ANALYSE EXPERIMENTALE, LE CONTEXTE SOCIOCULTUREL MAROCAIN
Dans ce chapitre, nous allons analyser les résultats de deux expérimentations, le déploiement de notre modèle dans un grand groupe et son déploiement dans une PME. Nous allons ainsi obtenir la perception de la culture nationale par ces deux entités. Nous dégagerons ainsi les spécificités de la culture marocaine. Nous obtenons de la même façon la perception de la culture qualité par ces deux entreprises. La comparaison de la culture nationale et de la culture qualité fera ressortir les leviers et les résistances culturels. Les ressources de la culture marocaine permettront de faire des propositions pour conduire le changement par la qualité dans le contexte socioculturel marocain. Nous retrouvons quelques éléments de ces spécificités dégagées par MEZOUAR et SEMERIVA. Lors de la première rencontre annuelle du Management en Avril 1996, réunion de 300 dirigeants autour du thème: les enjeux du changement, MEZOUAR et SEMERIVA évoquent « un schéma rationnel inversé » [MEZOUAR et SEMERIVA, 1998, p. 213]. Cette rencontre a été appuyée par une enquête préalable auprès de 200 dirigeants et de 500 cadres d’entreprises et d’administrations sur leur perception du management et du changement dans leur organisation. MEZOUAR et SEMERIVA soulignent que le mode de management au Maroc, quel que soit le profil d’entreprise ou de dirigeant, est structuré par ordre décroissant autour des valeurs suivantes: la qualité de relations, le professionnalisme, la performance, la prise de responsabilité, l’esprit de challenge, la capacité d’encadrement, l’esprit d’équipe. Et les auteurs de conclure « En d’autres termes, par rapport aux critères en vigueur dans les entreprises occidentales ou asiatiques en prise avec la compétition internationale, nous nous trouvons ici dans un rapport inversé ». Pour les auteurs, « l’initiative, la prise de risque, les exigences de Qualité, passent après les considérations relationnelles et morales. Sans doute, comme l’ont fait remarquer certains intervenants, ceci devrait plutôt être considéré comme un constat réconfortant au regard des dérives morales et éthiques qui envahissent la marche du business dans le monde ». [MEZOUAR et SEMERIVA, 1998, p. 213]. Les auteurs développent ainsi ce qu’ils appellent les piliers de la non-performance de l’entreprise marocaine : « administrations ou des entreprises, publiques ou privées, nous ont conduits au constat, qu’à des degrés divers, le fonctionnement humain des organisations au Maroc est régi par sept valeurs qui opèrent en sens contraire du point de vue des comportements attendus. Ce sont en quelque sorte des contre-valeurs, que nous qualifions de valeurs contre – productives : le non-conflit, la non obligation de résultats, le non – risque, le non – explicite, la non-responsabilité, la non compétence, le non- droit à la parole ». [MEZOUAR et SEMERIVA, 1998, p. 214]. Il s’agit bien là d’un problème concernant le contexte socioculturel. Les auteurs ont bien mis en exergue les résistances de la culture marocaine, mais n’ont pas exploré les leviers de cette culture. Par ailleurs, il s’agit des valeurs au niveau des dirigeants comme le précise l’enquête et non de l’ensemble du personnel. Dans le tableau ci-après, nous avons fait correspondre les valeurs « contre – productives » citées par les auteurs et les spécificités culturelles marocaines résultant de notre étude.
La culture qualité, résultat de notre expérimentation
L’approche systémique de la culture nous a permis de proposer 10 principes d’actions issus de la pensée complexe pour notre modèle prescriptible. L’utilisation des leviers et la prise en compte des résistances vont faire ressortir des propositions d’actions relatives au contexte socioculturel marocain. Nous retrouvons 3 des leviers de la culture marocaine dans l’explication par D’IRIBARNE du succès de la démarche Qualité dans une usine au Maroc. Pour l’auteur, il s’agit de ressources imprévues. « Le succès de la réforme morale qui s’est produite dans l’usine peut être interprété comme le fruit d’une rencontre entre trois éléments : – Le changement de comportement prêché en nom du TQM a pris un sens pour le personnel en étant associé à l’idéal moral de l’islam…. Il s’agit du poids du message moral de l’islam dans la culture marocaine. – La manière d’être et d’agir du directeur général a permis à chacun de croire au caractère tangible de ce changement est donc de s’y engager lui-même…. Il s’agit de la force de l’exemple donné par un directeur général. – Cette évolution a été facilitée par l’existence, au sein de la culture marocaine, de l’image d’une institution, l’école, où une existence inspirée par cet idéal est mise en pratique ». [D’IRIBARNE, 1998, p 248]. Nous retrouvons le rôle et l’exemplarité du leadership porteur de valeurs, le rôle de l’apprentissage dans l’appropriation et le respect du système des valeurs d’un contexte riche.