres même en lignes droites.
en revanche, il est possible de se lever, sauter, regarder derrière soit, tourner autour d’un objet, l’observer par-dessus, par-dessous. Pour les expériences bien optimisées, nous pouvons atteindre jusqu’à cent vingt images par secondes. Nous sommes loin des vingt-quatre images par secondes que l’on trouve depuis le début du parlant au cinéma. Cent vingt images par secondes, c’est bien plus qu’il n’en faut pour tromper notre persistance rétinienne et ainsi avoir des mouvements extrêmement fluides. Bien sûr tout n’est pas parfait. Si vous avez un œil de faucon, vous remarquerez alors la grille de pixels qui nous apparait à cause de la trop grande proximité des écrans devant chaque œil. De même, si vous tournez les yeux sans tourner la tête, vous verrez probablement que le champ de vision n’est pas aussi étendu qu’avec votre vision réelle. Il faut voir cette technologie comme un calque opaque que l’on rajoute devant vos yeux. Sur ce calque, un « autre monde » dans lequel nos gestes et nos mouvements sont les mêmes. Quand on entre dans une expérience en réalité virtuelle, souvent, le premier réflexe est de regarder tout autour de soi. Le deuxième réflexe, c’est de regarder ses mains, et nous trouvons là le premier décalage qui peut mettre mal à l’aise. Dans certains cas, comme dans l’environnement d’accueil, le premier environnement dans lequel on se trouve avant de lancer une application où un jeu, nous voyons les manettes flotter dans les airs. Elles sont bien positionnées dans l’espace, quand nos mains bougent, le mouvement suit, c’est la réplique exacte de ce que nous sentons dans nos mains. Pourtant, nous ne voyons pas nos mains… C’est très perturbant, on ne s’y attend pas les premières fois où nos yeux voient cette autre réalité. Dans l’environnement de départ du casque Oculus Rift, nous voyons également les manettes, comme dans le casque concurrent, mais la différence c’est que nous voyons des silhouettes de mains en semi transparence. Des capteurs, sur la manette et ses boutons, positionnent plus ou moins bien les doigts de nos mains virtuelles au bon endroit. C’est un léger mieux, mais ce n’est pas tout à fait ça.
Enfin il existe une technologie, le Leap Motion, qui permet à un modèle 3D de main de reproduire les mouvements exacts des doigts et du poignet. C’est encore un petit peu mieux, mais comme nous l’avons dit, il s’agit de modèles 3D, ce ne sont pas nos mains… En amont de notre étude nous avons fait des tests avec des combinaisons de motion capture de la technologie Perception Neuron. Ces combinaisons permettent de capter les mouvements du corps et de le transposer sur un personnage de synthèse. En associant le casque et la motion capture, nous aurions pu avoir une expérience avec le corps complet et pas seulement les mains. Nous avons toutefois rencontré un problème technique propre à la technologie de la combinaison. Cette dernière fonctionne sans capteurs de position dans l’espace, ce qui engendre des décalages de positions. La personne avec la combinaison peut passer deux fois au même endroit, mais la deuxième fois le logiciel l’aura décalée de quelques centimètres, ou plus. Ce qui aurait entrainé chez les participants un décalage au niveau du corps, après un certain temps, le corps n’aurais plus été au bon endroit. Si l’idée de simuler un voyage astral est attrayante, ce n’est pas le sujet de notre enquête. Enfin, les dispositifs demandent un peu de temps pour enfiler la combinaison et faire la calibration. Ce qui aurait multiplié le temps de l’expérience par trois ou quatre.