ANALYSE DES DONNÉES Le besoin de financement
Je vais ici dans un même temps mettre en exergue les points saillants des différents entretiens sous différentes thématiques, et analyser les discours en tentant de répondre à la question de départ qui, je le rappelle, est la suivante : en quoi le statut de Mayotte est-il problématique pour l’adaptation des politiques linguistiques et éducatives ? Les métadonnées me serviront à analyser les propos de chacun dans cette partie. Les associations et structures sont nombreuses et le budget qui leur est attribué ne semble pas à la hauteur de la tâche à effectuer. A tel point qu’une association s’est créée dans le but de pallier le manque budgétaire de l’Éducation Nationale. Nous en avons parlé plus haut, l’Association du Personnel de Mamoudzou Nord (APMN) a été créée, entre autres raisons, pour pouvoir répondre à des appels à projets puisque le budget de l’Éducation Nationale ne permet pas de créer beaucoup de projets, selon une conseillère pédagogique de la circonscription. C’est un obstacle qui a également été soulevé par un inspecteur ayant travaillé à Madagascar auparavant :
IEN1 : A Madagascar j’avais un budget j’avais des sous, j’étais en coopération je pouvais faire des choses, ici tout ce que je veux faire il faut que ça passe par la hiérarchie et puis ça redescend jamais (…). Ici il y a des tas d’écoles qui veulent s’engager sur des projets de jardins pédagogiques donc s’ils veulent faire leur projet il faut qu’ils soient appuyés par le Vice-Rectorat. Le Vice-Rectorat quand ils vont voir le devis avec les graines, le terreau, etc… ce sera non parce que c’est pas prévu dans les textes. Ah si s’ils veulent acheter des livres, des manuels, là oui mais les initiatives locales c’est mort (…). C1 : Ce qui est bien c’est qui a un intérêt là en plus y’a une conjoncture très favorable (Vice-Rectorat) et puis c’est important dans le paysage, SHIME, je leur ai demandé de collaborer pour un projet (un livret trilingue sur la communication en classe) les étudiants avaient demandé à SHIME ils n’ont pas eu de réponse, X m’a dit non sans convention et je pense que sans rémunération ce sera non. Finalement une association a priori c’est fait pour défendre quelque chose mais il y a tellement une question de financement et de captation des fonds du Conseil Départemental que ça vient biaiser l’action.
aux problématiques démographiques, il y a nécessité de construire des établissements. Le budget pour la rémunération des enseignants venus de métropole est considérable, et la formation des futurs enseignants implique un investissement humain et un budget. Peut-être que la priorité n’est donc pas encore mise sur les questions linguistiques. C’est ce que l’on pourrait penser, pourtant, la priorité de l’État est mise sur la scolarisation des enfants, la réussite scolaire, et par conséquent, l’amélioration du niveau de français. Une des raisons pour lesquelles Mayotte n’a pas le budget nécessaire aux améliorations souhaitées est tout d’abord, l’inadaptation des politiques linguistiques et donc la nécessité pour les agents de redoubler d’effort, efforts qui demandent de l’argent. Mais aussi parce qu’elle est département français, et à ce titre, elle ne peut pas faire partie de la Francophonie et jouir des possibilités qu’offrent la coopération linguistique et éducative.
Le besoin de pérennisation et de stabilité
Alors on a expérimenté dans deux villages à Acoua pour le kibushi et Bandrélé pour le shimaore. Le programme était solide avec l’idée suivante : le constat qui a été fait c’est que les élèves mahorais ne maîtrisent pas le français. Pour les aider à le maîtriser il serait peut-être intéressant de les accueillir dans leurs langues maternelles. Une dose assez importante en petite section et on diminuait progressivement le volume horaire. L’idée initiale c’était qu’au CP il n’y ait plus du tout d’enseignement. Le but était de voir le résultat au bout des trois années de travail.
Ensuite en 2005, en ma qualité de chargé de mission nous avons mis en place un colloque à l’université de l’époque (…). Suite à ce colloque nous avons relancé l’expérimentation. On a évité les deux villages. On est partis sur Mtsangamuji pour le kibushi et Mangaju pour le shimaore. Avec cette fois-ci une classe témoin, pour voir exactement l’évolution des choses, deux enseignants, un en shimaore ou kibushi et un en français et avec cette contrainte d’aller jusqu’au terme c’est-à- dire trois ans. On fait le point et on avance ou on recule. On avait mandaté monsieur F.Laroussi. J’ai demandé qu’il y ait un conseiller pédagogique qui puisse suivre l’expérimentation mais je voulais également qu’il y ait un spécialiste des langues pour que la pédagogie et la linguistique puissent réellement aider les enseignants (…) nous n’avons pas de constat à l’échelle scientifique mais on a quand même constaté que les élèves qui ont suivi l’expérimentation s’exprimaient mieux en français que l’autre classe, c’est un constat sans équivoque.
Les expériences datent, au plus tard de 2005. On peut penser que, même si elles n’ont pas abouti, elles ont impacté le système éducatif. Dans certaines circonscriptions aujourd’hui, il existe des classes plurilingues. C’est une expérimentation qui n’a rien d’officiel, menée dans neuf classes de l’île, à l’initiative d’un inspecteur de la circonscription de Kaweni. Le déroulement est le même que les expérimentations évoquées plus haut : le but est de suivre les apprenants sur les trois sections de maternelle ne prenant en compte et en valorisant toutes les langues de la classe. Ces classes font de l’éveil aux langues55, comme toutes les petites sections de Petite Terre56. Il y a dans la classe que j’ai eu l’occasion d’observer deux enseignants. Un pour les langues locales et un pour le français. La personne que j’ai rencontrée est en charge des langues locales et a été formée en Guyane pour maintenant former les enseignants à Mayotte.