Analyse ponctuelle de l’eau par spectrométrie infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR)
Analyse globale de l’eau dans les verres de départ par titration Karl Fischer (KFT)
La titration Karl Fischer (KFT) est une technique d’analyse globale de l’eau dans des échantillons tels que les verres silicatés, pour des teneurs en eau variables allant de 0,1 %pds (Westrich, 1987) à plus de 5 %pds d’eau (Turek et al., 1976). La KFT a été utilisée dans ce travail afin de mesurer la teneur en eau dans les verres de départ juste après hydratation. Les analyses ont été réalisées à l’ISTO sur un appareillage de type Coulomètre KF DL37 (Mettler), en collaboration avec Stéphane Poussineau. A.1. Principe L’échantillon à analyser est chauffé jusqu’à 1300°C ; l’eau extraite est transportée jusqu’à la cellule de titration par l’intermédiaire d’une ligne d’extraction et sous un flux d’Ar. Le dosage de l’eau dans la cellule de titration se fait par coulométrie ; il est basé sur la réaction quantitative de l’eau avec l’iode : La quantité de courant nécessaire à l’oxydation de toute l’eau qui arrive dans la cellule de titration est donc mesurée, et la quantité d’eau dépend alors directement de la masse d’échantillon introduite. Un schéma du dispositif est présenté dans la Figure III.1. La KFT est une méthode absolue destructive mais qui a l’avantage de ne pas nécessiter de grosses quantités d’échantillons, classiquement ~ 10 mg de verre pour des teneurs de 6 %pds d’eau. La précision analytique est de l’ordre de 0,1 %pds. Aucune calibration avant analyse n’est nécessaire. Cependant, afin de vérifier la stabilité de l’appareil, un verre standard de concentration en eau parfaitement connue (pyrophyllite dopée à 5 %pds d’eau) est analysé avant chaque série de mesures.
Procédure
Une petite masse d’échantillon (m < 10 mg pour une teneur de 6 %pds d’eau) préalablement pesée, est déposée dans un creuset en Pt et grossièrement broyé. Le creuset est placé dans un four à induction, où l’échantillon est chauffé progressivement jusqu’à 1300°C pour en extraire l’eau. Chaque échantillon est préalablement placé en étuve afin de limiter toute contamination due à de l’eau adsorbée sur l’échantillon. Chaque analyse d’échantillon dure vingt minutes. Au cours d’une première analyse, la ligne d’extraction est nettoyée afin d’éliminer toute trace d’eau qui pourrait être initialement présente dans la ligne. L’analyse réelle de l’échantillon dure ensuite dix minutes. Pour plus de détails sur l’analyse de l’eau par KFT et sur cette installation, le lecteur pourra se reporter aux travaux de Poussineau (2005). Lors de l’analyse de nos échantillons, riches en eau (~ 7 %pds), des fragments vitreux ont parfois été éjectés hors du creuset en Pt lorsque la température atteint 300°C. La masse d’échantillon perdue n’est pas quantifiable, rendant incertaine la masse totale d’échantillon analysée et donc la mesure de la teneur en eau. C’est pourquoi peu de mesures ont été réalisées avec cette technique ; nous avons préféré utiliser la spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR).
Analyse ponctuelle de l’eau par spectrométrie infrarouge à Transformée de Fourier (FTIR)
La spectrométrie infrarouge à Transformée de Fourier est une méthode qui permet de déterminer de manière quantitative la concentration en eau dans des échantillons qu’ils soient solides, liquides ou gazeux. Elle a été appliquée aux échantillons de type verres silicatés volcaniques et analogues notamment par Stolper (1982) et Newman et al. (1986). Cette méthode d’analyse de l’eau a été utilisée au cours de ce travail afin de caractériser la teneur en eau dans les verres de départ (concentrations initiales) ainsi que dans des verres décomprimés (concentrations finales). Pour ces analyses, les échantillons sont polis sur leurs deux faces. Dans ce travail, les analyses par FTIR ont été réalisées au LPS, sur un spectromètre infrarouge Nicolet Magna 550 FT-IR équipé d’un microscope Spectra-Tech IR-Plan. Ce spectromètre est composé d’une source Ever-Glo, d’une séparatrice KBr et d’un détecteur MCT-A. Les analyses ont été effectuées pour une gamme spectrale allant de 8000 à 1000 cm-1 et pour un spot d’environ 70×70 µm². Certaines analyses ont été effectuées sur le même type d’appareil au laboratoire de physico-chimie des fluides géologiques (Institut de Physique du Globe, Paris), en collaboration avec Cyril Aubaud.
Principe
Le principe physique de la spectroscopie infrarouge est basé sur l’émission d’un rayonnement infrarouge par une source, rayonnement qui après séparation puis recombinaison (par un jeu de miroirs et la séparatrice KBr), est émis vers l’échantillon. Ce rayonnement provoque des mouvements de rotation et de vibration des liaisons moléculaires de l’échantillon, dont la fréquence est spécifique de l’espèce excitée. L’intensité de chaque pic d’absorbance est fonction de la teneur de l’espèce dosée dans l’échantillon. On définit l’absorbance A : eK I I A log t 0 = = Equation III.1 Avec I0 l’intensité initiale du faisceau, It l’intensité transmise après passage à travers l’échantillon, e l’épaisseur de l’échantillon, K le coefficient d’absorptivité. III – Techniques de caractérisation des échantillons expérimentaux -111- La loi de Beer-Lambert permet, dans le cas d’échantillons très dilués, de calculer la teneur de l’espèce dans l’échantillon en fonction de différents paramètres : A l’absorbance (la hauteur du pic), ε le coefficient molaire d’extinction de l’échantillon (l.cm-1.mol-1), ρ la masse volumique de l’échantillon (g.l-1), C la concentration en % pds, e l’épaisseur d’échantillon traversée (cm), M la masse molaire de l’espèce dosée (g.mol-1). x 100 ερe AM C 100M ερCe A = ⇒ = Equation
Procédure
Pour analyser la teneur en eau dans un échantillon préalablement poli sur ses deux faces, on utilise la valeur de l’absorbance du pic majoritaire de l’eau totale, situé à 3550 cm-1 (Figure III.2.a). Cependant, lorsque l’échantillon à analyser est très riche en eau, ce pic d’absorbance est rapidement sursaturé (absorbance supérieure à 1), on ne peut plus utiliser la loi de Beer-Lambert pour le calcul de la teneur en eau, qui n’est valable que pour les échantillons dilués. Dans ce cas là, il est nécessaire d’amincir l’échantillon le plus possible. Dans le cas de nos échantillons, hydratés à 7 %pds, nous ne pouvons pas réduire trop l’épaisseur de l’échantillon, puisque ceux-ci doivent être ensuite utilisés comme échantillons de départ pour les expériences de décompression dans l’ACIT. Nous avons donc déterminé la teneur en eau en intégrant les pics d’absorbance secondaires de l’eau : le pic de l’eau moléculaire, situé à un nombre d’onde de 5230 cm-1 et le pic des groupements hydroxyles OH à 4500 cm-1 (Figure III.2.b).D’après Newman et al. (1986) et en utilisant la loi de Beer Lambert, on peut alors calculer la teneur en eau totale du verre double-poli en additionnant les teneurs en eau calculées pour chacun de ces deux pics. Pour chacun des pics d’absorbance il existe un coefficient molaire d’extinction, spécifique de la fréquence du pic d’absorbance mais également de la composition chimique de l’échantillon. Différentes études ont été menées pour définir ces coefficients molaires d’extinction en fonction de la composition chimique de l’échantillon. Par exemple, pour les coefficients d’extinction à 4520 et 5230 cm-1, Dixon et al. (1995) ont établit ces coefficients pour une composition basaltique ; Behrens (1995) a établit ces coefficients pour une composition albitique. Nous avons utilisé ici les coefficients d’extinction molaire de Nowak & Behrens (1997) pour les pics à 4520 et 5230 cm-1, définis pour des verres de composition haplogranitique. Soit : ε4520 = 1,56 l.cm-1.mol-1 ε5230 = 1,79 l.cm-1.mol-1 . Pour le coefficient molaire d’extinction à 3550 cm-1, nous avons utilisé la valeur de Newman et al. (1986) pour une composition rhyolitique, voisine d’une composition haplogranitique. Soit ε3550 = 75 l.cm-1.mol-1 . Quelques échantillons ont été analysés après décompression, donc avec une teneur en eau largement inférieure à 7 %pds. Dans ce cas là, nous avons calculé la teneur en eau totale grâce au pic majoritaire à 3550 cm-1, et par les pics secondaires à 4520 cm-1 et 5320 cm-1. Les teneurs en eau calculées sont alors toujours concordantes. La mesure de l’épaisseur de chaque rondelle de verre est effectuée à l’aide d’un comparateur d’épaisseur. La densité dépend de la teneur en eau de l’échantillon. En faisant l’hypothèse que les échantillons sont hydratés aux teneurs voulues, on calcule la densité des verres en fonction de leur teneur en eau suivant Richet et al. (2000), elle est de 1942 g.l-1 pour nos échantillons.