Analyse piézométrique et modélisation des signaux
hydrologiques et gravimétriques dans les aquifères du socle en région soudano-sahélienne
Les cartes piézométriques
Deux cartes piézométriques (Figure 3.18) ont été établies avec les données piézométriques de l’année hydrologique 2013 – 2014. Elles correspondant aux niveaux d’octobre et d’avril (haut niveau et bas niveau annuels). Ces deux cartes doivent être considérées avec précaution à cause de la répartition non homogène des points de mesure, et en particulier l’absence de couverture la zone centrale de la figure, entre les piézomètres et forages du CIEH et les puits de la zone de maraichage. Ces deux figures montrent une recharge métrique au niveau du quartier de Zogona comme de la zone de maraichage du barrage n°3. Néanmoins leur caractéristique commune est constituée par le creux piézométrique au niveau du CIEH, visible à la fois sur le piézomètre et dans une moindre mesure sur le forage. Comme l’ensemble de la zone est subhorizontale, il parait difficile que ce creux soit dû à une erreur sur le MNT. Le piézomètre du CIEH est donc à la fois situé sur un creux piézométrique et présente une amplitude annuelle faible. Ce creux peut s’expliquer par un déficit du flux de recharge de la nappe autour du piézomètre. 73 74 Figure 3.18 : Cartes piézométriques de la zone d’étude à Ouagadougou: (a)Octobre 2013; (b) Avril 2014.
Corrélation des données pluviométriques et piézométriques
Des analyses de corrélation ont été réalisées entre le piézomètre du CIEH et la pluie. La corrélation entre l’amplitude annuelle du signal piézométrique et la pluie est élevée (0.62) mais celle entre la pluie et le niveau moyen du piézomètre du CIEH est faible (-0.2). Le tableau 3.1 présente précisément les corrélations entre l’amplitude annuelle et la pluie. La corrélation décroit significativement après les années 90. La construction du bâtiment des Sciences Humaines de l’Université, à 15 m du piézomètre, ou bien l’étanchéification (bétonnage) du canal de l’Université, à 100 m peuvent être partiellement responsables de cet effet, de même que la fin de la sécheresse. Tableau 3.1 Corrélation entre les précipitations et l’amplitude du piézomètre du CIEH Evénement Période Coefficient de corrélation Avant le bétonnage du canal Après le bétonnage du canal 1978-2004 0,72 2005-2013 0,63 Pendant la sécheresse Après la sécheresse 1978-1994 0,72 1995-2013 0,60 Avant la construction du Bat. SH Après la construction du Bat. SH 1978-1999 0,75 2000-2013 0,62 76 Figure 3.19: Autocorrélation des précipitations. Figure 3.20 : Autocorrélation du niveau moyen du piézomètre du CIEH. En vue d’identifier une réponse différée de la piézométrie à la pluie, les corrélogrammes simples et croisés de ces deux variables ont été calculés. Le corrélogramme de la pluie (Figure 3.19) ne montre pas de corrélation stable avec les valeurs des années passées. Cependant, celui de la piézométrie (Figure.3.20) montre une anti-corrélation significative 77 avec les valeurs entre – 4 ans et -10 ans. Le fait qu’une anti-corrélation similaire existe avec les valeurs entre +5 ans et +10 ans montre que la corrélation résulte plutôt d’une composante quasi périodique dans le signal. En effet, une périodicité autour de 7 ans est bien visible sur la figure. 2.21. En conséquence, la forme du corrélogramme croisé de la figure 3.21 ne doit pas être interprétée comme indiquant une relation à long terme entre pluie et piézométrie, mais comme une conséquence de la composante périodique autour de 15 ans dans le signal piézométrique. Le corrélogramme croisé montre des oscillations qui reflètent le niveau moyen du CIEH présenté ci-dessus. Par conséquent, la relation entre pluie et niveau piézométrique est analysée dans la suite de cette étude au travers d’une modélisation. Figure 3.21 : Corrélogramme croisé entre précipitation et niveau moyen du piézomètre du CIEH.
Corrélation température – précipitation – niveau piézométrique du CIEH
Le tableau ci-dessous représente la matrice de corrélation entre la température, les précipitations et le niveau statique au piézomètre du CIEH. Il ressort de cette matrice qu’une faible corrélation positive existe entre la température et les précipitations pendant les mois les plus chauds et que celle-est faible et négative pour les mois les plus humides. Tableau 3.2 : Matrice de corrélation entre température, précipitations et niveau statique du piézomètre du CIEH Précipitation . Cette faible corrélation entre les précipitations et la température peut surprendre mais est conforme aux observations de Trenberth, et al. 2005 à l’échelle mondiale. 4 Conclusion Les précipitations à Ouagadougou varient d’une année à l’autre et montrent une tendance à la hausse de 1978 à 2013 avec un coefficient de détermination R2 = 9,3%. Les mois de juillet et août restent les plus pluvieux avec une tendance à la hausse. Les modèles saisonnier et réel des précipitations montrent un bon ajustement avec un résidu de 17% de variance non expliquée. Le corrélogramme de la pluie ne montre pas de corrélation stable avec les valeurs des années passées. Cependant, celui de la piézométrie montre une anti-corrélation significative avec les valeurs entre – 4 ans et -10 ans. Cette anti-corrélation résulte d’une composante quasi périodique dans le signal. La forme du corrélogramme croisé entre pluie et piézométrie n’indique pas une relation à long terme et donc la relation entre pluie et niveau piézométrique est analysée dans la suite de cette étude au travers d’une modélisation. Une très faible corrélation est obtenue entre les précipitations et la température. L’eau souterraine est présente à de faibles profondeurs à Ouagadougou, surtout en fin de saison des pluies. Elle fournit une ressource facilement accessible, mais cependant sujette à la pollution. Celle-ci est largement utilisée à Ouagadougou y compris dans certains cas pour l’eau de boisson. Dans la zone de Zogona, qui est un quartier traditionnel ancien, nous en avons trouvé deux exemples. L’établissement d’un mini réseau piézométrique en ville et son suivi sur une année hydrologique permettent de tirer des conclusions sur la ressource en eau. 79 Chapitre 4 : Modélisation pluie-niveau piézométrique à Ouagadougou. 80 1 Introduction Le changement climatique et ses conséquences sur les ressources en eau souterraines constituent une préoccupation majeure. Afin de mieux appréhender cette problématique, nous avons fait appel à la modélisation à partir des différentes chroniques de mesures climatiques et piézométriques disponibles. Nous nous proposons ici de préciser les propriétés des aquifères de socle dans la ville de Ouagadougou. Le piézomètre dit du CIEH, situé en plein cœur de la ville sur le site de l’Université est suivi depuis le début des années 80. Nous avons établi un mini réseau piézométrique autour de celui-ci. La modélisation comparée de la piézométrie de ce réseau sur une année hydrologique en complément de celle effectuée sur une durée pluridécennale au piézomètre du CIEH est ici utilisée pour préciser la variabilité du comportement de l’aquifère sur une échelle de quelques kilomètres carrés. 2 Les données disponibles 2. 1 Données piézométriques Nous avons effectué un suivi piézométrique autour de l’université de Ouagadougou sur 29 puits et 3 forages pendant l’année hydrologique 2013-2014. Tous ces puits sont repartis sur trois sites dont deux sont dans le milieu urbain (université de Ouagadougou et le quartier Zogona) et le troisième site regroupe les zones de maraichage et le parc Bangr Weogo. Nous disposons aussi d’une chronique piézométrique longue, observée au piézomètre de l’Ex Comité Inter Africain d’Études Hydrauliques (CIEH) et pour laquelle la série de mesures commence en mars 1978.
Données pluviométriques
Nous disposons des données pluviométriques journalières de l’aéroport de Ouagadougou entre 1953 à 2010. Elles sont complétées entre 2011 à 2014 par celles de l’IRD situé à 1 km au nord de l’aéroport.
Evapotranspiration potentielle
L’évapotranspiration potentielle (ETP) a été calculée par la méthode de Pennman dans la station synoptique de l’aéroport de Ouagadougou à un pas de temps journalier. L’ETP 81 moyenne annuelle (1978-1990) est de 2017,7mm. Les données nécessaires au calcul n’étant pas disponibles pour notre période d’étude, nous avons donc estimé cette ETP valait 2000 mm/an pour notre modèle.
Le coefficient d’emmagasinement
Ce coefficient d’emmagasinement représente la porosité des aquifères libres des altérites. Il a été estimé et calculé par des différents auteurs travaillant sur le socle granitique. Dans notre modèle nous avons choisi un coefficient d’emmagasinement moyen de 6% pour les altérites.
La modélisation
L’objectif du modèle est d’analyser la relation entre les observations climatiques et les niveaux piézométriques afin d’évaluer la recharge naturelle de la nappe par les pluies à Ouagadougou
Principe du modèle
Les modèles hydrologiques pluie-niveau sont utilisés classiquement dans un bassin versant pour estimer la recharge naturelle d’un aquifère par les pluies. De nombreux modèles ont été publiés, par exemple les modèles distribués comme MHYDAS (Moussa et al. 2010), HYDROTEL (Fortin et Royer 2004), les modèles globaux et semi-globaux comme KARINE (Thiéry 1988). Les modèles produits par le BRGM (GARDENSOL, TEMPO) permettent la modélisation simultanée de l’évolution du stock d’eau dans la zone non saturée et du niveau piézométrique en un point de la nappe ainsi que de prévoir l’évolution de la piézométrie et des débits des rivières en fonction de scénarii de pluviométrie, de déterminer et d’analyser les relations entre des séries temporelles de mesures, et d’étudier les corrélations entre la pluie efficace et le niveau de la nappe. Le modèle hydrologique à réservoirs, GARDENIA, permet de simuler, à partir de 6 paramètres, les niveaux piézométriques en fonction des précipitations, mais aussi autorise des prolongements par des scenarios prévisionnels de précipitations (Thiéry 2003, 2011). Le modèle choisi dans cette étude est proche du modèle GARDENIA. C’est un modèle unidimensionnel semi physique à trois réservoirs superposés (Figure.4.1) : 82 Figure 4. 1 : Schéma de fonctionnement du modèle utilisé. le réservoir superficiel représente les premiers centimètres du sol. Il contient les reliefs centimétriques qui se remplissent d’eau avant que le ruissellement ne se déclenche. Il est alimenté par la pluie, vidé par l’évapotranspiration et recharge le réservoir intermédiaire si son niveau dépasse la hauteur r_sup, le réservoir intermédiaire est alimenté par l’excédent du réservoir superficiel. Il est vidangé par percolation vers le réservoir inférieur avec une constante de temps (t_moy). Il faut noter dans ce modèle que le ruissellement se produit après prélèvement d’une partie de l’ETP, le réservoir inférieur représente la zone aquifère; il est alimenté par le réservoir intermédiaire et vidangé par une perte supposée constante dans le temps. Cette perte représente une abstraction qui peut être due soit aux écoulements au sein de l’aquifère soit aux racines profondes des arbres, réputés être capables d’extraire de l’eau jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur (Canadell et al. 1996). Le pas de temps est journalier et les données nécessaires sont les suivantes : ¸ une chronique journalière de précipitations, ¸ une chronique journalière d’observations piézométriques obtenue par interpolation linéaire à partir des données mensuelles. 83 Les principaux paramètres de ce modèle sont les suivants: ¸ l’épaisseur du réservoir superficiel (r_sup), ¸ l’évapotranspiration potentielle annuelle (ETP), ¸ le coefficient (r_off), qui est la fraction de la pluie quittant le réservoir intermédiaire, ¸ le temps de vidange du réservoir intermédiaire (t_moy), ¸ l’emmagasinement de l’aquifère (phi), il s’agit de la partie de la porosité qui se remplit et se vide durant les fluctuations annuelles de niveau, ¸ la perte qui est une fraction d’eau infiltrée dans le réservoir souterrain reprise par les racines des plantes ou écoulée au sein de l’aquifère, ¸ le niveau piézométrique initial (h_inf(1)).
Calage du modèle
Des simulations préliminaires nous ont montré que les paramètres les plus sensibles dans l’inversion étaient le ruissellement, puis le coefficient d’emmagasinement et enfin la perte. D’autre part nous avons constaté que plusieurs combinaisons de ruissellement et de porosité pouvaient conduire à des résultats similaires. En effet, augmenter le ruissellement revenait à infiltrer moins d’eau, donc à des variations piézométriques de plus faible amplitude, ce qui pouvait être compensé par une diminution de la porosité efficace qui produit une plus grande variation de piézométrie pour la même quantité d’eau infiltrée. La ville de Ouagadougou étant située sur un substrat homogène, nous avons supposé que le coefficient d’emmagasinement était le paramètre le moins variable. Celui-ci a donc été fixé à 6%, correspondant au coefficient d’emmagasinement moyen des altérites déduit de la bibliographie. Un ajustement manuel des autres paramètres a été effectué dans l’ordre de leur sensibilité décroissante, i.e. d’abord le ruissellement puis la perte. Dans un premier temps, l’ensemble des piézomètres ont été ajustés pour l’année hydrologique 2013 – 2014, puis une modélisation de l’ensemble de la chronique du CIEH a été tentée. On notera (cf. Figure. 3) qu’avec une pluviométrie de 604 mm, l’année 2013 – 2014 est une année sèche.
Introduction générale |