Analyse et discussion autour du concept d’identité
« Parler d’identité, c’est parler de ce qui unit, de ce qui fait « un » dans le « multiple ». Répondre à la question « Qui suis-je ? », c’est trouver ce qui, malgré la diversité de nos sentiments et de nos expériences dans le temps, demeure une référence relativement stable à laquelle on se réfère pour se définir » [LAROUCHE, LEGAULT-2003] Les enseignants sages-femmes sont des professionnels, issus essentiellement des services hospitaliers qui exercent pour la majeure partie d’entre eux à temps pleins dans une structure de formation. Selon les réponses au questionnaire, 85 (N=101) personnes, soit 84,16%, ont clairement notifié leur statut de titulaire de la fonction publique hospitalière. Parmi elles, 7 sont en détachement ou mise à disposition. Seules 5 directrices posent un statut de titulaire de la fonction publique hospitalière, 8 autres définissent leur statut par rapport à leur fonction de directrice soit d’Ecole, de département ou de composante… Une a un statut d’assesseur maïeutique. à une population hétérogène par le parcours, la relation au savoir, les conceptions et compétences pédagogiques… avec cependant deux points forts : un engagement personnel conséquent et un attachement à la profession de sage-femme. dans une dénomination souhaitée, alors que les enseignants conservent le mot sage-femme dans 76,19% (64/84) des appellations proposées. Les 14 directrices se présentent majoritairement sous l’appellation de sage-femme enseignante (10/14). Une directrice place le mot enseignant avant sage- Lors des entretiens, l’ensemble de nos interlocuteurs, enseignants et directrices, affirment une identité individuelle sage-femme forte, tout comme nous l’avions observée lors d’un travail précédent [VAAST-2012].
A l’unanimité les sages-femmes revendiquent leur appartenance à la profession : Je suis sage-femme (Ie1, Fe2, Fdi) Sage-femme… j’aime quand on m’appelle comme ça, c’est un mot qui me plait (Fdi) Je me présente comme sage-femme enseignante, je n’abandonne pas le mot sage-femme et chez les interviewés ni chez les répondants au questionnaire. L’emploi de « maïeuticien », peut même apparaitre comme une forme de gloriole (Ee1) et ne pourrait se justifier que si de très nombreux hommes intégraient la formation (Ee1). Le mot de maïeutique est relativement peu utilisé dans l’appellation d’un professionnel : Seules 3 directrices et 1 enseignant, ayant répondu au questionnaire, se présentent sous le terme d’enseignant en maïeutique. 3 directrices et 14,12% (12/85) des enseignants souhaitent pour l’avenir un titre comprenant le terme de maïeutique. Cependant, ce terme « officiel » peut obéir à une mise en conformité avec l’ensemble des collègues, une identité d’institution [BLIN-1997], une recherche d’unité plus qu’à une volonté personnelle : J’ai changé ma signature électronique pour être en harmonie avec tout le monde, je me colle au moule (Ae1). Le terme maïeutique est un néologisme, inconnu d’une très grande frange de la population. Maïeutique ; çà ne parle pas à tout le monde (Fdi) et j’ai besoin que l’on m’identifie. L’appellation sage-femme doit être gardée surtout vis-à-vis du grand public (Bdi), même si dans le terme de maïeutique, qualifié de joli (Fdi), on y trouve une dimension de prise en charge globale qui manque tant aux femmes actuellement (Fe1).
Cependant il est intéressant de constater, qu’il existe un différentiel entre le terme définissant le professionnel et l’appellation souhaitée : 3/14 directrices souhaitent intégrer le terme de maïeutique dans leur titre et près d’un quart des enseignants optent pour une appellation sans le mot de sage- femme. De même, les verbatim mettent en exergue que l’usage du mot maïeutique est essentiellement destiné aux institutions, dans le cadre de l’universitarisation : Ie1 n’emploie le mot maïeutique qu’auprès d’initiés : « Département de maïeutique »vs« école de sages-femmes » pour un public non médical mais universitaire. Le terme de maïeutique a donc une fonction, celle de rappeler la démarche entreprise, à savoir l’intégration à l’Université comme quatrième filière des études médicales et de pharmacie : Un département de maïeutique avec des sages-femmes enseignantes (Bdi). Pour un des doyens (Ado), l’appellation enseignant en maïeutique valoriserait cette discipline. Ainsi certains voient dans l’usage du mot maïeutique une forme de valorisation, voire de snobisme, d’autres un moyen de se faire admettre plus facilement dans le sérail universitaire. Plusieurs interlocuteurs adaptent donc leur présentation en fonction de leur environnement humain et d’activité. On retrouve alors la mise en conformité à des modèles culturels décrite par OSTY(2008). Le mot sage-femme est une forme de ralliement à une identité collective, solide ayant traversée les âges mais surtout individuelle, incorporée dépassant largement la problématique de l’appellation. Chaque interlocuteur se sait sage-femme, mais peut se faire « caméléon » pour répondre à une image attendue. Ainsi Dc, qui tient à son titre de coordonnatrice en maïeutique, n’hésite pas par commodité (c’est trop compliqué à expliquer) à devenir « cadre de pôle » lorsqu’elle agit en tant que telle dans des réunions hospitalières.