Analyse de la stabilité au feu des murs en béton armé par l’approche calcul à la rupture

Analyse de la stabilité au feu des murs en béton armé par l’approche calcul à la rupture

Influence des conditions aux limites

Afin d’évaluer l’influence des conditions aux bords sur la déformée purement thermique, on compare maintenant le cas d’une plaque libre sur ses bords latéraux et d’une plaque simplement appuyée sur ses quatre bords, toutes choses étant égales par ailleurs. Nous considérons tout d’abord une plaque carrée de 10m de hauteur et de 15cm d’épaisseur avec une face exposée au feu pendant 1,5h. La figure 2.14 montre les déformées d’origine thermique des deux configurations de plaques. La couleur bleue correspond à un déplacement transversal grand (négatif) tandis que la couleur rouge foncé correspond à un déplacement nul. Comme on pouvait s’y attendre, on peut alors constater que la déformée d’une plaque libre sur ses bords latéraux ( 3max u = 55cm ) est significativement plus grande que celle d’une plaque appuyée aux quatre bords ( 3max u = 32cm ). Comme les solutions (2.56) et (2.68) sont données sous forme de séries, on montre sur la figure 2.15 l’évolution de l’erreur relative du déplacement transversal en fonction du nombre de termes de ces séries. La solution de référence ( 3 u  ) est définie comme la valeur calculée avec 50 termes. L’erreur relative sur le déplacement est définie par : * * relative 3 3 3 / p p  = − u u u (2.76) où p est la norme euclidienne (norme L2 ) ou la norme infinie selon que p = 2 ou p = . Figure 2.14. Déformée d’origine thermique d’une plaque de 10m×10m (à gauche : plaque libre sur ses bords latéraux ; à droite : plaque simplement appuyée sur ses quatre bords.) 49 (a) (b) Figure 2.15. Evolution de l’erreur relative en fonction du nombre de termes de la solution (à gauche : solution de plaque libre sur ses côtés latéraux ; à droite : solution de plaque simplement appuyée sur ses quatre bords) Les figures 2.15(a) et (b) correspondent respectivement à une plaque libre sur ses bords et à une plaque simplement appuyée sur ses quatre bords. Dans les deux cas, on peut constater que les erreurs relatives des deux normes descendent à moins de 3 10− au bout de 20 termes, ce qui est suffisamment précis pour le calcul de la déformée. On se limitera donc par la suite à 20 termes. Pour une plaque rectangulaire, la déformée d’origine thermique dépend fortement du ratio hauteur/largeur (a/b) de la plaque. La figure 2.16 montre l’évolution du déplacement transversal maximal 3 u de la plaque libre sur ses bords latéraux (lignes étoilées) ainsi que celle de la plaque simplement appuyée sur ses quatre bords (lignes pointillées) en fonction de a/b. L’extrémité à gauche correspond à une plaque de largeur très grande tandis que l’extrémité à droite correspond à une plaque de largeur très petite. On peut observer trois zones : ✓ Zone à gauche, où les déplacements sont presque identiques pour les deux configurations en raison du fait que l’influence des conditions aux limites aux bords latéraux sur le déplacement maximal est négligeable. ✓ Zone intermédiaire, où le déplacement maximal d’une plaque libre sur ses bords augmente légèrement avec a/b en raison de la contribution 2 3 u associée à la courbure horizontale  22 (voir figure 2.12), tandis que celui d’une plaque simplement appuyée décroit très rapidement avec ratio a/b en raison de la condition aux limites sur ses bords latéraux qui a une influence croissante. ✓ Zone à droite, où la plaque libre sur ses bords latéraux se comporte comme une poutre en contrainte plane tandis que le déplacement maximal d’une plaque appuyée sur ses bords latéraux tend asymptotiquement vers zéro. 50 Figure 2.16. Evolution du déplacement maximal en fonction du ratio hauteur/largeur (a/b) (ligne étoilée : plaque libre sur ses côtés latéraux ; ligne pointillé: plaque simplement appuyée sur ses quatre bords.) 2.4.4. Influence des joints horizontaux Cette dernière section a pour but d’étudier l’influence des joints horizontaux sur la déformée d’une plaque simplement appuyée sur ses quatre bords. Considérons une plaque rectangulaire de 15cm d’épaisseur constituée de panneaux horizontaux reliés par des joints régulièrement répartis sur toute la hauteur de la plaque (cf. figure 2.7). Cette plaque est soumise à un chargement thermique associé à un feu ISO avec une durée d’exposition de 1,5h, auquel est associée une courbure d’origine thermique sur ses bords simplement appuyés égale à 1 (1 ) 0.043 / T   m − + = . Etudions d’abord la déformée des plaques carrées de 10m×10m avec un nombre croissant de joints horizontaux. La figure 2.17(a) correspond à une plaque sans joint tandis que les trois autres représentent respectivement les murs avec 2 joints, 5 joints et 10 joints. Les zones en rouge foncé sont associées à un déplacement transversal nul, tandis que les zones en bleu correspondent à un déplacement transversal maximal en valeur absolue. En comparaison avec une plaque sans joints (2.17 (a)), celles avec les joints horizontaux ont un déplacement transversal plus faible (couleur plus claire), notamment dans la partie centrale du mur. a = 6m a = 8m a =10m a =12m a =14m Élancement : a b/ 51 Figure 2.17. Isovaleurs de la déformée d’une plaque de 10m×10m×15cm sous chargement thermique associée à un feu ISO avec une durée d’exposition de 1,5h (de (a) à (d) : panneau sans joint, panneau avec 2 joints, 5 joints et 10 joints) Cette influence du nombre des joints sur la déformée apparaît plus clairement sur une coupe verticale de la déformée au plan de symétrie 2 x = 0 (voir figure 2.18). La ligne bleue correspond à une plaque sans joints tandis que les lignes orange, jaune et violette correspondent respectivement aux plaques avec 2 joints, 5 joints et 10 joints. Le déplacement maximal d’une plaque sans joint est de 35cm tandis que celui d’une plaque avec 2 joints se réduit à 23cm (28% de réduction par rapport à une plaque sans joint). Pour une plaque avec de 5 joints et celle avec 10 joints, les déformées d’origine thermique sont quasiment identiques avec un déplacement maximal de 20cm (38% de réduction par rapport à une plaque sans joint. Figure 2.18. Profil de déplacement le long de l’axe 2 x = 0 (n : nombre des joints horizontaux) n = 0 n = 2 n = 5 n =10 52 Figure 2.19. Profils des courbures verticale (a) et horizontale (b) en 2 x = 0 Cette réduction du déplacement transversal pourrait être expliquée de la façon suivante. Comme le chargement thermique est une déformation imposée en courbure, la plaque a une tendance de se courber plus dans la direction où la rigidité en flexion est la plus faible, en l’occurrence le long de l’axe 1 x . La courbure 11 est ainsi d’autant plus importante que le nombre des joints est plus grand (voir figure 2.19 (a)). De plus, l’augmentation de la courbure verticale en raison des joints horizontaux s’accompagne d’une diminution de la courbure horizontale  22 (voir figure 2.19(b)). La diminution de la courbure horizontale  22 induit une réduction du déplacement transversal proportionnel à la largeur des panneaux constitutifs, tandis que l’augmentation de la courbure verticale 11 conduit à une amplification du déplacement dépendant de la hauteur des panneaux. En raison du fait que les panneaux constitutifs de la plaque sont de petite hauteur et de largeur importante, la somme des deux contributions donne finalement lieu à un déplacement transversal plus faible. Figure 2.20. Evolution du déplacement transversal maximal en fonction du nombre de joints n = 0 n = 2 n = 5 n =10 (a) (b) 53 Cette réduction du déplacement transversal en fonction du nombre de joints est confirmée par la figure 2.20. Le déplacement transversal maximal d’une plaque carrée de 10m de hauteur et de 15cm d’épaisseur diminue et puis se stabilise lorsque le nombre de joints devient très grand. Enfin, la figure 2.21 compare le déplacement maximal des plaques avec 5 joints horizontaux (ligne étoilée) avec celui des plaques sans joints (ligne avec les cercles) pour un ratio d’élancement variant entre 0,1 et 10. Les lignes bleues, rouges, jaunes et violettes correspondent respectivement à une plaque de 8m, 10m, 12m et 14m de hauteur. Figure 2.21. Evolution du déplacement transversal maximal en fonction de l’élancement (a/b) de la plaque (ligne pointillée étoilée : panneau sans joints ; ligne continue avec un cercle: panneau avec 5 joints horizontaux) Ainsi pour une hauteur de14m et un faible élancement (a/b=0.1), le déplacement maximal d’une plaque sans joints (lignes pointillées étoilées) peut atteindre 1,05m tandis que celui d’une plaque avec 5 joints (lignes continues avec un cercle) est réduit à 0,54m (49% réduction). Lorsque le ratio a/b devient plus grand, le déplacement maximal d’une plaque sans joint va diminuer tandis que celui d’une plaque avec 5 joints reste toujours plus petit. Cette influence des joints est toujours valable pour les plaques des autres hauteurs de 8m à 12m. 2.5. Conclusions et perspectives Ce chapitre avait pour but d’étudier la déformée de murs en béton soumis à un chargement thermique, en tirant avantage de la simplicité du modèle de plaque de Kirchhoff-Love. Adoptant une loi de comportement thermoélastique, nous avons vu que le problème de la plaque en flexion est en général couplé avec le problème membranaire à travers les conditions aux limites. Nous avons vu cependant que les deux problèmes peuvent être traités séparément si les efforts membranaires engendrés par le poids sont négligeables par rapport àl’effort membranaire Élancement : a b/ 54 thermique. Dans ce cas, le chargement thermique intervient dans les conditions aux limites sous la forme d’une courbure d’origine thermique imposée. Nous avons ainsi proposé plusieurs solutions analytiques, ainsi qu’une solution approchée par la méthode de Galerkin pour le problème de flexion sous chargement thermique. Trois configurations de murs ont étéconsidérées, incluant celle où les murs comportent des joints horizontaux modélisés par des charnières. Les solutions analytiques et semi-analytiques ainsi obtenues nous permettent d’avoir rapidement une déformée de la plaque sous chargement thermique, qui sera une donnée d’entrée pour l’analyse de stabilité des murs par le calcul à la rupture. Cependant, cette modélisation de plaque de Kirchhoff-Love repose sur l’hypothèse de petits déplacements transversaux qui ne prend pas en compte le couplage au niveau d’équilibre entre les efforts membranaires et les moments de flexion. Proportionnelle à la hauteur au carré ( 2 a ), la déformée d’origine thermique peut facilement atteindre une amplitude égale à deux fois l’épaisseur du mur. Il est donc nécessaire de prendre en compte le moment supplémentaire créé par l’excentricité du poids propre du mur. Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, une modélisation des murs comme des plaques de von Karman nous permettra d’étudier un tel effet secondaire sur la déformée dûau poids propre. De plus, au lieu de prendre en compte la dégradation du coefficient de Poisson en fonction de l’élévation de la température dans la modélisation de plaques, nous avons choisi un coefficient de Poisson de la température ambiante pour toutes les températures. Ce choix donne une déformée plus grande, qui est plus défavorable pour l’analyse de stabilité des murs. Enfin, la modélisation des joints par les charnières pourrait être améliorée si une loi de comportement en «moment-courbure » des joints était obtenue pour être intégrée dans le calcul de la déformée

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Table des matières

1. Introduction au dimensionnement au feu des murs en béton armé
1.1 Introduction
1.2. Problématique générale de la stabilité des murs coupe-feu
1.3. Exemples de murs séparatifs coupe-feu
1.4. Comportement du béton à haute température
1.4.1. Action thermique de l’incendie
1.4.2. Phénomènes physico-chimiques
1.4.3. Propriétés thermomécaniques
1.5. Dimensionnement au feu des structures en béton arm
1.5.1. Méthodes de calcul suivant l’Eurocode 2 partie 1-
1.5.2. Méthode des éléments finis
1.5.3. Méthodes fondées sur l’approche du calcul à la rupture
1.6. Organisation du manuscrit
Partie I : Calcul de la déformée d’origine thermique des murs en béton armé
2.Déformée d’origine purement thermique
2.1. Position du problème
2.1.1. Configurations des murs retenues
2.1.2. Modélisation adoptée
2.2. Le modèle de plaque de Kirchhoff-Love : quelques rappels
2.2.1. Cinématique et déformations généralisées
2.2.2. Efforts généralisés, équations d’équilibre et conditions aux limites
2.2.3. Loi de comportement thermoélastique de la plaque en variables généralisées
2.2.4. Mise en équations du problème
2.2.5. Récapitulatif
2.3. Développement des solutions analytiques pour les plaques rectangulaires
2.3.1. Plaque continue libre sur deux bords latéraux et appuyée sur les autres côtés
2.3.2. Plaque continue appuyée sur quatre bords
2.3.3. Plaque avec joints horizontaux appuyée sur ses quatre bords
2.3.4. Récapitulatif
2.4. Etude paramétrique de la déformée purement thermique
2.4.1. Chargement thermique engendré par un feu
2.4.2. Influence du coefficient de Poisson et de l’élancement
2.4.3. Influence des conditions aux limites
2.4.4. Influence des joints horizontaux
2.5. Conclusions et perspectives
3. Déformée d’origine thermique avec prise en compte du poids propre
3.1. Introduction
3.2. Prise en compte du poids propre dans le modèle de plaques de von Karman
3.2.1. Rappel de la cinématique de plaques de von Karman
3.2.2. Ecriture des équations d’équilibre
3.2.3. Mise en équations du modèle de plaques de von Karman
3.3. Déformée totale d’origine thermique
3.3.1. Plaque libre sur deux bords latéraux et appuyée sur les autres côtés
3.3.2. Plaque appuyée sur ses quatre bords
3.4. « Effet P -δ » dû au poids propre
3.4.1. Choix du nombre de termes dans les solutions approchées
3.4.2. Couplage entre le problème de flexion et le problème membranaire
3.4.3. Influence de l’élancement et de la hauteur sur l’amplitude de l’« effet P -δ »
3.5. Une première validation expérimentale à grande échelle
3.5.1. Description de l’essai
3.5.2. Mesure de la température
3.5.3. Confrontation de la déformée calculée avec la déformée mesurée
3.6. Conclusions
Partie II : Calcul à la rupture des murs en béton armé modélisés comme une plaque mince
4. Domaine de résistance des plaques à haute température
4.1. Introduction
4.2. Domaine de résistance d’une plaque hétérogène périodique
4.2.1. Notion de cellule de base
4.2.2. Définition générale du critère macroscopique de plaques
4.3. Domaine de résistance d’une plaque en béton armé soumise à un gradient de température
4.3.1. Influence de la haute température sur la résistance du béton et de l’acier
4.3.2. Expression des critères de résistance des constituants du béton armé
4.3.3. Critère de résistance macroscopique à haute température
4.4. Evaluation numérique du critère macroscopique
4.4.1. Approche statique par l’intérieur
4.4.2. Approche cinématique par l’extérieur
4.4.3. Formulation du problème d’optimisation
4.5. Résultats numériques et étude paramétrique
4.5.1. Intersection du domaine de résistance par le plan (N11-M11)
4.5.2. Effet du renforcement sur le domaine de résistance
4.5.3. Comparaison avec le critère de Nielsen
4.5.4. Influence de l’exposition au feu sur le domaine de résistance macroscopique
4.6. Conclusions
5. Analyse de la stabilité au feu des murs
5.1. Introduction
5.1.1. Discrétisation de la géométrie du mur déformé
5.1.2. Notion du facteur de stabilité
5.1.3. Organisation du chapitre
5.2. Position du problème de calcul à la rupture de plaques
5.2.1. Domaine de chargements potentiellement supportables
5.2.2. Approche statique par l’intérieur
5.2.3. Approche cinématique par l’extérieur
5.2.4. Application à la stabilité des murs coupe-feu
5.3. Mise en œuvre par la méthode des éléments finis
5.3.1. Traitement numérique de l’approche statique par l’intérieur
5.3.2. Traitement numérique de l’approche cinématique par l’extérieur
5.4. Application à l’analyse de stabilité des murs coupe-feu
5.4.1. Prise en compte de la déformée
5.4.2. Cas des murs continus
5.4.3. Cas des murs avec joints
5.4. Conclusions
Conclusions et perspectives
Annexe
Bibliographie

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