ANALYSE DE L’EVOLUTION DU LITTORAL
L’accrétion de sable à l’amont d’un brise-lames et l’érosion à l’aval sont des phénomènes communs dans la gestion littorale. Des changements de la géomorphologie du littoral, semblables à ceux rencontrés par Nouakchott, ont également affecté d’autres endroits : Santa Barbara, Etats-Unis (Komar, 1998) ; Lanshan, Chine (Chang, 1997) ; Hualien, Taiwan (Hsu et al., 2000) ; Fortaleza, Brésil (Maia et al., 1998) ; la plage de Jacarepagua, environs de Rio de Janeiro, Brésil (Paskoff, 1998) ; le delta du nord-est du Nil, Egypte (Frihy et al., 1998). Ainsi, la détection, le suivi et la cartographie du changement sont importants pour comprendre l’évolution du littoral due à un aménagement artificiel ainsi que l’évaluation de ses impacts sur le littoral et l’environnement humain.L’application des méthodes de télédétection pour le suivi du changement côtier date d’une quarantaine d’années. Dès 1963, Verstappen avait commencé à employer les photographies aériennes pour mesurer les changements du delta Solo en Mer de Java. En 1971, Stafford et Langfelder ont utilisé de telles photos pour examiner l’érosion côtière. Dès lors, une variété de techniques et de capteurs aéroportés et spatiaux tels que Landsat MSS (Jensen et al., 1987), la photogrammétrie aérienne (Ramsey, 1997 et Gorman et al, 1998), Landsat TM (Ramsey, 1997), le radar (Jol et al., 1996, 1999 et Ramsey et al., 1998) et le LIDAR (Daniel et al., 1998), ont été exploités dans différents projets de recherche sur les milieux littoraux. Les techniques de mesure, récemment développées,
telles que la photogrammétrie aéroportée et le LIDAR fournissent des mesures de haute résolution avec moins d’erreur. En raison de la disponibilité des données et de leur haute résolution, les images multi-temporelles de SPOT XS (tableau 3-1) ont été choisies pour accomplir cette analyse de changement ainsi que la surveillance de l’évolution du littoral.Pour appréhender des changements à partir de données de télédétection à différentes dates, plusieurs méthodes de traitement sont actuellement disponibles : la comparaison de post-classification (Weismiller et al., 1977 ; Gorden, 1980) et la soustraction (differencing) d’images (Jensen et al., 1982 ; Quarmby et al., 1989 ; Singh, 1989 et Wu et al., 2002a). Quelques auteurs (Wu et al, 2003a) ont suggéré une approche par ‘vectorisation en superposition’ pour mesurer les changements lorsque l’utilisation de ces méthodes traditionnelles n’est pas possible. Puisqu’il y a, dans le canal rouge, une différence évidente, entre la réflectance de l’eau et celle de la terre, la procédure de différenciation (differencing) des niveaux de gris a été appliquée aux images SPOT XS et panchromatique (Pan) multi-dates pour mettre en évidence les changements géomorphologiques côtiers. On a procédé selon les démarches suivantes :Une composition colorée de la nouvelle image a été réalisée à partir des trois bandes obtenues par la méthode de soustraction. Pour souligner l’accrétion de la plage au nord du port (∆> 0), nous avons « seuillé » l’histogramme en supprimant toutes les valeurs négatives (figure III-5a). Nous avons fait de même pour mettre en évidence les zones d’érosion (∆<0) en excluant les valeurs positives (figure III-5b).
ANALYSE DE L’EVOLUTION POTENTIELLE DE LA COTE
Les côtes évoluent par érosion et sédimentation. Ces phénomènes s’expliquent d’abord par le jeu des vagues et des marées ainsi que par celui des courants qu’elles engendrent. Mais l’homme est devenu, volontairement mais aussi involontairement, un agent essentiel de l’évolution de beaucoup de rivages marins (Paskoff 1998).Les changements morphologiques du littoral à Nouakchott découlent d’une modification de l’hydrodynamique côtière, telle que la direction et la vitesse du courant côtier qui résulte de la construction du port. La connaissance du courant et des changements morphologiques dans le passé est utile pour comprendre l’évolution potentielle à venir.
Les vagues apparaissent quand la vitesse du vent excède 3 à 4 m/s. Leurs caractéristiques dépendent de la vitesse du vent, de la durée pendant laquelle il souffle, de l’étendue d’eau. Au large, les relations suivantes permettent de caractériser les vagues (Paskoff, 1998) :Les vagues et la direction de leur propagation peuvent être identifiées sur les images de télédétection grâce à leur réflectance dans les bandes visibles. De plus, la mesure de direction peut révéler l’interaction entre vagues et courants (Cuq, 1984, 1991). Ces informations sont utiles pour mieux comprendre les caractéristiques de la dérive littorale à Nouakchott.
D’après la propagation des vagues, on peut supposer qu’un courant côtier coule du nord au sud à Nouakchott (figure III-7a et 7b). C’est, en fait, la composante côtière du courant des Canaries qui se déplace du nord-est au sud-ouest vers la mer mauritanienne (Lanjamet, 1988). Cette composante apporte la dérive littorale et joue un rôle important dans les changements de la géomorphologie du littoral car elle met en mouvement des sédiments et les transporte quand sa vitesse est supérieure à une certaine valeur. Elle les dépose lors du ralentissement jusqu’à une certaine limite.La vitesse de la dérive littorale dépend de plusieurs facteurs : périodes et angle d’incidence des vagues, hauteur de celles-ci au moment du déferlement, pente et rugosité de l’espace infralittoral (Paskoff, 1998). Elle n’est pas facile à calculer. Il existe cependant des formules qui permettent de faire des estimations. Parmi elles, celle de Putnam et al. (1949) retouchée par Inman-Quinn, est souvent employée car ses résultats sont confirmés par des mesures de terrain (Chang, 1997) :
ANALYSE DE L’EROSION A L’AVAL
A partir des traitements de télédétection, mentionnés ci-dessus, les distances et les taux d’érosion terrestre, le long des directions normales à la côte au cours des périodes 1989-1995 et 1995- 2001, ont été mesurés pour chaque point d’observation (tableau 3-6, figure III-8). On trouve que les taux d’érosion annuelle de 1995-2001 sont globalement un peu moins que ceux de 1989-1995. L’abrasion semble à se ralentir. Dans un avenir proche, la vitesse d’érosion sera estimée si l’on peut déterminer la tendance de ralentissement. La conception de progression géométrique est introduite pour estimer les taux d’érosion future. Par exemple, a : b = b : c, on dit a, b et c sont une série de progression géométrique.Cette analyse indique qu’environ 0,91 km2 de terre disparaîtront du fait de l’abrasion maritime pendant la période de 2001 à 2011. La régression maximale atteindra probablement 277 m (à l’échantillon N°9) et le littoral, derrière l’épi, présentera un retrait significatif vers le nord et le nord-est (points d’échantillonnage N° 1, 2, 3 et 4) en raison de la diffraction des vagues.
La durée de vie du port dépend principalement de la profondeur de son bassin. La dérive littorale déposera la majeure partie de ses sédiments dans le port en raison de la diffraction et de l’affaiblissement du courant quand l’accrétion sur la plage à l’amont parviendra à son point maximal. Cela mènera graduellement à une fin de service du port si une ingénierie de dragage n’est pas menée. Le point important à analyser est la méthode pour évaluer cette limite d’accrétion maximale.D’après nos connaissances sur l’extension passée et les courants côtiers, une limite probable d’augmentation maximale est présentée dans la figure III-8a. Le temps prévu pour que l’extension atteigne cette limite est, en fait, celui pendant lequel le port pourrait rester en service, ou plutôt, l’espérance de vie du port. Cette durée a été calculée en employant les taux d’accrétion moyens antérieurs (tableau 3-7) ; elle est comprise entre 12,10 et 14,38 années avec une moyenne de 13,4 et un écart type de 0,5.