Analyse des scénarios : documents « élèves »

L’analyse des scénarios et des déroulements

Dans un premier temps, nous avons réalisé une analyse de chacun des scénarios proposés par les cinq enseignants. Comme nous l’avons expliqué au chapitre VI, cette analyse permet de préciser les activités des élèves attendues par chaque enseignant. Nous pouvons alors reconstruire l’itinéraire cognitif que les enseignants ont prévu pour leurs élèves.
Cette analyse a priori des scénarios nous amène à étudier à la fois les activités d’introduction, les contenus des cours et la liste des exercices en prenant comme référence l’étude de relief sur les notions de droites et de plans dans l’espace.
L’étude de relief réalisée dans la partie 1 met en évidence que les notions de géométrie analytique dans l’espace sont des extensions des notions de la géométrie analytique plane pour lesquelles des ruptures se produisent. Notre analyse des manuels présentée dans le chapitre VII suggère que le type des notions n’est pas pris en compte dans les scénarios potentiels. Nous étudions alors comment la distance entre les connaissances

Éléments méthodologiques

antérieures des élèves et les nouvelles connaissances est prise en compte dans les activités introductives dans les scénarios des enseignants. De plus, nous cherchons à repérer si des moyens de contrôles internes sont proposés aux élèves afin que les ruptures n’engendrent plus de conceptions erronées.
Nous avons déjà expliqué dans le chapitre VI que l’analyse a priori des cours passe par une étude de la mise en forme du texte du savoir choisie par l’enseignant, mais aussi par les différents rapprochements qu’il peut effectuer entre ce texte et les élèves.
De ce fait, nous étudions l’organisation des contenus proposée dans les cinq scénarios.
En particulier, nous cherchons à déterminer l’ordre dans lequel les droites et les plans sont introduits puisque notre analyse des manuels a montré que cela peut avoir des répercussions sur les activités liées à l’interprétation géométrique des objets. De plus, notre question de recherche présentée à la page 170 nous amène également à repérer les cadres, les registres et les points de vue en jeu. Cela nous aide à déterminer les activités liées aux traitements internes qui peuvent être attendues des élèves à la suite du cours.
Nous avons montré dans le chapitre VI que la qualité des médiations des enseignants est un facteur important qui peut influencer les activités possibles des élèves. C’est pourquoi nous traquons toutes les occasions de proximités entre ce qui est dans le cours et les connaissances que les élèves ont déjà ou les activités qu’ils ont déjà pu réaliser (ce qui est dans la ZPD des élèves). Nous analysons finalement a priori les tâches proposées dans chaque scénario. Il s’agit de préciser, pour chaque tâche, les connaissances en jeu (anciennes, en cours d’acquisition, nouvelles), le niveau de mise en fonctionnement des connaissances (et donc les adaptations à réaliser), la place et la fonction 1 de la tâche dans le scénario, ainsi que sa répétition. Nous pouvons préciser à la suite de ces analyses toutes les activités attendues des élèves pour chacun des cinq scénarios et éventuellement mettre en évidence quelques similitudes et variabilités dans les activités enseignantes (composante cognitive).
Les activités attendues des élèves peuvent ne pas être provoquées en classe ou être modifiées par les conditions de travail ou les interventions des enseignants. Nous étudions donc dans un deuxième temps les déroulements afin de déterminer tout ce qui peut influencer les activités des élèves. Afin d’y parvenir, nous avons filmé les cinq enseignants pendant toute la durée du chapitre de géométrie analytique dans l’espace. La caméra était installée au fond de la classe et dirigée uniquement sur l’enseignant et le tableau.
Nous avons ainsi filmé 78 périodes 2. Les interrogations n’ont pas été filmées. De ce fait, le chapitre dure environ 17 périodes par enseignant. Nous analysons a posteriori ces séances de classe afin de reconstituer les activités possibles des élèves en classe.
Nous cherchons à préciser à partir des séances filmées les conditions de travail organisées par l’enseignant ainsi que ses interventions à la fois lors des cours et lors des exercices.
L’analyse a posteriori des différents scénarios passe notamment par la reconstruction de la chronologie globale suivie par chaque enseignant en classe.

Les activités d’introduction

Nous présentons les activités d’introduction proposées par les enseignants P1, P3, P4 et P5. Nous cherchons à déterminer comment les nouvelles connaissances de géométrie analytique sont intégrées aux connaissances anciennes des élèves en géométrie analytique plane.

Les enseignants P1 et P3

L’enseignant P1 donne deux points A(􀀀2;0) et B(4;3) placés dans un repère orthonormé du plan. Aucune consigne n’est écrite. Seule l’expression « P(x;y) 2 AB,» est présente sur la feuille. Il s’agit donc de traduire le fait qu’un point appartienne à une droite à la condition que les trois points soient alignés. Il est possible que l’enseignant en classe rappelle la notion de vecteurs colinéaires afin de traduire cette condition d’alignement des points en termes vectoriels. Il y a une occasion de proximité horizontale.
Nous supposons ensuite que cette équation est écrite en termes de composantes des vecteurs.
Il se peut que l’enseignant ajoute dans son discours des rappels concernant les opérations vectorielles (composantes, addition, multiplication par un scalaire, égalité).
Il y a encore une fois une occasion de proximité horizontale. De l’équation paramétrique, le paramètre est éliminé pour obtenir une équation cartésienne de la droite AB.
L’enseignant en classe peut généraliser chacune des équations écrites dans cette activité introductive afin de rappeler les différentes équations vues en géométrie analytique plane. Il y a donc une occasion de proximité ascendante. Cette activité d’introduction permet de décrire une droite par des équations. Le deuxième aspect de l’interprétation géométrique est donc travaillé et amène des jeux de cadres et des changements de points de vue. De plus, le point P est considéré ici comme étant un point quelconque de la droite AB. Il n’est pas indiqué que la droite AB est l’ensemble de tous les points P vérifiant leséquations données. Il est possible que cette description de la droite par un ensemble de points soit ajoutée par l’enseignant en classe.
Après ce travail, une question est posée : « Comment pouvons-nous écrire l’équation cartésienne d’une droite sous forme générale dans R2 ? ». Il est possible que l’enseignant veuille attirer l’attention sur le fait qu’une équation de la forme y = mx+ p, où m est la pente de la droite et p l’ordonnée à l’origine, ne permet pas de décrire toutes les droites du plan. Cette hypothèse est appuyée par le fait qu’avant cette question nous arrivons à une équation de la forme y = mx+ p et qu’après se trouve la phrase suivante : « Dans R2, la forme générale de l’équation cartésienne d’une droite d est d ax+by = c avec (a;b) 6= (0;0) ». Notons que l’enseignant écrit « l’équation » et non « une équation ». Cela peut amener chez les élèves des difficultés à comprendre la non unicité des représentations d’un même objet. Il est possible aussi que ce passage entre les deux formes d’équations soit une source de difficultés pour les élèves. En effet, nous avons vu dans les programmes scolaires (voir chapitre IV) que la première forme apparait dans le cadre des fonctions et la deuxième dans le cadre de la géométrie analytique plane. Des commentaires méta, voire des proximités horizontales, peuvent être ajoutés par l’enseignant en classe.
Cette activité d’introduction a pour objectif de rappeler les connaissances des élèves en géométries synthétique, vectorielle et analytique planes. Les nouvelles connaissances n’émergent pas de celle-ci. Toutefois, l’extrait proposé à la figure VIII.1 suggère que l’enseignant va s’appuyer sur le travail déjà réalisé dans le plan pour les introduire.

Extrait issu des documents fournis aux élèves par l’enseignant P5

Il est également demandé dans cette activité de décrire les axes Ox, Oy et Oz durepère. Cela amène à décrire ces droites comme des ensembles de points dont deux des coordonnées sont nulles ou comme l’intersection de deux plans. Le deuxième aspect de l’interprétation géométrique pour les droites peut être travaillé pour les équations et/ou les ensembles de points. Aucune occasion de proximité ascendante n’est repérée entre cette activité et les notions théoriques suivantes. En effet, ni la démarche, ni les résultats ne sont généralisés.
Ainsi, bien qu’une activité d’introduction sur les équations incomplètes de plans soit proposée par les enseignants P4 et P5, les activités attendues des élèves ne sont pas les mêmes. Il s’agit essentiellement de reconnaître le plan à partir d’une représentation visuelle dans le cours de l’enseignant P4. Pour P5, une description du plan par des équations et/ou des ensembles doit être déterminée. Cela peut, selon nous, s’expliquer par la différence entre les objectifs des enseignants : mettre en évidence une rupture lors de l’extension du plan à l’espace ou décrire des objets par des équations.

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Extrait issu des documents fournis aux élèves par l’enseignant P5

Cet enseignant s’appuie sur les connaissances anciennes et en cours d’acquisition des élèves. En effet, il traduit l’appartenance du point P au plan p en termes de vecteurs coplanaires, tout comme il l’a déjà fait pour introduire une équation vectorielle d’un plan. De plus, en discutant avec cet enseignant, nous apprenons que les notions de matrices, de déterminants et leurs propriétés ont été étudiées avec les élèves un peu avant d’aborder la géométrie analytique dans l’espace. Ces notions n’ont pas été vues au sein du cours de mathématiques, mais plutôt dans un cours de mathématiques préparant aux études supérieures. En effet, en Belgique, certaines écoles proposent une option dans laquelle les élèves ont 8 heures de mathématiques hebdomadaires : les 6 heures de l’option scientifique et deux heures supplémentaires préparant les élèves à leurs futures études. L’avantage de ces deux heures supplémentaires est qu’elles ne sont pas sujettes à un programme. L’enseignant y enseigne ce qu’il veut. L’enseignant P5 a donc choisi d’étudier ces notions au sein de ce cours. Ainsi, une façon de détourner l’absence de ces notions dans les nouveaux programmes est de les étudier dans le cours préparatoire.
Cependant, nous notons que toutes les classes de mathématiques pour scientifiques ne suivent pas forcément ce cours supplémentaire. L’enseignant P5 s’appuie alors sur les notions que les élèves ont déjà vues pour introduire la forme générale des équations cartésiennes de plans. Le registre en jeu est celui de la langue naturelle accompagné de plusieurs expressions algébriques. L’enseignant peut rappeler en classe que des colonnes proportionnelles dans un déterminant amènent à ce qu’il soit égal à 0, ainsi que la méthode de Sarrus. Il y a des occasions de proximités horizontales avec les connaissances des élèves sur les déterminants.

Résultats généraux

Tous les enseignants proposent des jeux de cadres entre les géométries synthétique, vectorielle et analytique. La démarche pour amener les équations de droites et de plans est identique chez quatre enseignants. Pour eux, il s’agit de partir de la caractérisation des objets en géométrie synthétique, de traduire celle-ci dans le cadre de la géométrie vectorielle (équation vectorielle), puis dans le cadre de la géométrie analytique (équation paramétrique). Ainsi, tout comme pour les manuels, la géométrie vectorielle permet de relier la géométrie synthétique à la géométrie analytique. Ces changements de cadres restent ponctuels et à sens unique. En effet, un recours aux connaissances de géométrie synthétique n’apparait que pour introduire les équations des objets et les positions relatives dans le cadre de la géométrie vectorielle. De plus, à aucun moment il n’est nécessaire de passer du cadre de la géométrie analytique au cadre de la géométrie synthétique. Ainsi, bien que des jeux de cadres interviennent dans les scénarios de la plupart des enseignants, ceux-ci restent peu exploités. Nous notons que l’enseignant P2 propose un scénario légèrement différent des autres enseignants. Sa démarche est présentée à la figure VIII.12.

Bilan sur les activités attendues des élèves

L’analyse a priori des scénarios des cinq enseignants a montré qu’ils sont assez similaires autant dans la progression des contenus du cours que dans les tâches proposées.
Nous avons ainsi pu déterminer les activités attendues des élèves pour les notions visées en décrivant les adaptations qui sont à réaliser au sein des scénarios.
Nous avons constaté à la fois dans les cours et les tâches prescrites qu’une grande disponibilité des connaissances antérieures des élèves est nécessaire. Les connaissances de géométries synthétique et vectorielle dans l’espace sont mobilisées par tous les enseignants pour introduire les nouvelles notions. Certains enseignants s’appuient également sur les activités réalisées par les élèves pour les notions de géométrie analytique plane. Un accent fort est donc porté sur l’intégration des nouvelles connaissances dans le bagage mathématique que les élèves possèdent. Toutefois, nous avons constaté que ces connaissances sont rarement explicitées dans les documents fournis aux élèves. Il est possible que l’enseignant en classe aide les élèves à mettre en relation les connaissances anciennes et nouvelles, offrant notamment de nombreuses occasions de proximités horizontales. L’analyse a priori des tâches a mis en évidence que ce sont surtout les connaissances anciennes de géométrie vectorielle dans l’espace qui doivent être mobilisées en même temps que les connaissances nouvelles (ou en cours d’acquisition) comme cela a été illustré pour les exercices 3 et 10. Seules quelques tâches permettent à la fois de mettre en oeuvre les connaissances anciennes de géométrie synthétique et les connaissances nouvelles. De ce fait, le parallèle préconisé par les programmes entre les connaissances et les démarches de géométrie synthétique et de géométrie analytique est peu travaillé dans les scénarios.
En dehors des applications simples et immédiates des résultats, l’organisation du raisonnement est souvent découpée en plusieurs étapes à la fois dans les exemples abordés dans le cours et dans les tâches prescrites. Une reconnaissance des modalités d’application des différentes équations est généralement nécessaire. Par exemple, un point et un vecteur normal d’un plan sont nécessaires pour déterminer une équation cartésienne de ce plan. Des traitements internes sont en jeu pour réaliser la majorité des tâches prescrites (cours et exercices). Il s’agit principalement de jeux de cadres entre les géométries vectorielle et analytique, de conversions entre les registres de la langue naturelle, algébrique et ensembliste et d’un changement de points de vue dans le sens paramétrique/ cartésien. Des choix de méthodes sont parfois à effectuer pour ce changement de points de vue selon que les équations aient été introduites ou non avec les déterminants.
Lors de la réalisation de ces tâches, les enseignants peuvent faire des rapprochements entre ce que les élèves ont déjà fait ou ce qu’ils ont déjà vu en toute généralité et le cas particulier à traiter. Il y a donc des occasions de proximités descendantes.

Analyse des déroulements

Comme nous l’avons expliqué dans notre méthodologie, nous présentons tout d’abord la chronologie globale suivie en classe par les cinq enseignants. Puis, nous analysons les déroulements des deux moments précis analysés a priori afin d’étudier les interventions des enseignants en classe. Nous proposons, par après, les résultats issus de notre analyse des déroulements pour l’ensemble des moments d’exposition des connaissances. Nous réalisons enfin une analyse a posteriori des tâches travaillées en classe.

Chronologie globale a posteriori

L’analyse a priori du scénario est réalisée dans le tableau VIII.1. Nous présentons le déroulement effectif de chaque scénario dans le tableau VIII.4. Nous avons ainsi une idée de l’ordre dans lequel les notions sont effectivement introduites, mais aussi des tâches qui ont été travaillées. Nous ajoutons le découpage du scénario en séances et la durée approximative de chaque étape. Les abréviations « AI », « C » et « E » correspondent aux étapes respectives « Activité(s) d’introduction », « Cours » et « Exercices ». Globalement, la chronologie prévue a priori a été respectée par les cinq enseignants. Toutefois, nous notons quelques différences. Nous les avons écrites en rouge dans le tableau VIII.4. Tous les enseignants proposent des activités d’introduction. Les enseignants P2 et P5 en réalisent plus en classe que ce qui est prévu dans les feuilles.
L’enseignant P2 propose des activités d’introduction du manuel CQFD (2014). Nous les avons déjà analysées dans le chapitre VII. Nous rappelons qu’elles travaillent les jeux de cadres, les changements de points de vue dans le sens paramétrique/cartésien et les conversions entre les registres de la langue naturelle, du dessin et algébrique. L’enseignant P5 ajoute une activité d’introduction pour les positions relatives de deux droites, de deux plans et d’une droite avec un plan. Il s’agit en réalité de l’exercice 10 (voir annexe C) qui est résolu par groupe de deux ou trois élèves.

Les moments d’exposition des connaissances

Nous avons choisi d’étudier dans notre analyse a priori deux moments précis pour les moments de cours des cinq scénarios. Il s’agit des équations cartésiennes de droites dans l’espace et du passage d’une équation paramétrique à une équation cartésienne pour les plans. Nous étudions désormais le déroulement précis de ces deux moments de cours, ainsi que les interventions des enseignants. Nous présentons ensuite les résultats généraux de notre analyse de l’ensemble des moments d’exposition des connaissances pour les cinq enseignants.

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