Analyse morphométrique 3D de structures anatomiques pour la paléoanthropologie

Analyse morphométrique 3D de structures anatomiques pour la paléoanthropologie

Différents systèmes de numérisation

 Cette partie présente les données topologiques 3D collectées sur le site de Kromdraai. Les numérisations ont eu lieu au cours de missions qui se sont déroulées entre septembre 2010 et septembre 2015. Nous montrons comment ont été acquises les données multi-échelles dans le but de proposer une visite virtuelle du site dans un environnement 3D. Ces données permettent également d’enregistrer les fouilles successives afin de permettre aux chercheurs (géologues, paléoanthropologues) de les utiliser pour mieux comprendre le contexte géologique, mieux localiser et mieux visualiser des vestiges fossiles, en particulier les os en articulation dans leur contexte sédimentaire. De nombreux outils de numérisation peuvent être utilisés selon la complexité des objets en tailles, formes et niveaux de détails [Pavlidis et al., 2007]. Les scanners à longue portée sont utilisés pour numériser des bâtiments urbains [Allen et al., 2004, Craciun et al., 2012] mais également des sites de fouilles [Doneus et Neubauer, 2005, Ruther et al., 2009, Subsol et al., 2015]. Cet outil d’acquisition peut être associé à la photogrammétrie [Lambers et al., 2007, Yastikli, 2007, Rüther et al., 2012]. La numérisation est aussi utilisée pour capturer la géométrie tridimensionnelle du matériel archéologique [Kuzminsky et Gardiner, 2012], mais, en Afrique 34 2.2. Une méthode multi-échelles pour l’analyse de fossiles du Sud, très peu de sites paléontologiques sont entièrement scannés [Nigro et al., 2003, Kruger et al., 2016], il serait pourtant utile d’analyser un spécimen tout en le remettant dans le contexte géologique dans lequel il a été découvert. Le développement des matériels de scan et des méthodes de numérisation permet d’obtenir des numérisations de sites souvent peu accessibles soit parce que leurs accès sont limités [Evin et al., 2016], soit parce que les temps de présence humaine à l’intérieur doivent être restreints pour préserver les sites [Susini et al., 2013]. Etant donné que les échelles sont multiples (depuis un site géographique jusqu’à l’échelle microscopique), il devient alors nécessaire de prévoir de nouvelles méthodes pour fusionner les informations collectées. Les chapitres suivants présentent certaines de ces méthodes à travers l’utilisation de différentes modalités d’acquisition. Figure 2.10 – Modélisation 3D de Kromdraai B à différentes échelles. De haut en bas : a) et b) photogrammétrie par drone ; c) scanner longue portée ; d) photogrammétrie terrestre ; e) scanner portable ; f) micro-CT. Etant donné le caractère nécessairement destructif des fouilles, il faut se poser la question de la conservation de la structure topologique du site. Les premières missions de fouilles utilisaient des carnets manuscrits pour archiver les étapes des opérations de fouilles et relever les positions du matériel découvert et extrait du site. Depuis plusieurs années, et grâce à l’essor à la fois de l’informatique et des méthodes d’acquisition, la numérisation des sites archéologiques dans le temps devient de plus en plus utilisée même si pour le moment il n’existe pas encore de guide des bonnes pratiques à suivre pour l’obtention d’un modèle numérique. Les dimensions des sites, leur accessibilité, ainsi que les différentes structures à analyser nécessitent des modalités d’acquisition différentes. Par exemple, sur le site de Kromdraai, l’approche micro-tomographique a été utilisée pour générer des images 3D de blocs qui avaient été consolidés dans du plâtre après leur extraction. La numérisation permet alors de révéler des fossiles pour lesquels les os sont encore   en articulation ou bien fragilisés par l’action de la décalcification. Les scanners laser longue portée ou à main ont également été utilisés afin de numériser d’une part la topologie globale du site, mais également certaines parties plus réduites en haute résolution. Enfin les acquisitions photographiques par drone permettent de replacer le site dans le contexte géographique de la région avoisinant le site. L’ensemble de ces acquisitions nécessite de travailler avec des échelles multiples et nous verrons par la suite (section 2.2.3) comment organiser et fusionner des données avec des échelles multiples (Figure 2.10, Tables 2.3 et 2.2). 

Photogrammétrie

 Photogrammétrie terrestre

 Plusieurs outils calculent des données 3D d’images 2D avec l’utilisation d’un algorithme SFM. Nous avons choisi le logiciel Agisoft Photoscan (édition professionnelle ; www.agisoft.com) car il propose une interface facile à prendre en main. Son workflow peut être suivi par des non-experts en informatique et il offre plusieurs outils d’exportation utiles (e.g. des ortho-photos, des modèles d’élévation numérique, des maillages, des textures). Les étapes utiles à la reconstruction sont : i) l’alignement des photos en détectant les positions successives de l’appareil photo, ii) la production d’un maillage triangulaire avec une couleur donnée à chaque sommet, iii) le calcul de la texture à partir des photos et l’application de cette dernière sur le maillage. Un post-traitement est nécessaire pour nettoyer le maillage en enlevant les pièces isolées (moins de 50 faces) avec Meshlab et en décimant le maillage (avec Photoscan). La texture peut également être exportée, modifiée puis importée dans le logiciel Photoscan. Les méthodes de photogrammétrie sont simples à mettre en œuvre, peu coûteuses et permettent de conserver une archive ponctuelle dans le temps d’un site (Figure 2.11). Elles permettent également de localiser de façon fiable et précise les fossiles au sein d’un site.Nous avons également utilisé la photogrammétrie par drone (’SenseFly eBee’, www.sensefly.com), un dispositif approprié pour l’acquisition d’un ensemble des photographies d’une scène sous des points de vue divers [Nex et Remondino, 2013]. Nous avons alors produit un modèle 3D avec la méthode de la photogrammétrie. Dans ce cas, des données GPS ont été enregistrées pendant le vol pour chaque acquisition photographique. Le logiciel Agisoft Photoscan peut alors produire un modèle 3D géo-référencé utilisant les photos ainsi que ces données GPS. L’avantage d’un alignement automatique est de pouvoir éviter, voire éliminer, la manipulation humaine et les erreurs potentielles. La zone couverte par les photographies s’étend de la coordonnée 26◦1 01900 S, 27◦4404300 E jusqu’à 25◦5903800 S, 27◦4504000 E dans le système géodésique WSG84. Nous avons choisi de générer des zones relativement grandes pour produire un modèle 3D facilement exploitable avec un nombre réduit de points (Tables 2.3 et 2.2). Nous pouvons également générer des zones topographiquement plus réduites avec des modèles 3D de résolution plus haute, selon nos besoins. 

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 Scanner laser terrestre 

Deux acquisitions par scanner longue portée ont été effectuées sur le site de Kromdraai avec deux appareils différents de la marque FARO. La première a été réalisée avec un scanner FARO LS 880 (Figure 2.13). Cet appareil fournit un maillage avec une information de la couleur en niveau de gris. Les visualisations et interprétations d’un environnement naturel sont relativement compliquées sur ce type de données. Le site de fouilles a été numérisé une seconde fois avec un FARO focus 3D (Figure 2.14). Comme le FARO LS 880, ce scanner permet d’effectuer un balayage à 360 degrés avec une précision entre 2 et 10 mm selon la distance de l’objet par rapport au scanner. Le scanner fournit également un rendu photo-réaliste en réalisant une photo de 40 mégapixels par acquisition (Figure 2.15). Ainsi, chaque point du maillage généré par le scanner possède un attribut de couleur. L’acquisition d’un point est possible pour les objets qui sont entre 0.6 m et 10 m de distance par rapport au scanner. Les objets générés par le scanner sont 40 2.2. Une méthode multi-échelles pour l’analyse de fossiles Figure 2.14 – Illustration montrant les sphères placées sur le terrain qui sera numérisé et exemples de position du scanner sur le site. 41 Chapitre 2. Acquisition 3D des objets d’étude en paléoanthropologie des maillages triangulaires dont chaque point contient une couleur et un indice renseignant la qualité d’acquisition en ce point. Pour éviter autant que possible les occultations du laser liées à la topologie du site, les mêmes zones ont été scannées en utilisant des points de vue différents, ce qui a pour résultat de générer une masse de données très importante qui contient beaucoup d’informations redondantes (Tables 2.3 et 2.2). La difficulté est alors de proposer un protocole de traitement et de simplification de ces données afin de permettre leur visualisation.

Table des matières

1 Introduction à la paléoanthropologie virtuelle
1.1 Problématiques
1.2 Présentation des données et des logiciels utilisés en paléoanthropologie
1.2.1 Les structures anatomiques
1.2.2 Bases de données issues de collections muséographiques
1.2.3 Bases de données en ligne
1.2.4 Logiciels d’imagerie et d’analyse de données
1.2.4.1 Logiciels d’acquisition
1.2.4.2 Logiciels de traitement de données
1.2.4.3 Logiciels d’analyse de données
1.3 Organisation du manuscrit
2 Acquisition 3D des objets d’étude en paléoanthropologie
2.1 Acquisition 3D surfacique et volumique
2.1.1 Acquisition 3D surfacique
2.1.1.1 Acquisition active par faisceau laser
2.1.1.2 Acquisition passive par reconstruction
photogrammétrique
2.1.2 Acquisition volumique
2.1.3 Bilan des acquisitions volumiques et surfaciques
2.2 Une méthode multi-échelles des données contextuelles pour l’analyse de fossiles
2.2.1 Le site de Kromdraai
2.2.2 Différents systèmes de numérisation
2.2.2.1 Photogrammétrie
2.2.2.2 Scanner laser terrestre
2.2.2.3 Scanner à main
2.2.2.4 Micro-tomographie
2.2.3 Fusion des données
2.3 Conclusion
3 Les méthodes morphométriques utilisées en paléoanthropologie
3.1 La morphométrie traditionnelle
3.2 La morphométrie géométrique
3.2.1 Définition des landmarks
3.2.2 Exemple de placement de landmarks sur le labyrinthe osseux
3.2.3 L’analyse généralisée Procuste
3.2.4 Analyses statistiques multivariées
3.2.4.1 Réduction de dimensions, analyse de la variance
3.2.4.2 Classification
3.2.5 Bilan des morphométries traditionnelle et géométrique
3.3 Extraction automatique de caractéristiques
3.3.1 Evaluation de méthodes d’extraction automatique de lignes de crêtes ou de ravins
3.3.2 Outil de post-traitement des lignes caractéristiques
3.4 Conclusion
4 Morphométrie par recalage de surfaces
4.1 Le recalage de surfaces
4.2 Méthodologie du recalage par difféomorphisme
4.2.1 Principe du recalage par difféomorphisme
4.2.2 Du recalage à l’atlas
4.2.3 Méthodes pour construire un atlas
4.3 Exemples de difféomorphisme avec Deformetrica
4.3.1 Présentation du logiciel Deformetrica
4.3.2 Exemples de formes moyennes
4.3.3 Exemples d’application
4.3.3.1 Application sur des jonctions émail-dentine
4.3.3.2 Application sur des endocrânes
4.3.4 Optimisation des temps de calculs
4.4 Conclusion
5 Le problème des données partielles
5.1 Méthodologies pour évaluer une forme moyenne
5.1.1 Atlas et forme moyenne
5.1.1.1 Forme moyenne « classique » sans tenir compte des
parties manquantes
5.1.1.2 Forme moyenne basée uniquement sur les parties
communes
5.1.1.3 Forme moyenne avec détection et prise en compte
des parties manquantes
5.2 Expérimentations et résultats
5.2.1 Analyse de données partielles sur des jonctions émail-dentine
5.2.2 Application pour l’analyse d’un fossile de calcanéus incomplet
5.3 Conclusion
6 Analyse visuelle 3D des résultats de recalage
6.1 Représentation des déformations
6.1.1 Affichage des paramètres de la déformation 3D
6.1.2 Visualisation de la déformation globale
6.1.3 Visualisation de la déformation spatiale 3D
6.1.4 Projection de cartes de distances 3D sur la surface
6.2 Analyse et visualisation des correspondances 3D
6.2.1 Etude préliminaire en deux dimensions
6.2.2 Etude de correspondances entre des surfaces
6.3 Conclusion
Conclusion
Glossaire
Bibliographie

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