En première lecture, l’acronyme MOOC – pour Massive Open Online Course – peut sembler explicite. Formellement, il rend compte des propriétés indispensables dont un dispositif de formation doit se prévaloir pour pouvoir revendiquer cette appellation.
Le sigle MOOC revient d’abord sur les modalités d’accès aux vidéos mises à la disposition des Internautes. Les cours proposés doivent en effet pouvoir être suivis par une large audience (Massive). Les vidéos doivent également être visibles par tous, sans aucune discrimination sur la provenance des apprenants (Open). Le contenu pédagogique délivré doit enfin être digitalisé et accessible en ligne (Online).
Cette apparente clarté sur les propriétés d’un MOOC ne conduit pourtant pas à une
homogénéité des formats observés. Plusieurs variables viennent en effet impacter la forme d’un MOOC. Par exemple, l’ancrage disciplinaire ou les notions discutées dans les vidéos impactent très directement leur durée ou plus largement leur design. Certains contenus véhiculés prennent la forme de vidéos animées, sans incarnation physique du propos tenu, simplement avec une voix off par-dessus une série d’images bien choisies. D’autres vidéos sont au contraire présentées par des enseignants en position statique devant une caméra. Le propos apparaît alors plus magistral. Les objectifs stratégiques ayant présidé à la conception d’un MOOC influence également les modalités d’évaluation des apprenants et l’expérience utilisateur proposée aux Internautes. Certains MOOCs adoptent en effet des évaluations par QCM quand d’autres préfèrent les corrections entre pairs.
En raison du caractère protéiforme des MOOCs, il convient de commencer ce travail de thèse par une clarification de la terminologie communément retenue pour qualifier les différentes réalités couvertes par les MOOCs.
L’abréviation MOOC peut être envisagée comme une appellation générique, donnant lieu à plusieurs déclinaisons :
Un COOC – pour Corporate, Online Open Course – est une forme de MOOC particulier en ce qu’il est conçu par une entreprise et est indifféremment destiné aux employés, aux prospects, aux clients ou aux fournisseurs de cette entreprise. Un SPOC – pour Small Private Online Course- qualifie une formation en ligne à destination d’un nombre restreint d’apprenants. Le nombre de participant est ainsi délibérément limité. A ce titre, il s’agit d’une formation privée, souvent conçue pour répondre à un besoin de formation spécifique d’une organisation. Un SOOC – pour Small Online Open Course – offre des formations en ligne ouvertes au grand public. Pour autant, son contenu étant très spécialisé, il restreint par construction le nombre potentiel de personnes intéressées. Par-delà leurs déclinaisons et toutes les caractéristiques originales auxquelles ils peuvent donner lieu, la grande majorité des MOOCs montre un certain nombre d’attributs communs :
– Un contenu pédagogique de formation sous forme de vidéos organisées en sessions
– Une communauté d’apprenants animée sur un forum par un ou plusieurs animateurs
– Un système d’évaluation, par exemple sous forme de quiz, ou de correction par les pairs
– Une attestation ou bien une certification
Dans cette première partie de la thèse, notons que nous retiendrons l’acception la plus large possible du terme MOOC, sans considération pour ses éventuelles déclinaisons. La littérature adossant généralement la notion d’innovation pédagogique aux MOOCs, il devient intéressant de discuter de la dimension innovante de ce nouveau produit en ligne.
Les MOOCs peuvent être considérés comme des dispositifs vecteurs d’une forme innovante d’éducation à distance. Ils permettent un renouveau des approches pédagogiques en ligne en favorisant un réel engagement personnel de l’apprenant (Weissmann, 2012). Les interactions et les échanges entre les pairs médiatisés par le MOOC sont perçus comme favorisant de nouvelles formes d’apprentissage plus collaboratives. Cette forme de collaboration trouve son fondement dans la « Learning Theory » du « connectivisme » proposée par George Siemens et Stephen Downes (2005).
Cette théorie définit les connaissances comme un « état de réseau composé de nœuds » et l’apprentissage « comme un processus de génération de ces réseaux ». Les mutations de ce réseau de connaissances résultent des interactions et des échanges entre les apprenants notamment par le biais des attributs fonctionnels du MOOC.
Pour McAuley, George Siemens et Al (2010), les MOOCs fondent en substance un dispositif facilitant le partage de connaissances entre les pairs. L’usage des fonctionnalités asynchrones (forum de discussions) ou synchrones (tchat) favorisent la collaboration par la maximisation d’échanges virtuels permettant aux apprenants d’enrichir leurs apprentissages par la création de réseaux de connaissance. En facilitant les interactions, les MOOCs permettent aux apprenants de co-construire le contenu des enseignements délivrés. En somme, pour ces auteurs, l’innovation pédagogique d’un MOOC résulte du principe selon lequel tout apprenant dispose également d’un potentiel d’enseignement, ce qui permet à tout un chacun de délivrer des connaissances et de participer à la création et à l’expansion de l’apprentissage. Les interactions et les échanges entre les apprenants forment un processus d’apprentissage fondé sur la capacité de ces derniers à construire collectivement des connaissances sur la base de la mise en connexion de plusieurs fragments d’informations. Ces fragments d’information forment des ressources complémentaires qui se matérialisent sous la forme d’un point de vue écrit, d’une vidéo, d’un lien, d’un extrait de blog, ou d’articles (Duplàa et Talaat, 2011).
Dans cette perspective, le MOOC, par sa dimension « connectiviste », dessine une nouvelle approche pédagogique en optimisant la valeur des réseaux de connexion par l’incitation au partage de fragments d’informations. Le MOOC favorise donc un processus d’apprentissage collaboratif et participatif en encourageant les interactions et le partage de ressources entre les apprenants (Siemens, 2013). Ainsi, l’innovation pédagogique des MOOCs se caractérise principalement par sa capacité à favoriser le développement d’une intelligence collective (Bourdaa et Allard, 2015).
Pour les auteurs Glance, Forsey et Riley (2013), l’innovation pédagogique résulte également du format techno-pédagogique du dispositif. Le MOOC permet par son interface, la mise en œuvre d’approches et de méthodes pédagogiques plus ludiques. Notamment en s’appuyant sur la diversité et l’imbrication des fonctionnalités techniques utilisées (média, forum, quiz, etc.) .
L’hybridation de ces diverses fonctionnalités permet aux MOOCs d’être perçus comme les catalyseurs d’un nouveau déploiement technologique (Engel, 2014) propre à un renouveau pédagogique. L’innovation pédagogique est alors décrite comme un moyen d’adapter des dispositifs techniques existants d’une manière nouvelle (Albero, 2010).
Pour Ferreira (2015), les principes guidant l’intention et l’action de l’utilisateur à vouloir apprendre se fondent prioritairement sur les technologies pédagogiques interactives fournies par l’artefact. Le contenu déployé sous forme de vidéos et les fonctionnalités pédagogiques interactives (par exemple, les tchats) favorisent l’implication des apprenants. La scénarisation, la flexibilisé pédagogique virtuelle (organisation des vidéos, textes, sons, graphiques, images, ressources etc.) et la latitude d’apprentissage permise par la technique (choisir le support, le lieu, quand et comment se former) participent d’une expérience d’apprentissage innovante que les apprenants apprécient et s’approprient (Armel Attenoukon, 2017). Ainsi, la modalité techno-pédagogique du MOOC stimule l’action de formation conduisant à une amélioration de l’efficacité de l’apprentissage.
Les auteurs Guedes da Silva et al, (2004) fondent également l’innovation pédagogique sur l’aspect techno-pédagogique du MOOC. En revanche, ils pointent le format vidéo comme l’élément principal apportant un bénéfice tangible à l’apprentissage en ligne. Les vidéos offrent une syntaxe, une scénographie et un contexte d’apprentissage propice à l’immersion de l’apprenant. L’ensemble de la mise en scène audiovisuelle (posture de l’enseignant, l’angle de prise de vues etc.), le lieu de tournage (extérieur, studio, etc.) ainsi que la nature de la vidéo (images d’archives, banques d’images, images de synthèse, etc.) représentent autant de variables ajustables et susceptibles d’améliorer l’expérience d’apprentissage. Les vidéos peuvent ainsi constituer un important déclencheur d’activité cognitive (Peraya, 2017). Elles sont une ressource pédagogique et le média central engageant concomitamment l’activité sensorielle et intellectuelle de l’apprenant pour lui permettre d’appréhender et de comprendre le sens du message diffusé.
Pour une importante partie de la littérature l’innovation pédagogique se caractérise également par l’émergence d’un nouveau paradigme de formation. Le fort engouement pour ce nouveau modèle d’apprentissage en ligne, tant dans la sphère éducative que professionnelle, reflète une évolution de la relation à la formation du grand public (Julien et Gosselin, 2016). Les expériences et les habitudes de formation sont en pleine mutation à travers un mouvement d’autoformation en expansion et de nature à encourager un changement de paradigme pédagogique (Aguaded-Gómez et Ignacio, 2013). Les formations MOOCs occupent une place grandissante dans le paysage de la formation initiale et continue et participent à l’évolution des habitudes de formation. Actuellement plus de 1700 MOOC ont été distribués depuis 2012 dans dix-huit pays européens notamment en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Au niveau mondial, plus de cinq-cents universités ont distribué plus de 4200 MOOC, rejoignant 35 millions d’apprenants (Vrillon, 2017). Ainsi, l’essor des MOOCs participe d’une injonction à l’innovation en matière de méthodes pédagogiques au sein des universités et des entreprises (Kim, 2014).
Il nous semble utile de présenter dans un premier temps la théorie de Clayton Christensen (1997) sur les « disruptive innovations ». Une grande partie des articles sur les MOOCs mobilise cette théorie pour définir et classer le MOOC parmi les innovations de rupture (Wenji, 2014).
Selon Clayton Christensen (1997, 2013, 2015), le terme « innovation de rupture » ou « disruptive innovation » dénote un type d’innovation caractérisant un produit ou un service nouveau susceptible de bouleverser un marché. Ce type d’innovation définit un produit ou un service offrant un niveau de performance technique souvent inférieur aux produits ou aux services équivalents sur le marché. Cette innovation fonde avant tout une proposition de valeur d’un nouveau genre fortement disruptive. Ainsi, les attributs technologiques du produit communément considérés comme indispensables pour pénétrer un marché visé sont sacrifiés. L’innovation de rupture propose à contrario sur une tarification inférieure aux produits concurrents, ce qui lui permet de développer sa désirabilité auprès consommateurs. L’innovation de rupture modifie alors massivement les préférences d’usage des « low-end customers » et aboutit à la création d’un nouveau marché (Christensen, Raynor et Al, 2015).
I. INTRODUCTION GENERALE |