Analyse d’information tridimensionnelle issue de systèmes multi-caméras

Le corps humain est capable de prouesses motrices très variées et complexes. Pour y parvenir, il est nécessaire de mobiliser près de 600 muscles, 200 os et une centaine d’articulations. Pour certains mouvements comme la marche, il en résulte une automatisation lentement acquise [39]. Cette automatisation s’effectue grâce au système nerveux central (SNC) qui intègre les informations provenant des capteurs sensoriels pour coordonner les commandes envoyées au système musculo squelettique. Cette coordination est primordiale et dépend du bon fonctionnement général du SNC. Dès lors, si l’un de ces systèmes vient à faillir, le mouvement, en tant que résultante, est affecté. Les défaillances peuvent être le fait de causes très multiples, dont un grand nombre sont plus ou moins directement dues à l’avance en âge.

Ces dernières décennies, du fait des améliorations de la médecine, la part de la population des seniors dans les pays développés augmente de manière significative. L’un des effets associés au vieillissement est une régression du SNC (avec les pathologies pouvant être associées, comme Parkinson ou Alzheimer) et du système musculo-squelettique (avec les pathologies associées : arthrose, ostéoporose …). Il en résulte alors une perte de la qualité du mouvement, que l’on observe tout particulièrement pour la marche et qui peut conduire, dans certains cas, jusqu’à la chute. Ainsi, la mesure de la qualité de la marche permet de qualifier le bon fonctionnement des différents systèmes nécessaires au contrôle du mouvement, en général. Ainsi par une mesure quantitative des paramètres de la marche, il peut être possible de diagnostiquer certaines pathologies ou encore de suivre leur évolution.

Globalement, pour effectuer ces diagnostics cliniques, on peut regrouper les approches en deux grandes familles :
– la mesure d’un paramètre en particulier, en un point de mesure, qui permet d’avoir une variable unique représentant l’état global du système. C’est le cas des mesures de type accélérométrique qui ont été utilisées pour quantifier l’irrégularité de la marche [16] ou bien encore pour détecter la chute d’une personne [28].
– les mesures en de multiples points, comme les systèmes opto-électroniques impliquant la pose d’un groupe de marqueurs sur des repères anatomiques. Dans ce cas, on fait l’hypothèse que l’information pertinente peut être répartie à différents lieux géographiques du corps, conduisant à des index globaux combinant plusieurs critères locaux [41]. Généralement, la localisation de ces points de mesure est liée à un modèle sous-jacent, qui a été défini en fonction des hypothèses initiales sur les paramètres à observer (généralement les principales articulations mises en jeu).

De ces deux approches sont nés un grand nombre de systèmes de mesures et d’index quantifiés qui reposent donc sur un échantillonnage plus ou moins fin du corps humain. D’un côté, les systèmes mono-point permettent de manipuler un paramètre unique, mais risquent de passer à côté d’informations locales très pertinentes. D’un autre côté, les systèmes multipoints tiennent compte d’un grand nombre de paramètres (déterminés à l’avance) mais rendent difficile l’analyse en raison de la taille du vecteur d’état manipulé.

Dans le domaine biomédical, l’un des grands défis est de définir le jeu minimal de paramètres (et la méthode de mesure associée) permettant d’effectuer un diagnostic pertinent du système de contrôle de la motricité. Dans cette thèse en génie biomédical, nous proposons de manipuler un échantillonnage beaucoup plus fin du corps humain (aller au-delà des quelques repères anatomiques utilisés dans les systèmes multipoints), multipliant les points de mesure, tout en ne retournant que l’information pertinente pour l’analyse clinique de la motricité. Pour cela, nous mettons en œuvre un nouveau type de mesure fondé sur l’enveloppe tridimensionnelle du sujet que nous illustrons dans deux applications complémentaires : la détection de la chute et la mesure des troubles de la marche.

En plus des aspects fondamentaux, il est important de rappeler que cette thèse s’est effectuée dans le cadre d’une convention Cifre qui implique un partenaire industriel et, donc, des résultats pratiques pouvant être facilement transférables. Dans le cas de cette thèse, l’industriel est une clinique, les « Ateliers de la marche », qui demande donc une portée clinique à ces recherches. Les méthodes abordées dans cette thèse doivent donc tenir compte de ces contraintes afin de proposer des méthodes facilement utilisables en clinique.

Le système musculo-squelettique 

Le corps humain est doté d’une structure solide grâce aux os et mobile grâce aux articulations qui les relient. Cette ossature peut être décomposée en un ensemble de segments tels que le pied, la jambe, la cuisse, le bassin, le tronc, le bras, l’avant bras, la main et la tête. Les articulations agissent comme des liaisons mécaniques (généralement des rotules) laissant un certain degré de liberté de mouvement. Les muscles agissent sur le squelette en lui appliquant des forces aux différents points d’insertion. Ils ne peuvent agir qu’en contraction le long de la ligne reliant deux points d’insertion, ou des points de passage sur le squelette [45]. Le principe de fonctionnement consiste à resserrer le chevauchement de fibres d’actine et de myosine situées au cœur des cellules musculaires .

Pour pouvoir effectuer un mouvement, deux muscles antagonistes sont placés de part et d’autre de l’articulation pour, alternativement exercer un moment de force sur celle-ci, favorisant ou luttant contre le mouvement. La mise en mouvement est due au résultat non nul du bilan des moments de force au centre de rotation. Au-delà des simples muscles agonistes et antagonistes, chaque articulation est associée à un ensemble de muscles, dont certains sont mono-articulaires, et d’autres agissent conjointement sur plusieurs articulations. Le système est dit redondant, car il existe une multitude de coordinations musculaires entraînant le même effet sur l’articulation. C’est la variation du nombre de petits groupes musculaires redondants recrutés qui permet de faire varier l’intensité de la force exercée. La nécessité de contrôler efficacement la contraction de chaque muscle est très importante pour permettre d’effectuer le mouvement désiré, c’est le rôle du système nerveux.

Le système nerveux

Le système nerveux a pour objectif de mesurer, véhiculer et intégrer l’information. Pour cela il se décompose en deux parties, le système nerveux périphérique (SNP) et le système nerveux central (SNC). Le premier amène les informations des capteurs sensoriels vers le système nerveux central et de celui-ci aux muscles. Le système nerveux central intègre les données afférentes, les analyse puis élabore des commandes qui sont ensuite envoyées au système nerveux périphérique pour être relayées aux muscles. Pour contrôler efficacement un mouvement, le système nerveux central se fonde sur des informations internes et externes. Les informations internes proviennent des capteurs d’extension qui prennent place directement au niveau des muscles et des ligaments dans le but d’indiquer leur état de tension. On parle alors de proprioception. L’oreille interne, située derrière l’oreille, contient le système vestibulaire qui donne une information sur la direction de la gravité. Les informations externes proviennent principalement de la vue et des capteurs de pression situés sur la peau et plus particulièrement sous les pieds. Les autres sens peuvent aussi être impliqués, généralement dans une moindre mesure. Le système nerveux central traite ces informations pour définir les commandes musculaires nécessaires pour effectuer le mouvement voulu. Dans ces processus de traitement, il existe des boucles de rétroaction qui adaptent la commande musculaire en fonction du déroulement du mouvement retourné par le SNP et de la commande. Un grand nombre de pathologies peuvent affecter la prise d’information, ou une ou plusieurs parties du système SNC ou du SNP. L’effet de ces pathologies est donc visible sur le mouvement, ce qui a conduit à définir de nombreux tests cliniques fondés sur une analyse quantifiée de ces mouvements.

Table des matières

1 Introduction
1.1 Systèmes mis en jeu dans le mouvement de la marche
1.1.1 Le système musculo-squelettique
1.1.2 Le système nerveux
1.2 Le mouvement de la marche
1.3 L’impact de la pathologie sur la marche
1.4 Relation entre la marche, l’âge et la chute
1.5 Objectifs des travaux de la thèse
2 Détection de la chute
2.1 Relation entre l’âge et la chute
2.2 Quelques chiffres
2.3 État de l’art
2.3.1 Appareil d’alerte des secours en cas de chute
2.3.2 Dispositif de détection de chute automatique
2.4 Problématique
2.5 Méthode
2.5.1 Mode de représentation du volume
2.5.2 Discussion du choix de représentation du volume
2.5.3 Le calibrage
2.5.4 Mise en œuvre
2.6 Conclusions
3 Détection de la chute avec un système multi-caméras résistant aux occultations
3.1 abstract
3.2 Introduction
3.3 Method
3.3.1 Camera level
3.3.2 Data fusion level 1
3.3.3 Fall detection level
3.4 Materials and experiments
3.4.1 Experimental set-up
3.4.2 Fall scenarios
3.4.3 Data analysis
3.4.4 Statistical analysis
3.5 Results
3.5.1 VVDR behavior
3.5.2 Real-time implementation
3.6 Discussion
3.7 Conclusions
4 Conclusion

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