Analyse de la vulnérabilité sismique des structures à ossature en bois
Modélisation par couplage expérimental–numérique
Ce chapitre propose une synthèse des études expérimentales et/ou numériques du comportement parasismique d’éléments de structures ou de structures à ossature en bois. Cette partie fait apparaˆıtre des méthodes d’essais réglementaires, dont celles utilisées pour les essais réalisés ou récupérés dans le cadre de cette thèse.
Etudes expérimentales
L’analyse expérimentale d’une structure à ossature en bois sous sollicitations sismiques est un vaste sujet d’étude, tant à cause de l’échelle et de la complexité d’une structure entière, que de la difficulté à reproduire convenablement des sollicitations naturelles et très variables. Le plus intuitif est une approche dynamique, cela nécessite malheureusement des moyens techniques et financiers conséquents. Une approche alternative et plus abordable, à base d’essais quasi–statiques, est donc largement utilisée pour ce type d’études. A l’échelle d’un élément de structure ou d’une structure, les essais consistent généralement à l’identification du comportement sous charges horizontales. Dans cette optique, ce type d’étude peut être mis en relation avec les études de résistance au vent. La première trace d’un essai sur une structure sous charges horizontales remonte aux années 50 (Dorey et Schriever, 1957). Ce n’est néanmoins qu’à partir du milieu des années 80 que l’on trouve des études expressément destinées à l’analyse du comportement parasismique des structures à ossatures en bois. Dans cette partie dédiée aux aspects expérimentaux, on présente dans un premier temps les différents types d’essais existants. Cela permet de poser les bases nécessaires à une bonne compréhension de la synthèse des études expérimentales, qui est présentée ensuite.
Types d’essais
On détaille dans cette partie les différents types d’essais existants pour l’étude du comportement d’éléments de structure ou de structures à ossature en bois. Les essais quasi–statiques, pseudo– dynamiques et dynamiques sont distingués.
Essais quasi–statiques
Les essais quasi–statiques sont réalisés à vitesse suffisamment lente pour que les forces d’inerties et d’amortissement visqueux soient considérées négligeables. Si cela permet de simplifier la réalisation des essais, leur pertinence vis–à–vis du comportement sous sollicitations sismiques (dynamiques) doit être justifiée. Il s’agit donc de vérifier que la vitesse de chargement ne modifie 62 Modélisation par couplage expérimental–numérique pas la raideur de l’élément testé. Néanmoins, bien que les études en questions présentent dans la plupart des cas des difficultés d’interprétation, cette hypothèse tend à être contredite par la littérature. En effet, rares sont les campagnes d’essais pour lesquelles la vitesse de chargement est le seul paramètre qui varie d’un essai à l’autre. Dans plusieurs cas, les comparaisons sont faites sur des essais réalisés pour différentes vitesses, mais aussi pour différents chargements. C’est le cas de Soltis et Mtenga (1985), qui ont comparé les réponses quasi–statiques et dynamiques d’assemblages cloués. Les essais quasi–statiques sont monotones croissants et les essais dynamiques sont cycliques à 1 et 10 Hz. L’historique de chargement cyclique est particulier, car il répète 40 cycle à chaque niveau d’amplitude (0, 76, 1, 52, 2, 54 et 3, 81 mm). L’ensemble des essais est réalisé en déplacements imposés. On observe que sous chargement dynamique, la résistance des assemblages est légèrement plus élevée qu’en quasi–statique, ce qui tend à montrer l’influence de la vitesse de chargement. Néanmoins, il est difficile de déterminer si l’endommagement, dˆu à la forte répétition de cycles de petites amplitudes (3, 81 mm maximum, ce qui correspond toujours à la partie pré–pic des essais monotones), est important ou non. Comme les essais cycliques dynamiques (qui activent une certaine part d’endommagement due à la répétition des cycles), sont comparés à des essais quasi–statiques monotones (qui n’activent pas d’endommagement dˆu à la répétition des cycles), les conclusions que l’on peut tirer de ces résultats sont limitées. Malgré cela, cette étude est généralement utilisée dans la littérature pour justifier le fait que la vitesse de chargement n’a pas d’influence sur le comportement d’un élément de structure à ossature en bois. Cette affirmation, qui ne tient pas compte des phénomènes d’endommagement cycliques, nous paraˆıt erronée. Hirai et al. (2012) présentent une étude comparable, si ce n’est que les essais dynamiques sont réalisés sur table vibrante. Les assemblages cloués sont composés de deux éléments en bois, l’un fixé à la table, l’autre à un chariot roulant sur la table et portant une masse. Les conclusions sont similaires à celles de Soltis et Mtenga (1985). (a) Essais monotones sur assemblages cloués (Girhammar et Anderson, 1988) (b) Essais monotone lent et cyclique rapide sur mur (Dinehart et Shenton, 1998) Figure 4.1: Effet de la vitesse de chargement sur le comportement Girhammar et Anderson (1988) proposent aussi une étude sur des assemblages cloués. Tous les essais sont réalisés en déplacements imposés sous chargement monotone croissant, et la seule variable est la vitesse de chargement (de 1, 25 mm/s à 1, 25 m/s). Pour chaque vitesse, les essais sont répétés 10 fois. Il est mis en évidence que la vitesse de chargement influence la capacité portante du bois et n’influence pas le comportement en flexion des pointes (figure 4.1.a). Le comportement visco–élastique du bois permet d’expliquer ce phénomène. A l’échelle de l’assemblage, la force maximale est en moyenne 25 % plus grande à 1, 25 m/s qu’à 1, 25 mm/s. En plus de mettre en évidence l’effet de la vitesse de chargement sur le comportement d’un assemblage 4.1. Etudes expérimentales ´ 63 cloué, ces résultats tendent aussi à confirmer que les phénomènes d’endommagement cycliques discutés ci–dessus, pour l’étude de Soltis et Mtenga (1985), ont une influence non négligeable. Yamaguchi et al. (2000) proposent une étude de l’influence de la vitesse de chargement sur des murs de contreventement. Des essais monotones croissants, cycliques et dynamiques sont réalisés. Ils confirment une influence de la vitesse sur le comportement des murs, notamment en cyclique o`u l’on retrouve un écart de 25 % entre les essais lents (pas à pas) et rapides 20 mm/s. Les essais sont peu ou pas répétés (1 seul essai cyclique lent), ce qui, du fait de l’importante variabilité expérimentale, limite les conclusions que l’on peut en tirer. Néanmoins, d’autres études comparant des essais monotones croissants quasi–statiques à des essais cycliques dynamiques (Dinehart et Shenton, 1998), ou dynamiques avec accélérogramme réel (Durham et al., 2001), montrent que les efforts maximaux sont du même ordre de grandeur (figure 4.1.b). Ceci malgré le fait que les essais dynamiques occasionnent des endommagements (dus à la répétition des cycles) que n’engendrent pas les essais monotones. La vitesse de chargement semble donc être un paramètre influen¸cant le comportement des assemblages par connecteur métallique ou des éléments de structure. Malgré tout, les essais quasi–statiques sont beaucoup utilisés. En effet, bien que les niveaux d’efforts soient un peu plus faibles en quasi–statique, ce type d’essais permet de connaˆıtre le comportement approché d’un élément, beaucoup plus facilement que son comportement effectif en dynamique. Il est important de préciser que malgré les études mentionnées ci–dessus, il est couramment admis dans la littérature que la vitesse de chargement n’influence pas le comportement des éléments testés. Ce point est particulièrement visible dans les études de murs de contreventement couplant l’expérimental et le numérique (cf. §4.2, p 72). Dans le cadre d’étude du comportement parasismique d’éléments de structure ou de structures à ossature en bois, on distingue deux types d’essais quasi–statiques : les essais monotones croissants et les essais cycliques. Ils sont détaillés dans les paragraphes suivants. Essais monotones croissants Il s’agit d’essais sous chargement strictement croissant à vitesse monotone, généralement jusqu’à rupture du spécimen testé. Par abus de langage, on fait parfois référence dans ce document à ces essais sous le terme d’essais push–over. Ce type d’essais est le plus simple à mettre en place et fournit des informations importantes sur les niveaux d’efforts et de déplacements admissibles par le système, ainsi que sur son comportement (non linéarité). D’un point de vue normatif, des méthodes d’essais existent pour tester les assemblages (NF EN 26891, 1991) ou les murs de contreventement (NF EN 594 (1996) et ASTM E 564 (2006)). Ces méthodes incluent chacune un cycle de décharge/charge (entre 40 et 10 % de la charge maximale), afin de mieux apprécier le comportement du système pour des niveaux de charges très probables au cours de la vie de l’ouvrage. Les essais monotones permettent d’obtenir des grandeurs telles que la raideur initiale et la force maximale du système. Ils permettent aussi la détermination de la limite élastique dy et du déplacement ultime du, sous réserve de définir une méthode de détermination de ces paramètres. On notera que du point de vue des Eurocodes, dy est le glissement limite et du le glissement ultime. L’allure caractéristique des courbes force–déplacement d’essais monotones pour des assemblages à connecteurs métalliques ou des éléments de structure à ossature bois a été présentée au §3.2 (p 49). On en retient les deux points suivants : • Il n’y a pas de seuil de plasticité nettement défini. Le passage d’une zone de déformation élastique à une déformation plastique est progressif, la détermination de la limite élastique est donc particulièrement ardue. On trouve dans la littérature plusieurs méthodes visant 64 Modélisation par couplage expérimental–numérique au calcul de dy, on peut citer celles de Karacabeyli (Karacabeyli et Ceccotti, 1996), du CEN (NF EN 12512, 2002), du CSIRO (CSIRO, 1996), la méthode Equivalent Energy Elastic-Plastic (EEEP) (ASTM E 2126, 2007), ou encore celle de Yasumura (Yasumura et Kawai, 1997). Une étude comparative a été réalisée par Munoz et al. (2008), elle montre que les méthodes produisent des résultats très disparates. Bien que la méthode de Yasumura semble fournir les résultats les plus cohérents, les auteurs ne se prononcent pas sur le choix d’une méthode, du fait du volume de données relativement faible. • Le caractère ductile des systèmes étudiés engendre une partie post-pic peu marquée par la perte d’effort. Le même type de problème que pour dy se pose alors pour du. Ce sujet est beaucoup moins traité dans la littérature. On mentionne tout de même la méthode d’essai ISO 21581 (2010) qui fournit deux méthodes de détermination de du. La première s’intéresse aux cas de rupture fragile (peu fréquent pour des éléments de structures à ossature en bois) en définissant du comme le déplacement à la rupture. La deuxième fixe un critère de 20 % de perte de résistance en partie post-pic, du vaut le déplacement à ce niveau d’effort. Les valeurs de du sont généralement assez variables, car les spécimens sont chargés à l’extrême, ce qui ”active” toutes les variabilités. Dans le cadre de l’étude du comportement parasismique d’un système, les essais monotones ne peuvent être vus que comme une première approche, permettant d’appréhender un comportement et des niveaux d’efforts mal connus. Sous sollicitations sismiques, un système oscille autour de son équilibre statique, en suivant un mouvement cyclique alterné. Le paragraphe suivant aborde donc les essais cycliques, qui de fait sont très répandus dans les études parasismiques expérimentales. Essais cycliques Les essais cycliques permettent d’obtenir des informations plus complètes qu’en push-over, notamment au niveau des phénomènes d’endommagement (cf. §3.2, p 49). Si ces essais se rapprochent du comportement sous sollicitation sismique, il n’en reste pas moins deux différences importantes. La première est la vitesse de chargement, déjà abordée en préambule de cette partie. Le seconde concerne les ”trajets” ou ”historiques” de chargement, c’est-à-dire l’évolution du déplacement imposé au spécimen en fonction du temps. Sous sollicitations sismiques, l’évolution déplacement–temps d’un système est liée à l’accélérogramme d’entrée, qui est aléatoire et présente des cycles d’amplitudes et de fréquences qui varient continuellement. De plus, cette évolution est propre à chaque séisme. Plutˆot que de reproduire des historiques de chargement représentatifs d’un séisme particulier, on construit des chargements moins complexes mais permettant tout de même d’observer les différents phénomènes d’endommagement qui apparaˆıtront lors d’un séisme. De nombreux historiques de chargement cyclique sont proposés dans la littérature et dans les méthodes d’essai réglementaire, on peut mentionner les plus fréquemment rencontrés : CEN (NF EN 12512, 2002), ISO (ISO 16670, 2003), CUREE et SPD (ASTM E 2126, 2007), CEN Near-Fault (CEN, 1995) ou encore le protocole proposé par He et al. (1998). Dans tous les cas, il s’agit de répéter x fois des cycles d’amplitudes y, avec en général 1 < x < 3 et y valant successivement des pourcentages croissants d’une grandeur de référence. Un cycle consiste, à partir d’un déplacement nul, à atteindre le déplacement y dans un sens (on notera alors d = y), puis dans le sens opposé (d = −y) et à revenir à déplacement nul. Le tableau 4.1 présente pour deux historiques de chargement (CEN et ISO) le nombre de cycles et le pourcentage de la grandeur de référence (respectivement dy et du). La figure 4.2.a présente un exemple des deux chargements engendrés par les méthodes CEN et ISO. On observe que le chargement ISO propose une évolution plus progressive des amplitudes, même si les deux chargements restent relativement similaires.
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