Qu’est censé représenter un travail de fin d’étude ? Quel type de savoir doit témoigner un étudiant pour faire la preuve de son mérite à obtenir une certification universitaire attestant de ses connaissances juridiques ?
Bien que nulle ne puisse nier qu’il s’agisse avant tout, dans nos structures bureaucratiques modernes, d’évaluer la connaissance technique de savoirs spécialisés, je désire, par l’intermédiaire de ce travail, ajouter une autre dimension à cet exercice ; celle d’une compréhension, à tout le moins partielle, de l’objet même au cœur de ce cursus m’ayant occupé tant d’années : le concept de « Loi », étant entendu comme moyen d’organisation de la vie en société et des rapports de pouvoir en découlant. Le séminaire droit et art semble ainsi être une occasion idéale pour se livrer à cet exercice.
Toutefois, je n’entends pas, au cours de ce travail, analyser le concept même de légalité, travail qui a déjà été poursuivi dans le cadre du cours de Théorie du droit dispensé en deuxième année de bachelier, mais plutôt d’étudier la « Loi » comme moyen de légitimation d’une structure de domination. Je n’entends évidemment pas en faire un discours idéologique, mais plutôt nous permettre, en ces temps troublés, d’apporter un regard éclairant sur certaines réalités.
Notions fondamentales préalables : Domination – Administration – Légitimité
Domination et pouvoir
Weber insiste sur l’importance de la domination. Il dit à ce propos : « Tous les domaines de l’agir communautaire sans exception attestent l’influence extrêmement profonde qu’exercent les configurations de domination » . Il distingue la notion de « domination » de celle de « pouvoir », trop englobante et dès lors non constitutive d’une catégorie scientifiquement utilisable selon lui . Ensuite, il établit à nouveau, au sein du concept de « domination », une distinction entre :
a) « La domination en vertu d’une configuration d’intérêts »
b) « La domination en vertu d’une autorité »;
Bien que ces types de domination soient tous deux caractérisés par la volonté des dominants d’influencer le comportement des sujets, les méthodes employées diffèrent selon le type retenu. Lorsqu’il s’agit d’une domination en vertu d’une configuration d’intérêts, celle-ci s’opère par une tentative d’influence sur le comportement, a priori libre, des dominés. À l’inverse, lorsqu’il s’agit d’une domination en vertu d’une autorité, le comportement désiré des sujets est obtenu du simple fait qu’il « s’appuie sur le devoir d’obéissance, auquel on fait appel indépendamment de toute motivation ou de tout intérêt » . Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons uniquement à la « domination en vertu d’une autorité », concept que Weber défini comme suit :
« Par « domination », nous entendrons donc ici le fait qu’une volonté affirmée (un «ordre ») du ou des « dominants » cherche à influencer l’action d’autrui (du ou des «dominés ») et l’influence effectivement, dans la mesure où, à un degré significatif d’un point de vue social, cette action se déroule comme si les dominés avaient fait du contenu de cet ordre, en tant que tel, la maxime de leur action (« obéissance ») ».
Domination et administration
Un autre élément fondamental de la pensée de Weber doit être préalablement précisé : l’association des concepts de « domination » et d’« administration ». En effet :
« Toute domination s’exprime et fonctionne comme une administration. Toute administration a besoin, d’une manière ou d’une autre, de la domination, car sa conduite exige toujours que certains pouvoirs de commandements soient placés entre les mains de quelqu’un » .
Le fait que la domination s’organise sous la forme d’une structure particulière d’administration permet à Weber de nous proposer une autre typologie :
1) En premier lieu, il reconnaît le « maître », qu’il considère comme « le chef dont le pouvoir de commandement revendiqué et effectivement exercé ne dérive pas d’un transfert opéré par d’autres chefs » .
2) En second lieu, il identifie les « dominés », ceux qui se conforment à l’autorité en vertu d’une intériorisation du devoir d’obéissance, et ce, sans contact avec le «maître».
3) En dernier lieu, il reconnaît une structure intermédiaire, véritable outil de liaison entre le « maître » et les « dominés », qu’il nomme « l’appareil » ou encore «l’administration », qu’il définit comme suit :
« Un cercle de personnes habituées à obéir aux ordres de chefs et ayant personnellement intérêt à l’existence de la domination, parce qu’elles prennent part à celle-ci et à ses avantages [se tenant] en permanence à disposition et [exerçant] une partie des pouvoirs de commandement et de contrainte qui servent à perpétuer la domination » .
Domination et légitimité
Bien que le maître revendique et exerce son autorité sur ses sujets, contrôlant leur action tantôt selon la menace de répression, tantôt selon la promesse de gratification, encore faut-il qu’il apparaisse légitime auprès de ces derniers. S’il ne parvient pas à remplir cette exigence, la stabilité et la pérennité du régime de domination s’en trouvent alors menacées. Ainsi :
« Il n’existe, sous une forme entièrement pure, que trois « fondements de la légitimité» de la domination, chacun d’entre eux étant associé – dans un type pur – à une structure sociologique de la direction administrative et des moyens d’administration».
Ainsi, voici les trois types purs de domination légitime que j’étudierai au long de ce travail :
a) La domination traditionnelle ou patrimoniale
b) La domination rationnelle-légale ou bureaucratique
c) La domination charismatique .
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