Analyse du stationnement à partir d’une enquête ménages déplacements application à l’agglomération parisienne
Si l’automobile en tant que moyen de transport était un iceberg, la circulation en serait la partie émergée et le stationnement la partie immergée, largement majoritaire en temps passé et en espace consommé. La demande de stationnement, partie intégrante de la demande de déplacement en automobile, découle du besoin d’accomplir des activités. Elle est confrontée à une offre de places réparties en divers types, privées ou publiques, gratuites ou payantes, licites ou interdites, avec par type une capacité locale spécifique. L’adéquation entre la demande et l’offre constitue un fort enjeu d’accessibilité. Elle incarne, de fait, l’objectif majeur de l’organisation du stationnement en ville. La conception de stratégies de stationnement cohérentes nécessite de comprendre et de connaître de façon précise et actualisée les caractéristiques de l’offre disponible sur un territoire et de son usage ainsi que les caractéristiques de la demande des places. Dans le premier chapitre de cette thèse, nous avons montré que cet enjeu de connaissance se pose aussi bien en termes de données et de méthodes que d’outils. Dans ce chapitre, nous mettons l’accent sur les deux premiers éléments. Nous nous intéressons à connaître ce qui se passe à l’échelle de l’agglomération. À ce titre, l’Enquête ménages déplacements (EMD) constitue une source incontournable d’information. Il s’agit, pour les collectivités locales et les autorités organisatrices de transports, d’un un cadre de référence pour élaborer mais aussi évaluer les politiques de mobilité (Armugoom et al., 2010 ; Certu, 2013c). Cette enquête dresse un portrait de la mobilité quotidienne d’un territoire. Elle permet de caractériser, de manière précise, les pratiques de déplacement de la population résidente et de caractériser leur évolution dans le temps. Dans ce cadre, l’EMD permet caractériser les pratiques de stationnement des usagers dans une agglomération, en lien avec l’organisation des déplacements et des activités individuelles.
L’objectif de ce chapitre est de proposer une méthodologie de diagnostic global du stationnement sur la base d’une EMD. À titre de démonstration, nous analyserons le stationnement en agglomération parisienne à partir des données de l’Enquête globale transport (EGT) de 2010. Notre démarche s’appuie largement sur le travail de Leurent et Boujnah (2011) et celui de Leurent et Polacchini (1995). Nous combinerons différentes dimensions d’analyse, en pratiquant de nombreux croisements entre les informations liées directement au stationnement automobile et celles liées aux répondants et à leurs pratiques de déplacement. Nous caractériserons d’abord la demande, sa structure territoriale et économique ; puis l’usage dans ses dimensions spatiales, temporelles et modales80 ; enfin l’offre, dont la capacité physique est révélée indirectement par la saturation des modes dominants au cours de la journée. Nous décrirons, dans un premier temps, les usages du stationnement en le considérant comme un service de consommation courante. Nous nous focaliserons particulièrement sur le lieu et le mode choisis, selon les horaires, les motifs et la durée des activités menées, mais aussi selon le secteur spatial et la situation socio- économique des répondants. Nous évaluerons, ensuite, par accumulation, les occupations individuelles des places en reconstituant des profils d’utilisation des voitures particulières (VP). Nous caractériserons l’évolution des usages au cours des vingt dernières années.
Ce chapitre est composé de six parties. La section 3.2 explicitera une méthodologie pour diagnostiquer le stationnement sur la base d’une EMD. La section 3.3 traitera de l’usage du stationnement nocturne des ménages en liaison avec leur équipement en places privatives. La section 3.4 étudiera les pratiques de stationnement diurne associées aux activités à proprement parler des individus. La section 3.5 sera consacrée à l’évaluation de la charge de stationnement et indirectement de l’offre de places, que nous caractériserons selon les lieux, les modes et les périodes. Enfin, la section 3.6 proposera une conclusion et rappellera les principaux enseignements tirés de cette analyse. L’enquête ménages déplacements (EMD) est un outil de connaissance de la mobilité quotidienne d’une population urbaine (agglomération comptant plus de 100 000 habitants). Elle renseigne sur les habitudes et les pratiques globales de déplacements des habitants (Armugoom et al, 2010). En France, depuis 1976, plus d’une centaine d’enquête de ce type ont été élaborées dans plus de cinquante agglomérations (Certu, 2013c). Elles s’appuient sur la méthode dite « Standard Certu » qui garantit la fiabilité et la comparabilité des résultats et portent sur un échantillon représentatif des ménages résidants de l’aire d’étude enquêtée. Le principe d’une EMD est d’interroger tous les membres d’un ménage échantillonné sur les déplacements qu’ils ont effectués le long d’une journée, la veille du jour d’enquête. Elle est réalisée en face à face au domicile du ménage auprès de toutes les personnes âgées de 5 ans et plus. Cette enquête procure des informations détaillées sur les caractéristiques des ménages (lieu de résidence, revenus, motorisation, etc.) et des personnes interrogées (âge, sexe, profession, possession du permis de conduire, etc.) ainsi que de leurs déplacements réalisés pendant un jour moyen de semaine (origine, destination, mode, motif, heure, durée, etc.) 81.