Analyse du processus de négociation autour de la qualité urbaine dans le cadre du projet de l’îlot XXL
Si les acteurs publics ont bien le devoir de veiller au respect de l’intérêt général, dans un contexte général de baisse des finances publiques, il leur importe tout autant d’assurer la rentabilité des projets. Ceci n’est pas sans poser quelques difficultés lors de la négociation, les critères des opérateurs privés pour déterminer l’équilibre financier d’une opération n’étant pas toujours les mêmes que ceux poursuivis par la collectivité ou l’aménageur public. Il s’agit donc pour eux de bien encadrer les négociations afin de garder la maîtrise du projet. Dans le cas du projet XXL, nous l’avons vu, l’équilibre du partenariat entre l’EPAEM et Bouygues est fragile. Cependant, deux documents sont prévus dès le départ comme des jalons, pour poser les règles et permettre des échanges fructueux : la convention d’objectifs et la convention cadre.
L’objet de la convention d’objectifs est d’organiser le fonctionnement du partenariat pendant les douze premiers mois de phase préparatoire du projet. Cette phase est prévue en deux étapes de six mois chacune. La première doit permettre d’établir les orientations d’aménagement, en coopération avec l’équipe de François Leclercq, l’urbaniste de la ZAC Littorale, et leur faisabilité financière. Bouygues doit pour cela remettre une quantité d’études préalables à effectuer dans le quartier pour déterminer les conditions de la faisabilité du projet. Parmi ces études, coordonnées par l’architecte-urbaniste61 de l’opérateur, sont donc réalisés des sondages géotechniques, un diagnostic de pollution des sols, une étude sociologique et historique, des études de marché (commerces, logements et activités économiques), un diagnostic mobilité et stationnement, et un volet règlementaires lié à l’environnement.62 Ces éléments, à la charge de l’opérateur, seront joints au dossier remis en fin de phase 1, comprenant aussi un volet sur la communication.
La convention d’objectifs précise également que le projet urbain remis par l’opérateur à l’issue de la première année doit respecter les objectifs programmatiques (et notamment l’implantation d’équipements publics tels qu’un groupe scolaire et une crèche, ainsi que la présence du marché aux puces) et la trame urbaine définie dans le plan guide de François Leclercq – qui prévoit notamment des cheminements piétons et un principe de voirie principales perpendiculaires à la rue de Lyon, vers la façade littorale, et les règles du La répartition des tâches est ainsi posée dans cette première convention : s’il revient à l’opérateur de gérer l’aménagement de base des macro-lots pour une superficie totale de 252.000 m2 définis par le plan de voirie de l’ensemble de l’îlot XXL, Bouygues doit également prendre à sa charge la dépollution des terrains, l’EPAEM assurant les aménagements publics prévus à l’intérieur de chacun d’entre eux. En contrepartie, Bouygues devient le promoteur et développeur immobilier d’une partie des surfaces constructibles de l’îlot, évaluée à 200.000 m2. La mise en œuvre de ce dernier point nécessite des négociations avec l’EPAEM, pour l’obtention des terrains et la réalisation des voiries et des équipements publics, qui doivent s’enchainer dans un planning assez serré pour correspondre au bilan de l’opérateur.
La convention cadre : le cœur du partenariat
En général, Bouygues et ses partenaires formulent des propositions qui sont débattues avec les experts de l’EPAEM sur les sujets en question. Les innovations proposées par l’opérateur sont en général très concrètes et intègrent systématiquement un business model. L’intérêt de l’opérateur est que le quartier fonctionne et attire des habitants et des investisseurs, et surtout qu’ils soient satisfaits des innovations mises en place. Préalablement aux négociations de la convention cadre, une note de procédure a été rédigée par l’EPAEM, qui donne les éléments de fonctionnement du partenariat. Malheureusement, celle-ci a apparemment été écrite sans réellement tenir compte du travail mené par Bouygues en phase préalable et les discussions autour de cette note ont donné le ton de l’ouverture des négociations entre les parties. En outre, la convention cadre doit comprendre plusieurs annexes telles que les fiches de lots, un recueil des engagements de chacune des parties signataires, ou bien les conditions d’évaluation des engagements de l’opérateur et les pénalités associées.
La date effective de démarrage du délai contractuel entre l’EPAEM et le groupe Bouygues est un enjeu particulièrement important. Le délai de cinq ans qui avait été prévu pour la réalisation de l’opération au moment de l’AMI, ne repose sur aucune justification particulière. Il est d’ailleurs plutôt ambitieux pour réaliser les 200.000 m2 promis à l’opérateur. Néanmoins, dans sa réponse à l’AMI, Bouygues s’est engagé à respecter ce délai, en le prenant comme une donnée invariable sur laquelle a été basé son bilan. Les autres entrées essentielles de ce bilan sont la surface, le programme (qui définit le taux de rendement de chaque bâtiment) et l’investissement nécessaire aux innovations mises en œuvre, pour former un ensemble cohérent et équilibré, mais dans lequel la modification de l’une des entrées modifie les autres.