ANALYSE DU POSITIONNEMENT DE GROUPES D’EXPERTS
Les rapports d’expertise sur les risques des radiofréquences sont fondés sur des revues de littérature généralement très vastes, et de longues listes de références bibliographiques. Si ces rapports visent à l’exhaustivité autant que possible, sur les sujets traités, ils sont nécessairement fondés sur une sélection de la littérature disponible. Ces rapports ont, par ailleurs, des auteurs. La collégialité du travail d’expertise permet d’assurer une large couverture du ou des champs de recherche concernés par le rapport. Mais les auteurs restent situés dans des parties distinctes de ce champ de recherche, et appliquent des cultures épistémiques propres. Le fait de disposer d’une cartographie du champ de recherche sur les effets des radiofréquences, pris dans un sens très large, permet d’embrasser l’ensemble des positions des scientifiques mobilisés comme experts, et de les situer dans le champ. Dans cette partie du rapport, les auteurs de rapports d’expertise, ainsi que des scientifiques membres de comités d’experts sont positionnés sur les cartes de réseaux de co-auteurs, afin de voir à quelle(s) partie(s) du champ ces rapports ou comités sont davantage liés, et avec lesquelles ils paraissent plus distants. Le positionnement des auteurs sur des cartes de co-auteurs permet d’apprécier directement les communautés de co-publication dont ils font partie et, indirectement, leur affiliation intellectuelle.
BIOINITIATIVE
Le premier rapport « Bioinitiative » a été publié en 2007, dans l’intention de faire une revue de la littérature sur les risques possibles de l’exposition aux champs électromagnétiques et aux technologies de communication sans fil. Le rapport a été écrit par un groupe de scientifiques, émanant en grande partie de la Bioelectromagnetics Society : Jitendra Behari, Paulraj Rajamani, Carlo V. Bellieni, Igor Belyaev, Carl F. Blackman, Martin Blank, Michael Carlberg, David O. Carpenter, Zoreh Davanipour, Adamantia F. Fragopoulou, David Gee, Yuri Grigoriev, Kjell Hansson Mild, Lennart Hardell, Martha Herbert, Paul Heroux, Michael Kundi, Henry Lai, Ying Li, Abraham R. Liboff, Lukas H. Margaritis, Henrietta Nittby, Gerd Oberfeld, Bertil R. Persson, Iole Pinto, Cindy Sage, Leif Salford, Eugene Sobel, Amy Thomsen. La carte ci-après situe une série d’auteurs du rapport Bioinitiative parmi les 413 premiers auteurs du champ. Tous les auteurs du rapport n’apparaissent pas sur la carte. Trois groupes d’auteurs peuvent être positionnés, dont l’un notamment apparait relativement large, et se superpose à un cluster du champ, en bas à gauche. Il s’agit du groupe d’auteurs comprenant Carlberg M, Hansson M., Hardell L., Margaritis L., Kundi M., Sage C., Pinto R. Un autre groupe, en haut à droite de la carte, est composé de Persson B., Salford L. On sait par des recherches sur la composition de leurs laboratoires et sur leur liste complète de publications, qu’ils Si l’on repère maintenant les chercheurs ayant participé à la monographie du CIRC sur les radiofréquences, publiée en 2013, des clusters distincts de ceux qui ont participé à Bioinitiative apparaissent. La liste complète des auteurs est la suivante : Bruce Armstrong, Igor Y. Belyaev, Carl F. Blackman, Maria Blettner, Elisabeth Cardis, Clemens Dasenbrock, Etienne Degrave, René de Seze, Jean-François Doré, Lennart Hardell, Peter D. Inskip, Jukka Juutilainen,
Sur la carte ci-après, le cluster 1 regroupe les auteurs suivants : de Seze R., Juutilainen J., Miyakoshi J., Verschaeve L. Le cluster 2 regroupe Cardis E., Blettner M., Roosli M., Mann S., et Anders Ahlbom (consulté sur le rapport, mais non membre du groupe de travail). Dans le cercle numéro 3, Vijayalaxmi, et dans le cercle 4, McNamee J.P. Dans le cercle 5, Lesczynski D. Ces auteurs ne représentent qu’une moitié des auteurs de la monographie. Les autres n’apparaissent pas sur la carte (ce qui signifie qu’ils ne font pas partie des 413 auteurs les plus publiants dans notre corpus). Mais comme on peut s’en apercevoir en comparant les deux listes d’auteurs, et comme ces cartes le montrent, les deux rapports mobilisaient des réseaux d’experts très distincts. Seuls Hardell L. et Ahlbom A. faisaient partie des deux groupes.
ICNIRP
La première est que le champ de recherche sur les radiofréquences et la santé, tel que reconstruit à travers ce corpus, est aussi et très largement un champ d’expertise : l’articulation parait étroite entre travaux de recherche et travaux d’expertise (ici, de type revue de littérature ou méta-analyse ou dit en d’autres termes, « expertise collective »), puisque la majorité des clusters qui travaillent sur technologies de télécommunication, incluent un ou plusieurs auteurs de rapports d’expertise. Les auteurs concernés sont souvent des auteurs de poids, et centraux. Les clusters 4, 6 et 10 concentrent les auteurs de rapports d’expertise, et en ce sens peuvent être décrits comme le cœur du champ. Cette première observation est confirmée par la carte suivante. Sur celle-ci, les zones rougies sont celles dans lesquelles on retrouve les auteurs du rapport Bioinitiative, ou leurs co- auteurs. Ce groupe de co-auteurs, large, se superpose à la carte des réseaux de coauteurs du corpus d’ensemble, produisant une carte dans laquelle une grande majorité des clusters sont rougis, signalant la présence en leur sein de personnes liées, directement ou indirectement, au travail Bioinitiative. On ne peut exclure que le cluster principal en haut de la carte soit rougi du fait de l’homonymie existante entre de multiples auteurs du corpus, notamment d’auteurs chinois ou coréens. Toutefois, les zones rougies en bas de la carte (qui comporte les clusters moins affectés par ce problème potentiel d’homonymie, et qui concernent dans une moins grande mesure les applications médicales des radiofréquences), confirment amplement cette hypothèse de congruence, pour de nombreux auteurs, entre publications scientifiques et travail d’expert.