ANALYSE DE LA SENSIBILITE DES SOLS A L’EROSION HYDRIQUE ET AU RAVINEMENT
INTRODUCTION GENERALE
L’érosion hydrique fait partie des causes de dégradation des sols les plus répandues dans le monde. Elle contribue à la destruction des écosystèmes et de la qualité de vie, et menace même la survie de certaines populations. En effet, l’érosion détruit la capacité agricole des sols, notamment leur productivité. L’érosion hydrique correspond à un mouvement des sédiments et matières organiques d’un endroit à un autre, grâce aux eaux de ruissellement. Dans le département de Nioro, les effets néfastes de l’érosion des sols se font de plus en plus sentir dans cette partie du pays, affectant ainsi toute l’économie locale, essentiellement tributaire de l’agriculture. La dynamique de perte de terres due à l’érosion a connu une ampleur sans précédent dans la commune de Nioro, avec l’apparition de ravins devenant au fil des années plus nombreux, plus larges, plus longs et plus profonds. La superficie des sols dénudés a également considérablement augmenté. L’ampleur du phénomène de ravinement est telle que la crainte des populations de voir leur cité simplement rayée de la carte risque de porter un sacré coup à la vocation agricole et touristique de Nioro. Le degré de dégradation d’un tel paysage traduit l’immensité des dégâts et l’insécurité auxquelles se trouvent exposées les populations, surtout en cas d’inondations. Aucune maison se trouvant dans le trajet des ravins ne peut résister à la violence des courants d’eau. C’est le lieu de rappeler l’hivernage 2003, marqué par des précipitations de 975,50 mm accompagnées même de morts d’homme par noyade. Et c’est ainsi qu’au moins 555 familles ont été sinistrées (WADE, 2015). L’objectif général de ce travail est d’analyser la sensibilité des sols de Nioro du Rip à l’érosion hydrique et au ravinement en faisant le point sur le rôle des sols et des activités anthropiques dans l’érosion hydrique et d’analyser la variabilité spatiale et temporelle de l’érosion. Cela afin d’estimer les risques d’érosion hydrique des sols. Il s’agit plus spécifiquement de caractériser le sol de la zone par une analyse pédologique et géophysique et d’analyser la variabilité spatiale et temporelle de l’habitat dans la zone d’étude. Ce qui permettra de corréler ces informations avec l’évolution spatiale et temporelle de l’érosion hydrique. Ce mémoire se divise en quatre chapitres : Le premier chapitre traite les généralités sur l’érosion hydrique ; Le second chapitre présent la région d’étude dans le cadre géographique et géologique ainsi que la démarche méthodologique adoptée ; Le troisième chapitre énonce les principaux résultats obtenus ; Et le quatrième chapitre mène à une discussion des résultats, appuyée sur la littérature. 2 CHAPITRE I : GENERALITES SUR L’EROSION HYDRIQUE I.1. Définition Le mot érosion dérive du verbe »erodere » qui signifie »ronger ». Elle peut être définie comme l’ensemble des actions chimiques, physiques et organiques qui aboutissent à la destruction des roches et au nivellement progressif du sol. C’est essentiellement l’usure superficielle de l’écorce terrestre. L’eau et le vent en sont les principaux agents (GRECO, 1966). L’érosion hydrique est l’ensemble des processus de déplacement du sol sous l’action de l’eau. Elle se définit comme le détachement et le transport de particules de sol de son emplacement d’origine par différents agents vers un lieu de dépôt (1). Le climat, la lithologie, le sol, la pente, le couvert végétal et les techniques culturales sont les facteurs qui régissent l’érosion du sol (ROOSE et SARRAILH, 1990). Les causes de la dégradation du milieu naturel sont variées et l’importance de chaque facteur de dégradation diffère d’un domaine à un autre (AMIRECHE, 1984). C’est un phénomène naturel qui se manifeste dès qu’une terre émerge des océans. Mais dans le milieu naturel, l’érosion de type géologique est très lente (quelques centaines de kg/ha/an) ; elle est compensée par l’altération des roches à la base du profil et par des activités biologiques multiples qui concentrent à la surface du sol les éléments fertilisants. L’équilibre entre la morphogénèse et la pédogénèse est généralement favorable au développement de sols différenciés plus ou moins profonds (KILIAN, 1974). L’érosion peut dénaturer la terre en décapant l’horizon humifère (le plus fertile et le plus vivant) et en arrachant sélectivement les éléments nutritifs, les particules fines et les matières organiques capables à la fois de stocker l’eau utile et les nutriments, et de nourrir les éléments vivants dans le sol (micro-organismes, mésofaune, racines, etc…).
Mécanisme de l’érosion hydrique
Les trois étapes par lesquelles passe l’érosion sont le détachement, le transport et la sédimentation. Cependant, il est à signaler que la pluie et le ruissellement superficiel sont à l’origine du détachement, du transport et du dépôt des particules du sol arrachées.
Détachement
Le détachement des particules se produit à la surface du sol lorsque, sous l’action des gouttes de pluie, des agrégats s’éclaboussent ou lorsque la force de cisaillement du ruissellement devient supérieure à la résistance au détachement du sol (2). Détachement sous l’action des gouttes de pluies Quatre processus peuvent être identifiés comme responsables de la désagrégation (1). : L’éclatement Il correspond à la désagrégation par compression de l’air piégé lors de l’humectation. L’intensité de l’éclatement dépend entre autres, du volume d’air piégé, donc de la teneur en eau initiale des agrégats et de leur porosité.
Le gonflement différentiel
Ce phénomène intervient suite à l’humectation et la dessiccation des argiles, entraînant des fissurations dans les agrégats. L’importance de ce mécanisme dépend en grande partie de la teneur et de la nature de l’argile des sols. La dispersion physico-chimique Elle correspond à la réduction des forces d’attraction entre particules colloïdales lors de l’humectation. Elle dépend de la taille et la valence des cations (particulièrement du sodium) pouvant lier les charges négatives dans le sol. La désagrégation mécanique sous l’impact des gouttes de pluie (détachement par Splash). L’impact des gouttes de pluie peut fragmenter les agrégats et surtout détacher les particules de leur surface. Les particules de sol très fines qui sont détachées de la surface par l’impact des gouttes sont piégées entre les éléments plus grossiers et peuvent obstruer les pores de la couche supérieure du sol et réduire considérablement le taux d’infiltration (battance). Cette obstruction augmente les risques d’érosion et de ruissellement en surface. Les sols limoneux sont particulièrement touchés par ce phénomène. La croûte de battance ainsi formée s’épaissit dans les petites dépressions où l’eau stagne, permettant la sédimentation des éléments fins. La perméabilité de la surface peut descendre en dessous de 2 mm/h en période humide. Le micro relief s’estompe et le sol perd toute capacité de rétention d’eau superficielle. Lorsque la croûte de battance est formée, les pluies ultérieures, même si elles sont de faible intensité, engendreront du ruissellement (1). Détachement par ruissellement Le ruissellement peut avoir différentes origines : le dépassement de la capacité d’infiltration du sol par des pluies de très fortes intensités (ex : orage sur un sol sec) ; la saturation en eau des surfaces (ex : pluie fine sur sol gorgé d’eau). Dans les deux cas, le ruissellement entraine le détachement de particules de la surface du sol et donc un début d’érosion.
Transport
Les particules grossières ou fines issues de la dissociation sont ultérieurement déplacées vers l’aval sous l’action de la gravité. Certains, comme les cailloux d’éboulis et les blocs d’éboulement, tombent directement. D’autres, les plus fins, sont véhiculés par un agent de transport, généralement l’eau. La force du véhicule règle naturellement la taille des sédiments (1).
Sédimentation
Il s’effectue lorsque l’énergie cinétique qui déplace les matériaux issus du détachement, diminue ou s’annule. Les particules arrachées se déposent entre le lieu d’origine et l’aval en fonction de leur dimension, de leur densité et de la capacité de transport du ruissellement ou du cours d’eau. L’agent responsable de la sédimentation est l’eau de ruissellement. Les particules se déposent en général dans l’ordre suivant : sable, sable fin, limon. Les argiles et l’humus colloïdal sont généralement transportés jusqu’à l’embouchure du cours d’eau où ils se déposent soit après évaporation de l’eau, soit après floculation (HICHEME, 2014) I.3. Facteurs qui influencent l’érosion hydrique Le climat, le sol, le relief, le couvert végétal, et l’utilisation des terres (occupation du sol) sont les principaux facteurs qui contrôlent l’érosion hydrique.
Le climat
La pluie représente le facteur climatique le plus déterminant de l’érosion hydrique. Comme pour l’érosion en nappe et en rigole, les pluies intenses et de longue durée favorisent le ravinement. Les terres sont particulièrement à risque lorsqu’il y’a une longue période de sécheresse qui favorise la formation d’une croûte, suivie de pluie intense qui se traduit par un ruissellement concentré et rapide sur les terres (VALENTIN et al., 2005). Selon Stone (2000), plus les précipitations sont intenses et de longue durée, plus le ruissellement et les risques d’érosion sont élevés. Selon Arold el al. (1989), l’impact des gouttes de pluie peut briser les agrégats et disperser les particules de sol les rendant ainsi plus enclines à l’érosion. En outre, le taux de ruissellement est souvent accru si, durant les événements de pluie, l’infiltration est diminuée par la compaction ou la formation d’une croûte.
Le sol
Les sols influent sur les processus de ruissellement et d’érosion essentiellement par leurs propriétés hydrodynamique et structurale. L’infiltrabilité d’un sol dépend de la succession et des caractéristiques physiques des horizons qui le constituent. D’une manière générale, plus le sol présente une succession d’horizons aux caractéristiques physiques contrastées, avec de faibles conductivités hydrauliques et de faible capacité de rétention en eau plus l’infiltration sera limitée (HICHEME, 2014). L’érodabilité d’un sol est sa résistance en tant que matériaux plus au moins cohérent à deux sources d’énergie : la battance des gouttes de pluie à la surface du sol et le cisaillement du ruissellement entre les mottes dans les griffes ou les rigoles. La texture est le principal facteur qui influence la susceptibilité du sol à l’érosion. Certains éléments comme la structure, la teneur en matière organique et la perméabilité du sol ont aussi un rôle (Stone, 2000). Selon Arold el al. (1989), les sables grossiers, les loams et les argiles compactes tendent à s’éroder moins que les limons, les sables très fins et certains loams argileux. Par contre, selon Poesen et al. (2003), la contribution du ravinement aux pertes totales de terre est plus importante là où le sol est argileux. Là où la texture des sols est plus grossière, la contribution de l’érosion en rigole devient plus importante.
Couvert végétal
Parmi les facteurs conditionnels de l’érosion, le couvert végétal est certainement le facteur le plus important. Selon de Vente et al. (2005), le type de couvert végétal joue un rôle important dans le processus de l’érosion et ce de différentes façons. Un couvert forestier protège le sol et a une influence bénéfique sur la structure et la capacité d’infiltration du sol. Il faut encore ajouter le rôle de frein joué par les racines et surtout par les litières sur les nappes ruisselantes. En diminuant la vitesse de ruissellement, on augmente le temps d’infiltration et aussi son volume. Ce freinage par les végétaux est cependant plus efficace sur le piégeage de la charge solide que sur la réduction du volume ruisselé (AOUADJ ET GASEM, 2009). Selon Amold et al. (1989), le risque d’érosion augmente avec la diminution du couvert végétal et du pourcentage de résidus de culture sur les terres agricoles. Tant que la couverture végétale est continue, qu’il s’agisse d’une forêt, de fourrés, de savanes, de pâturages ou d’un simple paillis, les phénomènes d’érosion sont modestes malgré l’agressivité des pluies, la fragilité des sols et la pente. Lorsque le sol est totalement dénudé comme c’est le cas lors des défrichements mécanisés, les pertes en terre deviennent énormes (ROOSE, 1985) Un couvert végétal absorbe l’énergie cinétique des gouttes de pluie, recouvre une forte proportion du sol durant des périodes où les pluies sont les plus agressives de l’année et ralentit l’écoulement.
Facteur topographique
La pente influence puissamment l’importance de l’érosion, mais l’existence d’érosion et de ruissellement intense sur des pentes douces indique par contre qu’il n’est pas besoin d’une forte pente pour déclencher ce phénomène : l’action pluviale suffit (FOURNIER, 1967). Selon Stone (2000), plus la pente est forte et longue, plus le risque d’érosion est élevé. En fait, l’augmentation du degré de l’inclinaison de la pente amène un accroissement de la vitesse de ruissellement de l’eau et une diminution du taux d’infiltration, ce qui crée une augmentation de la quantité de ruissellement. En théorie, plus la pente est longue, plus le ruissellement s’accumule prend de la vitesse et acquiert une énergie propre qui se traduit par une érosion en rigoles puis en ravines plus importantes (DAHMANI 2012).
Facteur humain
L’érosion est devenue essentiellement une conséquence directe de l’activité humaine qui représente maintenant le principal facteur de la dégradation des sols. L’homme peut être à l’origine du déclenchement et de l’accélération de l’érosion par ses actions de défrichement des forêts, incendies et surpâturages et pratiques culturales. De plus, les aménagements routiers et urbains, en augmentant les surfaces imperméables, exacerbent les inondations, favorisent le ruissellement et donc constituent un facteur d’entraînement du sol (YOUSSEF 2011). 6 Les aspects socio-économiques et l’effet des pratiques culturales ont un grand impact sur l’érosion et la conservation des sols. Dans le territoire du bassin versant occupé par l’agriculture, certaines pratiques culturales peuvent prédisposer les sols à une dégradation. Le travail réduit et le semis direct sont considérés comme des systèmes culturaux mieux adaptés pour la conservation des sols. Selon Stone (1996), le travail réduit implique une réduction de 30 % des pertes des sols par rapport au travail conventionnel alors que le semis direct implique une réduction de 80 %. Comparativement au travail conventionnel, les réductions de volumes d’eau de ruissellement pour le travail réduit et le semis direct sont de 70 % (FAWCETT et al. 1994). La monoculture, surtout de l’arachide, contribue à dégrader de façon importante la structure du sol (STONE, 1996). Les cultures à petites interlignes comme les céréales, ainsi que les cultures de pleines surfaces comme les prairies sont beaucoup moins propices à l’érosion que les cultures à larges interlignes comme le maïs. Comparativement à une monoculture de maïs, le foin et les cultures de pâture réduisent les pertes de sol d’environ 90 % (STONE, 1996). La gestion des résidus de culture a également un impact majeur sur la réduction de l’érosion. Les résidus protègent le sol contre la force de l’eau en jouant un rôle de bouclier face aux gouttes de pluie et en ralentissant la vitesse de l’eau qui ruisselle à la surface du sol. Plus la couverture en résidus de culture est importante, plus le ruissellement et l’érosion vont tendre à diminuer. Par conséquent, les pertes en éléments nutritifs dans les eaux de surface seront limitées. De plus, les résidus de culture permettent au sol de surface de s’enrichir en matières organiques et d’améliorer ses propriétés physiques, chimiques et biologiques (Conseil des productions végétales du Québec CPVQ (2000)). Selon Laverdière (1994), une couverture en résidus sur le sol égale à 20 % permettrait de réduire de moitié les pertes de sol par l’érosion et une couverture de 60 % permettrait une réduction de 85 %.
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