Analyse des consommations antibiotiques et des résistances bactériennes

L’antibiorésistance: le revers de la médaille

Les mécanismes de la résistance : La résistance aux antibiotiques est un phénomène aussi ancien que leur apparition. On en distingue deux types : la résistance naturelle et la résistance acquise. La résistance naturelle : Aujourd’hui souvent d’origines synthétiques et produits par l’homme, les antibiotiques sont au départ des substances naturelles produites par des champignons mais aussi par certaines bactéries pour se « défendre » contre les autres bactéries. Les bactéries n’étant pas suicidaires, les premières qui ont appris à synthétiser des antibiotiques ont développé dans le même temps les moyens de s’en protéger. Il s’agit là de résistance naturelle aux antibiotiques. La résistance naturelle ou intrinsèque d’une espèce ou d’un genre est une caractéristique innée, stable appartenant à l’ensemble des souches de cette espèce ou de ce genre. Elle est transmissible à la descendance car portée par le chromosome (transmission verticale) mais elle n’est pas ou peu transmissible sur un mode horizontal (d’une bactérie à l’autre au sein d’une même espèce ou entre espèces différentes).
La résistance naturelle définit le phénotype sauvage de l’espèce. Les mécanismes sont variés : absence de cible, production d’enzymes inactivatrices de l’antibiotique, absence d’accès à la cible .
La résistance acquise : Celle-ci ne concerne qu’une partie plus ou moins importante, variable dans le temps, de souches d’une espèce ou d’un genre. Sa survenue est brutale, secondaire à un événement imprévisible. Elle existe grâce à l’acquisition d’un ou de plusieurs mécanismes de résistances qui détermine un phénotype bien précis différent du phénotype sauvage. Les mécanismes sont également variés : défaut d’affinité pour la cible bactérienne, efflux, imperméabilité, inactivation des principes actifs. Elle est transmissible à la descendance.
La résistance acquise a été observée dès le début de l’antibiothérapie mais sa fréquence était initialement faible. La généralisation de l’utilisation à toutes les familles d’antibiotiques a conduit à une sélection des souches résistantes. Ce phénomène a atteint une telle ampleur que la seule identification bactérienne ne permet plus de prédire le comportement d’une souche isolée vis-à-vis des antibiotiques d’où l’intérêt et la nécessité de réaliser des antibiogrammes.

Facteurs contribuant à la résistance des antibiotiques

Utilisation des antibiotiques chez l’homme : Fleming craignait qu’une utilisation de la pénicilline à grande échelle ne sélectionnât des bactéries résistantes, aussi plaidait-il pour une administration intraveineuse uniquement sous surveillance médicale. Une commercialisation de pénicilline orale entraînerait selon lui une mauvaise utilisation.
Malgré tout, des spécialités orales de pénicilline et d’autres antibiotiques apparurent sur le marché et comme l’avait prédit Fleming, ces médicaments ont été employés à bon et mauvais escient, pour des pathologies aussi bien virales, que bactériennes, sans même l’assurance d’un diagnostic parfait.
Les antibiotiques se sont généralisés comme traitement efficace de lutte contre les infections jusqu’à devenir des médicaments pratiquement banalisés. Ainsi, toute mauvaise utilisation renforce considérablement la pression sélective vis-à-vis des bactéries qui s’adaptent et se multiplient. Comme cela a été rappelé plus haut, les antibiotiques n’induisent pas la résistance mais, par leur pression de sélection, ils permettent l’émergence des souches résistantes qui, au sein d’un biotope, seront favorisées par rapport aux souches sensibles.
Les antibiotiques dans l’agriculture et l’élevage : Peu après leur introduction en médecine humaine, les antibiotiques ont été utilisés chez les animaux pour traiter différentes maladies infectieuses. Ils ne sont pas utilisés uniquement pour guérir les animaux malades mais aussi lorsqu’un pourcentage du cheptel est atteint, mettant en danger les autres, ou lorsqu’il y a des facteurs de risque infectieux sans que les animaux soient malades.
De plus, les éleveurs ont ajouté en petites doses des antibiotiques aux aliments des animaux sains afin d’accélérer leur croissance, et de réduire leur ration quotidienne. Cette pratique est désormais interdite depuis 2006 en Europe.

Politiques de bon usage des antibiotiques

Les trois plans antibiotiques : Jusqu’au début des années 2000, la France était le pays européen qui consommait le plus d’antibiotiques. Cette consommation a participé à l’apparition de nombreuses bactéries résistantes, et a entraîné les taux élevés de résistance bactérienne qui sont désormais observés en ville et à l’hôpital.
C’est dans ce contexte que le Ministère de la santé a élaboré un plan d’action pluriannuel 2001-200529 avec comme objectif de maîtriser et de rationaliser la prescription des antibiotiques. Le plan était articulé autour de sept axes avec des objectifs essentiellement d’ordre qualitatif :
Améliorer l’information : Des actions auprès du grand public ont été menées telles que les campagne de communication « les antibiotiques c’est pas automatique » de la Caisse nationale d’assurance maladie, qui ont permis de faire baisser la consommation d’antibiotiques de 16% entre 2002 et 2004 (la diminution a été surtout importante chez les enfants où elle atteint 20,6% chez ceux âgés de 0 à 6 ans). Cette campagne a été reconduite le 18 octobre 2005.
Mettre à disposition des professionnels des outils tels que : la mise à disposition des TDR ou strepto-test qui permettent de faire la différence en quelques minutes entre une origine bactérienne à streptocoque du groupe A (qui justifie des antibiotiques) et une origine virale (la prescription d’antibiotiques est alors inutile) ;
diffusion par l’ANSM des référentiels déjà élaborés sur le traitement des infections respiratoires auprès des professionnels concernés ; élaboration et diffusion de fiches de « non-prescriptions » adaptées aux pratiques des professionnels. Améliorer le bon usage des antibiotiques à l’hôpital : A cette fin, une circulaire a été élaborée et adressée à l’ensemble des établissements de santé. Il s’agit de la circulaire DHOS/E2/DGS/SD5A/2002/272 du 2 mai 2002 relative au bon usage des antibiotiques dans les établissements de santé et à la mise en place à titre expérimental de centres de conseil en antibiothérapie pour les médecins libéraux .
Elle préconise la création d’une commission des antibiotiques (qui pourrait être issue du comité du médicament et des dispositifs médicaux stériles), en lien avec le CLIN, et la désignation d’un médecin référent en antibiothérapie par établissement.
La parution du décret n° 2013-841 du 20 septembre 2013 rend désormais obligatoire l’application de ces mesures par les établissements de santé. L’article 6 de ce décret « prévoit la désignation d’un référent en antibiothérapie (…) ce référent assiste la commission médicale d’établissement dans la proposition des actions de bon usage des antibiotiques et l’élaboration des indicateurs de suivi de mise en œuvre de ces mesures ; il organise le conseil thérapeutique et diagnostique dans l’établissement ».

Les Antibiotiques, la révolution médicale du XXème siècle

L’utilisation des antibiotiques en thérapeutique humaine débute avec la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming en 1928, et la mise en évidence de son pouvoir antibactérien in Vivo par Florey et Chain en 1938 qui signera l’entrée dans la médecine moderne .
L’avènement des antibiotiques a constitué un formidable progrès thérapeutique. Leur utilisation a permis de réduire considérablement la mortalité liée aux infections bactériennes souvent voire toujours fatales, comme la tuberculose et les méningites bactériennes. Les antibiotiques contribueront également à la réduction de la morbidité et de la mortalité liées aux infections chez les patients fragilisés sous chimiothérapies immunosuppressives. Ils permettront également la réalisation de certaines interventions chirurgicales comme les transplantations d’organes. Il existe aujourd’hui plusieurs familles d’antibiotiques composées de molécules naturelles, semi synthétiques ou de synthèse, qui inhibent spécifiquement une espèce bactérienne ou une ou plusieurs familles bactériennes.
Cinq grandes catégories peuvent être différenciées : les inhibiteurs de la synthèse de la paroi bactérienne : bêta-lactamines (pénicillines, céphalosporines, carbapénèmes et monobactames), glycopeptides (vancomycine, teicoplanine), fosfomycine ;
les inhibiteurs de la synthèse protéique par liaison au ribosome : aminosides, tétracyclines, macrolides et apparentés (lincosamides-streptogramine), phénicolés, acide fucidique, oxazolidinones ; les inhibiteurs de la synthèse des acides nucléiques : quinolones, rifamycines ; les inhibiteurs de la synthèse microbienne de l’acide folique, coenzyme indispensable à la synthèse des bases puriques et pyrimidiques : sulfamides ; les antibiotiques agissant sur la membrane cytoplasmique : polypeptides (daptomycine, bacitracine, polymyxines); les antibiotiques agissant sur la structure de l’ADN : nitrofuranes et nitroimidazolés.

Table des matières

Introduction
1. Rappel historique et bibliographique
1.1. Les antibiotiques, la révolution médicale du XXème siècle
1.2. L’antibiorésistance : le revers de la médaille
1.2.1. Les mécanismes de la résistance
1.2.1.1. La résistance naturelle
1.2.1.2. La résistance acquise
1.2.1.3. La multi résistance
1.2.2. Facteurs contribuant à la résistance des antibiotiques
1.2.2.1. Utilisation des antibiotiques chez l’homme
1.2.2.2. Les antibiotiques dans l’agriculture et l’élevage
1.2.2.3. Tourisme médical et voyages
1.2.3. Epidémiologie de la résistance
1.2.3.1 Situation en Europe
1.2.3.2 Situation en France
1.3. Surveillance épidémiologique de la résistance et politique de bon usage des antibiotiques
1.3.1. Les actions de surveillance de l’Union Européenne
1.3.2. La stratégie française
1.3.2.1. Surveillance des consommations et des résistances
1.3.2.2. Politiques de bon usage des antibiotiques
1.3.2.3. Politique régionale
1. Travail expérimental
2.1. Contexte
2.2. Objectifs
2.3. Méthode
2.3.1. Période
2.3.2. Etablissements de santé inclus
2.3.3. Données recueillies
2.3.4. Analyse des données
2.4. Résultats
2.4.1. Evolution des consommations antibiotiques sur trois ans des huit établissements
2.4.1.1. Consommation totale
2.4.1.2. Consommation des quatre familles « cibles »
2.4.1.3. Consommation par molécule
2.4.2. Comparaison inter établissement
2.4.2.1. Consommation par famille et molécule
2.4.3. Politique d’utilisation des antibiotiques
2.4.4. Données de résistance bactérienne
2.4.4.1. Evolution sur trois ans
2.4.4.2. Comparaison inter établissement
2.4.5. Confrontation des données de consommation antibiotique et de résistance bactérienne
2.5. Discussion 
Conclusion 
Annexes 
Références bibliographiques

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