Analyse juridique d’une publication « cas limite » La chanson Don’t Laïk de Médine
Don’t Laïk est un titre du rappeur français1 Médine, de son nom complet Médine Zaouiche. Le clip de la chanson est publié le 1er janvier 2015 sur YouTube. Le morceau figure également sur l’EP2 Démineur, sorti le 25 mai 2015. Hebdo, les textes de Don’t Laïk sont très controversés. Le titre est considéré par beaucoup comme un pamphlet islamiste, une critique agressive de la laïcité et une attaque personnelle à plusieurs personnalités françaises, nommément Caroline Fourest, Nadine Morano, Jean- François Copé ou encore Pierre Cassen. En 2018, une nouvelle polémique lancée par certains groupes d’extrême droite éclate. Médine se voit particulièrement reproché les paroles de Don’t Laïk. Ces détracteurs appellent à l’annulation de deux de ses concerts prévus les 19 et 20 octobre au Bataclan, salle tristement célèbre pour les attentats qui y furent perpétrés le 13 novembre 2015. Face à cette pression, Médine prend la décision d’annuler ces concerts au nom du respect des victimes et de leurs familles et afin d’assurer la sécurité du public. euros, conformément à l’article 22, 1°, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, est justifiée. L’ingérence dans l’exercice du droit de Médine à la liberté d’expression est nécessaire « dans une société démocratique » et une telle sanction n’est pas contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Médine, de son nom complet Médine Zaouiche, sort le titre Don’t Laïk le 1er janvier 2015. Il est condamné par le tribunal correctionnel de Liège à une amende de 50 euros sur la base de l’article 22, 1°, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination3 (ci-après “la loi anti-discrimination”). Se pose la question d’une potentielle ingérence injustifiée de l’autorité publique : l’autorité belge avait-elle le droit de porter ainsi atteinte à la liberté d’expression du rappeur, sans que cette ingérence ne constitue une violation des règles qui garantissent la liberté d’expression en Belgique ? La liberté d’expression est un droit fondamental protégé en Belgique par de nombreuses dispositions, telles que l’article 19 de la Constitution, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. explicitement une limitation légale : la liberté d’expression n’exclut pas « la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de [cette liberté] ». En outre, la loi anti-discrimination du 10 mai 2007 étoffe le cadre dans lequel s’exerce la liberté d’expression en incriminant les discours incitant à la haine, à la discrimination ou à la violence à l’encontre d’une personne ou d’un groupe, basée sur l’un des critères dits « protégés » et moyennant une certaine forme de publicité4.
d’expression garantie à l’article 10 de Convention européenne des droits de l’homme (ci-après “la Convention”) n’en est pas moins un droit relatif. La Cour en a défini les limites, notamment en ce qui concerne les propos haineux. Lorsqu’il s’agit de réprimer les discours de haine, la Cour peut utiliser deux voies : la voie de l’exclusion de la protection de la Convention, prévue à l’article 17 de la Convention (qui interdit l’abus de droit), ou la voie de la limitation de la protection, prévue à l’article 10, §2, de la Convention (qui restreint ainsi la liberté d’expression Afin de répondre à la question qui fait l’objet de cette analyse, nous procéderons en deux temps, et ce, en nous inspirant de l’approche privilégiée par la Cour. Nous commencerons par un examen du cas litigieux sous l’angle de l’article 17 de la Convention afin de déterminer si le rappeur peut se voir exclu du bénéfice du droit à la liberté d’expression. Nous examinerons ensuite le cas d’espèce au fond sur base de l’article 10 de la Convention. Compte tenu de la jurisprudence européenne et du droit belge pertinent, nous vérifierons s’il s’agit d’un discours incitant à la discrimination et si l’ingérence, à savoir la condamnation à une amende de 50 euros, est justifiée.