ANALYSE DU COMPORTEMENT FINANCIER
DES DIRIGEANTS
L’ENVIRONNEMENT FINANCIER DES ENTREPRISES
L’environnement financier de l’entreprise constitue, selon COHEN E. (1991)51, un ensemble de processus relatifs à la création, la conservation et la circulation de monnaie et d’autres actifs financiers. L’auteur note cependant que la monnaie et les autres actifs ne constituent qu’une des manifestations de systèmes financiers complexes qui mettent plus largement en jeu cinq ensembles de composantes nettement identifiées : 1 – le système financier englobe une masse d’instruments correspondant à une gamme d’actifs multiforme. Ces actifs constituent des titres financiers, c’est-à-dire des documents représentatifs de droit de propriété ou de droit de créance, détenus par une personne sur un autre personne (actions, obligations, bons, billets de trésorerie, avoirs en monnaie, etc.). Les opérations financières se traduisent par la création, l’acquisition, la détention ou la cession de titres financiers ; 2 – le système financier met en cause des agents spécialisés, à titre exclusif ou principal, dans la réalisation d’opérations financières et qui peuvent donc être caractérisés comme des institutions financières : banques, organismes d’épargne, sociétés financières, intermédiaires spécialisés dans les transactions boursières … ; 3 – la circulation des titres convergent vers des canaux et vers des marchés d’actifs financiers sur lesquels se nouent des transactions qui les mettent en circulation. Certains de ces marchés assurent un rôle de financement de l’ensemble de l’économie (marchés boursiers), d’autres ont essentiellement un rôle de refinancement des institutions financières et leur sont réservés à titre exclusif ou principal (marchés monétaires et hypothécaires); d’autres enfin interviennent dans la couverture des risques financiers (marchés d’options, marchés de contrats financiers à termes ou « futures » ; 4 l’ensemble des transactions financières et l’activité des institutions et des marchés sont régis par des dispositifs juridiques et techniques qui définissent les règles formelles de la pratique financière. Ces dispositifs qui visent à organiser et à réguler les comportements financiers affectent une diversité et une complexité saisissantes. Ils englobent aussi bien les dispositions relatives au contrôle du crédit et à l’organisation des professions bancaires, que les règles professionnelles énoncées par les associations de courtiers en valeurs mobilières, la fiscalité relative aux produits des placements ou les conditions d’ouverture de tel ou tel marché ; 5 – les comportements financiers sont ainsi, et peut-être principalement, déterminés par l’intervention de certaines variables de régulation fixées sur des marchés spécialisés. L’ensemble de ces variables qui influencent l’action des opérateurs inclut par exemple les taux d’intérêt qui règlent les rapports entre prêteurs et emprunteurs, les taux de change qui règlent les échanges entre monnaies nationales, les cotations qui fixent les prix des actifs financiers faisant l’objet de transactions. Au total, l’objet de la finance d’entreprise peut ainsi être défini par référence à ces cinq pôles ou composantes du système financier. Cela signifie que pour toute entreprise, la gestion financière doit assurer la mrul:rise des instruments ou actifs financiers (1 ), celle des variables (5) et des procédures de régulation ( 4) régissant les opérations financières, et conduire les relations nouées avec les partenaires financiers (3) et les marchés (2) concernant 1′ activité de 1′ entreprise. Il faut préciser cependant que ces cinq composantes sont observables plus particulièrement dans les économies de marché financier53 qui ménagent une large place aux marchés des capitaux. Ces économies mettent en œuvre une vaste gamme d’actifs financiers relevant non seulement d’une offre institutionnelle émanant des intermédiaires financiers, mais également d’une offie de titres primaires émis par les entreprises et autres entités non financières. Ces traits caractéristiques peuvent être observés en Amérique du Nord, en Europe Occidentale mais également au Japon et dans plusieurs pays de la ceinture du Pacifique. Les économies de marchés financiers, les économies d’intermédiation financière et les économies à structure financière émergente représentent une typologie en trois classes proposées parE. COHEN, permettant de rendre compte de l’état contemporain des structures financières nationales. C’est en fait, une actualisation de la classification construite par R.W. GOLDSMITH (1969)54 qui identifiait huit types de structures financières dans une perspective à la fois historique et comparative. La typologie en trois classes proposées parE. COHEN55 met l’accent sur la variété des institutions et des instruments observables dans chaque pays. Nous avons déjà évoqué la particularité des économies de marché financier classées en troisième position. La première position conduit à caractériser des économies nationales à structure financière émergente. Il s’agit pour l’essentiel, de zones dans lesquelles l’activité financière reste encore largement dominée par les opérations monétaires et par les interventions des Banques Centrales ou commerciales. 53 COHEN (E.), op. cit. page 50. La plupart des pays d’Afrique sub-saharienne et certains pays latina-américains présentent les caractéristiques financières qui permettent de les rattacher à ce type de structure financière. Les économies à structure financière fondée sur l’intermédiation, ou plus simplement, les économies d’intermédiation financière, constituent un second type. Elles se caractérisent par une certaine diversification des actifs financiers outre la monnaie, on y observe aussi l’apparition d’instruments divers d’épargne et de crédit. Mais la création et la gestion de ces instruments sont principalement fondées sur l’intervention d’intermédiaires financiers plus ou moins spécialisés. Ces intermédiaires apparaissent ainsi comme les unités actives qui impriment au développement financier son rythme et ses orientations. Il faut préciser que le rattachement de la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne aux économies à structure financière émergente est à nuancer car il existe par exemple en Côte d’Ivoire une Bourse de Valeurs Mobilières et d’après les données dont nous disposons pour l’année 199456, il y a environ 35 sociétés cotées avec un volume d’émissions d’actions de l’ordre de 6.300.000 F CFA et d’obligations pour un montant de 265.000.000 F CFA. Pour ce qui est des influences exercées par l’espace financier global sur le comportement des entreprises, quatre caractéristiques majeures ont été notées par E. COHEN57. – En prerruer lieu, nous avons le développement des échanges monétaires avec comme constat une monétarisation limitée dans nos pays, au contraire plus extensive dans les économies de marché financier. Des indications sur la monétarisation sont fournies en comparant la masse monétaire et le produit intérieur brut (PIB). Le rapport masse monétaire et PIB permet d’apprécier le niveau de monétarisation des transactions dans une économie donnée. 56 Source B.C.E.A.O., Etudes et Recherches : le nouveau dispositif de gestion monétaire dans l’UEMOA, n° 451. août -septembre 199 5. 5″ . E. COHEN, op. c1t. p. 52. f J 68 On remarque une nette différence au niveau de la quasi-monnaie entre par exemple les pays d’Afrique sub-saharienne et les pays industrialisés. La quasi-monnaie comprend tous les comptes sur livrets de la caisse d’épargne, comptes d’épargne logement, bons négociables, titres à court terme négociables émis par le Trésor ou les fonds communs de placement etc
La maximisation de la valeur de l’entreprise
Il ne serait pas utile de faire état des circonstances pour lesquelles il est nécessaire de déterminer la valeur d’une entreprise. Parmi ces circonstances, nous pouvons citer60 : l’achat ou la vente d’un bien, d’une société ou seulement d’un fonds de commerce; la recherche d’associés susceptibles de s’intéresser à l’entreprise; le calcul de la valeur d’assurance de tout ou partie de l’entreprise; l’expropriation d’une entreprise; le partage entre héritiers ; l’estimation des actions ou des parts sociales d’une entreprise; la fusion de deux ou plusieurs sociétés ; la scission d’une société en deux ou plusieurs sociétés; l’apport partiel d’actif d’une société à une autre société ; une augmentation de capital par rapport en nature ; la liquidation d’une société ; enfin, la connaissance de la valeur d’une entreprise, faite à périodes régulières par ses dirigeants, leur permet de chiffrer son développement et mieux orienter sa gestion. Selon E. COHEN, la gestion financière s’attache en premier lieu à la maximisation de la valeur de l’entreprise. Cette valeur devant être analysée tant par rapport au patrimoine qu’à la richesse présente accumulée par référence aux projets et activités futures dans lesquels le patrimoine est et sera engagé. De plus en plus, la valeur attachée au patrimoine d’une entreprise correspond à la valeur actuelle que l’on peut attendre des revenus futurs des activités de celle-ci. La valeur d’anticipation en est le terme consacré et qui fait donc référence à la qualité des projets dans lesquels le patrimoine est engagé. La valeur d’une entreprise ne peut être assimilée à la valeur de son patrimoine aujourd’hui. Si celle-ci revêt une importance certaine, sa prise en compte doit être pondérée par trois autres considérations 1) la valeur de l’entreprise est une valeur actuelle, c’est-à-dire l’équivalent présent des résultats futurs attendus ; 2) en ce sens, la valeur n’est pas la grandeur figée d’un stock de richesse statique, mais c’est une grandeur dynamique inséparable du processus de mise en œuvre du patrimoine. Les perspectives relatives à la qualité des projets déployés, les indications recueillies sur leurs perspectives futures en termes de résultats influencent donc un réexamen permanent de la valeur de 1′ entreprise ; 3) l’évaluation est sensible à tous les risques perçus comme susceptibles d’affecter le niveau et la stabilité des résultats attendus. Ces risques peuvent être liés soit à des caractéristiques propres à l’entreprise, soit à des évolutions de l’environnement. Mais, dans tous les cas, la perspective d’une aggravation du risque se traduit par une dépréciation de la valeur des entreprises concernées (par exemple une période d’instabilité gouvernementale ou des troubles sociaux). De même, la perception d’une aggravation des risques spécifiques encourus par une entreprise en particulier (à cause d’un endettement excessif, de contre-performances industrielles, de troubles sociaux majeurs … ) se traduit par une dégradation des évaluations dont elle fait l’objet. Inversement, une amélioration des perceptions relatives aux risques induits par 1′ environnement ou spécifiques à certaines entreprises entraîne une augmentation de leur valeur. En fin de compte, la maximisation de la valeur· de l’entreprise apparaît ams1 tributaire du niveau des performances assurées par les activités de 1′ entreprise et de la maîtrise des risques de faillite et des risques financiers en général. La valeur de l’entreprise doit constituer une préoccupation constante des dirigeants car la référence à la maximisation de la valeur et de la richesse apparaît comme un élément intégrateur de la finance, ce qui permet toujours de situer l’entreprise par rapport aux objectifs posés et à son environnement. 73 Il est fondamental de reconnaître que la valeur d’une entreprise ne peut être maximisée que dans l’environnement qui est le sien d’où la nécessité de le connaître au rrueux.
Le maintien du niveau des performances financières
Toujours selon E. COHEN, la gestion financière doit veiller au maintien des performances de l’entreprise à un niveau satisfaisant La recherche d’un certain niveau de résultats traduit autant une contrainte majeure subie par l’entreprise que le choix délibéré de ses propriétaires et dirigeants. En effet, l’entreprise met en œuvre des ressources coûteuses. Elle doit ainsi rémunérer différents partenaires qui lui confient des ressources en prélevant des rémunérations sur le produit de son activité. La gestion financière doit donc vérifier d’abord que l’activité est assez efficace pour sécréter les produits qui permettront de rémunérer les apporteurs de ressources et, le cas échéant, pour assurer la restitution de ces ressources. Ainsi, dans le cas d’un emprunt, les responsables devront s’assurer que les ressources financières obtenues sont utilisées dans des conditions suffisamment efficaces pour permettre le versement par l’entreprise des intérêts prévus et des remboursements, aux échéances convenues avec le prêteur. En outre, le dégagement par l’entreprise de résultats défavorables ou insuffisants traduit un gaspillage de ressources dommageables tant pour l’entreprise elle-même que pour ses bailleurs de fonds et pour l’économie nationale. Mais la recherche d’un certain niveau de performances doit également tenir compte de la durée. Contrairement à une idée trop largement répandue, la finance d’entreprise ne préconise pas la recherche à tout prix d’un profit maximum à court terme. 74 Elle apprécie au contraire très favorablement la stabilité des performances et, en induisant les notions de valeur actuelle et de risque, cherche à ménager un compromis satisfaisant entre stabilité et rentabilité.
La maîtrise des risques financiers
La maîtrise des risques financiers constitue le troisième impératif majeur assigné à la gestion financière. Selon une formulation générale, le risque lié à un actif ou à un ensemble d’actifs diversifiés et donc une entreprise, peut être définie par référence à la variabilité anticipée des résultats qu’ils sont susceptibles d’assurer. Cette notion générale du risque est fondée sur la prise en compte de l’instabilité ou de la volatilité attendue des performances financières futures. Cependant, la gestion financière complète cette approche générale en proposant des approches plus spécifiques. Ainsi, elle étudie et cherche à maîtriser l’instabilité liée à certaines situations ou opérations (risque d’exploitation lié à la structure des coûts, risque d’endettement lié à l’effet de levier financier, risque de faillite lié à l’insolvabilité éventuelle). Enfin, elle cherche à contrôler les incidences sur l’entreprise de l’instabilité inhérente à certaines variables d’environnement (risque de change, risque de taux d’intérêt) ou à des ruptures brutales de l’environnement institutionnel (risque administratif et risque politique)
INTRODUCTION GENERALE |