Les missions Voyager
Les deux sondes jumelles Voyager 1 et 2 ont été lancées en 1977 avec pour objectif commun l’exploration du Système solaire extérieur, en particulier des quatre planètes géantes : Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Le dernier objectif de Voyager 1 fut le survol de Titan le 12 Novembre 1980 à 4 394 km au-dessus de la surface du satellite. Voyager 1 s’éloigna ensuite du plan de l’écliptique. La sonde atteint aujourd’hui les frontières du système solaire. Le survol de Titan par Voyager 2 le 27 Août 1981 s’est déroulé à une altitude plus élevée de 663 385 km.
Cette orbite permit à Voyager 2 d’utiliser l’assistance gravitationnelle de Saturne pour continuer son exploration en direction d’Uranus et Neptune.
Ces missions ont permis une importante avancée des connaissances sur Titan, en particulier de son atmosphère. En effet, l’image de Titan renvoyée par les instruments de Voyager est celle d’une boule de couleur orangée uniforme. La surface du satellite est inobservable à cause d’une épaisse couche de brumes composées d’aérosols photochimiques qui lui donnent cette couleur particulière.
Dynamique de l’atmosphère
Les nuages : L’observation de nuages a été rapportée dès 1998 par Griffith et al. (1998). La plupart sont localisés à des latitudes sud (Brown et al. 2002, Roe et al. 2005). Quelques détections près du pôle nord ont également été faites (Griffith et al. 2006). Les instruments ISS et VIMS de la sonde Cassini ont permis d’acquérir des images de ces nuages et d’en assurer le suivi (Griffith et al. 2005). Leur présence et leur évolution s’expliquent par des mécanismes probablement différents selon leur localisation en latitude. Circulation atmosphérique : La circulation des masses d’air dans l’atmosphère de Titan varie avec les saisons. Considérons la situation actuelle, à savoir l’hiver dans l’hémisphère nord. L’air plus chaud dans l’hémisphère sud remonte vers les hautes altitudes et se déplace vers le pôle nord en se refroidissant. Les masses d’air plongent vers la surface au niveau du pôle nord et se déplacent vers le sud à proximité de la surface ce qui les réchauffent. Cette grande cellule de circulation reste en place jusqu’à l’équinoxe. A ce moment, le Soleil réchauffe les régions équatoriales au niveau desquelles l’air chaud remonte. On a alors deux cellules de circulation, une dans chaque hémisphère. C’est une phase de transition entre « l’hiver nord » décrit ci-dessus et « l’hiver sud » où la situation est inversée.
Les observations depuis la Terre
Après les missions Voyager, l’étude de Titan a continué en utilisant les télescopes terrestres toujours plus puissants, notamment grâce au développement de l’optique adaptative. Les téles copes spatiaux tels que Hubble ou ISO ont également été utilisés pour l’observation de Titan car ils s’affranchissent de l’atmosphère terrestre. Ces observations ont notamment permis de détec ter des composés oxygénés dans l’atmosphère : CO par Lutz et al. (1983), CO2 par Samuelson et al. (1983) et H2O par Coustenis et al. (1998).
Les observations dans le proche infrarouge démontrent aussi la possibilité d’observer la sur face du satellite dans les fentres du méthane. En effet, dans le proche infrarouge, le méthane absorbe très fortement le rayonnement à certaines longueurs d’onde (les bandes du méthane) et très faiblement à d’autres longueurs d’onde (les fentres). Dans les fentres, il est alors possible d’observer la surface. Celles-ci sont situées à 0,83, 0,94, 1,08, 1,28, 1,58, 2,03, 2,75 et 4,9 µm. La première mesure de l’albédo géométrique de la surface est réalisée par Griffith et al. (1991). On découvre par la suite des inhomogénéités dans la brillance de la surface.
Une autre manière d’étudier l’atmosphère de Titan est d’observer l’occultation d’étoiles par le satellite. La réfraction différentielle de rayons lumineux de l’étoile produit une atténuation du flux reçu. L’analyse des courbes de lumière ainsi obtenues permet de remonter aux propriétés physiques de la haute atmosphère. Il est possible d’obtenir des profils de température, densité et pression et d’étudier les vents zonaux2 ou l’extinction des aérosols.
La mission Cassini-Huygens
La mission Cassini-Huygens est réalisée en collaboration avec les agences spatiales américaine (NASA), européenne (ESA) et italienne (ASI). Son objectif est l’étude du système de Saturne, c’est-à-dire de la planète géante, de ses anneaux et de ses nombreux satellites, notamment le plus gros de tous, Titan.
La sonde Cassini-Huygens a été lancée le 15 octobre 1997 de Cap Canaveral. Elle se compose alors de l’orbiteur Cassini et du module Huygens destiné à explorer l’atmosphère de Titan. Le 1er juillet 2004, la sonde est entrée en orbite autour de Saturne en traversant le plan des anneaux entre les anneaux F et G. Cette phase très risquée de la mission a été réalisée avec succès et a permis d’acquérir une grande quantité d’informations nouvelles sur les anneaux observés au plus près.
Le module Huygens : Le 25 décembre 2004, le module Huygens est libéré de la sonde Cassini afin qu’il descende dans l’atmosphère de Titan le 14 janvier 2004. Le module était équipé d’un bouclier thermique permettant la protection des instruments pendant la rentrée atmosphérique. A 180 km d’altitude, l’ouverture du parachute principal permet de freiner la descente de la sonde. Le bouclier thermique est alors largué et les instruments de la sonde peuvent commencer à fonctionner. L’instrument HASI (Huygens Atmospheric Structure Instruments) a mesuré les paramètres physiques de l’atmosphère, tels que la température et la pression. L’instrument DISR (Descent Imager/Spectral Radiometer) a permis d’étudier le rayonnement solaire dans l’atmosphère et sa diffusion par les aérosols dans le domaine spectral 0,85- 1,27 µm. Des images étonnantes de la surface, présentant une morphologie complexe, ont été obtenues par l’imageur de DISR. Le flux solaire étant très absorbé au niveau du sol, une lampe a été allumée peu avant l’atterrissage afin d’augmenter la luminosité. Des gaz atmosphériques ont été recueillis et analysés chimiquement par l’instrument GCMS (Gas Chromatograph Mass Spectrometer), ce qui a permis une identification et une mesure des composés présents.
Le monoxyde de carbone sur Titan
Le monoxyde de carbone a été détecté pour la première fois sur Titan par Lutz et al. (1983). C’est l’observation d’une bande d’absorption de CO dans la fentre atmosphérique à 1,6 µm qui permit cette découverte. Une abondance de 60 ppm est alors mesurée. Par la suite, de nombreuses observations ont été faites afin de déterminer l’abondance de CO. Des observations réalisées au VLT par Lellouch et al. (2003) ont permis de mesurer une abondance troposphérique de 32±10ppm.Lesobservations d’Hidayat et al. (1998) recouvrent un grand intervalle d’altitudes et indiquent un rapport de mélange qui décroît avec l’altitude. Une abondance de 29+9/-5 ppm est mesurée à 60 km, de 24±5 ppm à 175 km et de 4,8+3,8/-1,5 ppm à 350 km. Des émissions par fluorescence de CO dans la stratosphère ont été détectées avec le VLT par López-Valverde et al. (2005). Ces observations sont compatibles avec l’abondance troposphérique de 32 ppm mais nécessitent de l’augmenter à 60 ppm dans la stratosphère. Cette augmentation contredit le résultat de Hidayat et al. (1998) mais est en accord avec les valeurs successives publiées par Gurwell et Muhleman (1995; 2000) et Gurwell (2004). Les observations de cette équipe indiquent un profil vertical constant de CO avec une abondance de 50±10 ppm (Gurwell et Muhleman 1995), puis 52±6 ppm (Gurwell et Muhleman 2000) et 51±4 ppm (Gurwell 2004). Depuis 2004, des observations spatiales sont possibles grâce à la sonde Cassini. L’analyse des spectres CIRS conduit à des valeurs de l’abondance stratosphérique de 45±15 ppm (Flasar et al. 2005) et 47±8 ppm (de Kok et al. 2007). L’instrument VIMS a permis de découvrir des émissions thermiques de CO dans l’atmosphère du côté nuit de Titan (Baines et al. 2006). Ces émissions, créées dans la stratosphère, sont compatibles avec une abondance de 32±15 ppm de CO.
La diversité des résultats obtenus soulève la question du profil de CO dans l’atmosphère de Titan, c’est-à-dire la variation de son abondance avec l’altitude. Est-il constant ou présente-t-il une augmentation vers la surface du satellite? Voici la question qui se pose encore. Comme le méthane, CO est photodissocié par le rayonnement solaire. Son temps de vie est de l’ordre de 500 à 1 000 millions d’années (Wong et al. 2002, Lellouch et al. 2003), ce qui est bien supérieur au temps caractéristique de transport dans l’atmosphère de Titan d’environ 160 ans (avec une coefficient de diffusion turbulente de 1 000 cm2.s-1 ).
Table des matières
I Introduction
1 L’exploration de Titan
1.1 Découverte et premières observations
1.2 De Voyager à Cassini
1.2.1 Les missions Voyager
1.2.2 Les observations depuis la Terre
1.3 La mission Cassini-Huygens
1.3.1 Présentation
1.3.2 Le module Huygens
1.3.3 La sonde Cassini
1.3.4 Principaux résultats
2 Titan aujourd’hui
2.1 Paramètres physiques et orbitaux
2.2 L’atmosphère de Titan
2.2.1 Structure des atmosphères planétaires
2.2.2 Profil de température
2.2.3 Composition de l’atmosphère
2.2.4 Dynamique de l’atmosphère
2.3 La surface
II Méthodes
3 Le principe des occultations
3.1 Introduction
3.2 Réfraction atmosphérique
3.3 Courbes de lumière théoriques et distance de l’observateur
4 L’instrument VIMS
4.1 Objectifs
4.2 Description technique
4.2.1 Voie visible
4.2.2 Voie infrarouge
4.2.3 Description des cubes de données
4.3 Spécificité des observations d’occultations
4.3.1 Les différents modes d’imagerie
4.3.2 Le port solaire
4.3.3 Méthodes de stabilisation
5 Géométrie
5.1 Le système SPICE
5.2 Calculs des altitudes sondées
5.2.1 Format de stockage du temps
5.2.2 Calcul des positions relatives
5.2.3 Calcul des altitudes
6 L’interaction matière-rayonnement
6.1 L’équation du transfert radiatif
6.1.1 Définition de l’intensité
6.1.2 Equation du transfert
6.1.3 Processus d’extinction
6.1.4 Résolution de l’équation du transfert
6.1.5 Application au cas des occultations
6.2 Les bases de la spectroscopie
6.2.1 Niveaux et transitions : généralités
6.2.2 Niveaux de vibration
6.2.3 Niveaux de rotation
6.2.4 Transitions possibles
6.3 Profil des raies
6.3.1 Elargissement naturel
6.3.2 Elargissement collisionnel
6.3.3 Elargissement Doppler
6.3.4 Composition des profils
7 Le modèle de transfert radiatif
7.1 La méthode raie par raie
7.2 Les bases de données moléculaires
7.2.1 Absorption par CH4
7.2.2 Absorption par CO
7.3 Le modèle d’atmosphère
7.3.1 Paramètres physiques
7.3.2 Composition de l’atmosphère
7.3.3 Découpage de l’atmosphère en couches
7.4 La convolution
8 Propriétés des aérosols
8.1 Structure des aérosols
8.1.1 Caractère fractal
8.1.2 Modèles de formation
8.2 Propriétés optiques des aérosols
8.2.1 Indice complexe de réfraction
8.2.2 Analogues de laboratoire
8.2.3 Diffusion par des particules
8.2.4 Diffusion par des agrégats fractals
8.2.5 Modèles utilisés
8.3 Application aux données d’occultation
8.3.1 Profils d’extinction
8.3.2 Profil de densité
8.3.3 Autre approche : dépendance spectrale de l’opacité
III L’occultation solaire T10
9 Les courbes de lumière
9.1 Présentation des données
9.1.1 Informations générales
9.1.2 Résolution verticale
9.1.3 Effets du port solaire
9.2 Réduction des données
9.2.1 Calibration
9.2.2 Calcul des altitudes sondées
9.2.3 Calcul des courbes de lumière
9.2.4 Correction de la pente de l’émersion
9.2.5 Calcul des spectres
9.3 Analyse préliminaire
9.3.1 Réfraction ou absorption ?
9.3.2 Visualisation 2D des données
9.3.3 Anomalie à 2µm
10 Les bandes d’absorption
10.1 Le méthane
10.1.1 Identification
10.1.2 Calcul des spectres théoriques
10.1.3 Estimation du continu
10.1.4 Ajustement aux données
10.1.5 Discussion
10.2 Le monoxyde de carbone
10.2.1 Identification
10.2.2 Calcul des spectres théoriques
10.2.3 Estimation du continu
10.2.4 Ajustement aux données
10.2.5 Discussion
10.3 Absorption à 3,4 µm
10.3.1 Détection
10.3.2 Observation sur Saturne et comparaison
10.3.3 Identification
10.3.4 Discussion
10.4 Autres absorptions
11 L’extinction des aérosols
11.1 Profils d’extinction
11.2 Profils de densité : calculs
11.3 Modèles de transmission des aérosols
11.3.1 Valeurs de Ns
11.3.2 Absorptions de Khare et al
11.4 Profils de densité : résultats
11.4.1 Influence des hypothèses de départ
11.4.2 Profils de densité
11.4.3 Densité de masse
11.5 Dépendance spectrale de l’opacité
IV Les autres occultations
12 L’occultation stellaire de Gamma Crucis
12.1 Présentation et traitement des données
12.1.1 Informations générales
12.1.2 Réduction de données
12.1.3 Géométrie
12.1.4 Courbes de lumière
12.1.5 Calcul des spectres
12.1.6 Réfraction ou absorption ?
12.1.7 Visualisation 2D des données
12.2 Bandes d’absorption
12.2.1 Le méthane
12.2.2 Le monoxyde de carbone
12.2.3 Absorption à 3,4 µm
12.3 Extinction des aérosols
12.3.1 Profils d’extinction
12.3.2 Profils de densité : calcul
12.3.3 Modèles de transmission des aérosols
12.3.4 Profils de densité : résultats
12.4 Conclusion
13 L’occultation de l’étoile Antarès
13.1 Présentation
13.2 Analyse préliminaire
13.3 Perspectives
V Conclusion
Annexes
A Altitudes pour l’occultation solaire T10
B Spectres de l’occultation solaire T10
C Nouveau chapitre de la thèse
Bibliographie