La réanimation est une discipline dont la mission est d’assurer la suppléance d’une ou de plusieurs fonctions vitales dont le pronostic à court terme est menacé et dont on est en droit d’espérer la réversibilité complète, ou du moins satisfaisante. Le décès est un événement majeur qui constitue un élément dont l’évaluation et l’analyse sont nécessaires dans un service de réanimation. Ainsi, une connaissance des causes de mortalité va contribuer non seulement à une meilleure évaluation des patients de la réanimation mais également à révéler une nouvelle piste de recherche pour améliorer le pronostic à court et a moyen terme de ces patients.
Incidence de la mortalité :
Bien que ce soit très difficile d’apprécier la mortalité en réanimation, cela reste un besoin fondamental pour évaluer l’efficience des soins au service de réanimation [1]. Dans la littérature, le taux de mortalité en réanimation avait une tendance à régresser dans les pays développés grâce aux progrès réalisés dans ce domaine [2]. Au contraire, dans les pays en voie de développement ce taux reste élevé malgré les progrès réalisés. Et même dans chaque pays, le taux de mortalité varie d’un service à l’autre selon le mode de recrutement propre à chaque service, des caractéristiques physiopathologiques des patients recrutées et de la qualité des soins délivrés [3]. Dans notre série, le taux de mortalité était de 15,79%, un taux qui reste un peu élevé par rapport aux pays développés . Néanmoins, ce taux reste plus bas par rapport à celui des pays en voie de développement .
Incidence dans les pays en voie de développement :
Dans le service de réanimation pédiatrique du CHU Ibn Rochd de Casablanca, la mortalité était de 36,2% [20]. Une étude réalisée au sein du service de réanimation pédiatrique du CHU Gabriel Toure de Bamako montre un taux de mortalité de 32,2% [11]. La mortalité était de 32,9% dans le service de réanimation pédiatrique de New Delhi [14]. Dans l’hôpital d’enfant de Zāhedān, un taux de mortalité en réanimation de 21,26% et de 28,5% a été rapporté en 2013 et 2014 respectivement [6, 5].
Incidence dans les pays développés :
En Angleterre, le taux de mortalité en réanimation pédiatrique était de 6% et 8% en 2010 versus 8% en 2013 [9, 10]. Aux Etats-Unis, la mortalité en réanimation pédiatrique était de 2% en 2014 versus 2,39% en 2010 [12, 8]. Dans une étude chinoise réalisée par Li Y et al en 2015, le taux de mortalité en réanimation pédiatrique était de 4,9% [13].
La grande disparité des résultats constatés dans la plupart des études est due essentiellement au type des patients recrutés dans chaque service, aux caractéristiques physiopathologiques de ces patients, à la qualité des soins et à la disponibilité des matériels et du personnel au service de réanimation [22, 23].
Une transformation de la configuration des maladies et de leur profil épidémiologique résulte essentiellement de la croissance économique des pays et de l’affectation de leurs ressources nationales.
Cette transition épidémiologique des maladies se voit clairement chez la population pédiatrique, avec la diminution et l’éradication dans certains pays des maladies à prévention vaccinale. L’impact de ces modifications est clairement visible dans les modes d’admission aux unités de soins intensifs pédiatriques dans les pays où les maladies évitables par vaccin ne sont plus responsables de l’augmentation des charges. Alors que, dans les pays en voies de développements, le ralentissement de la croissance économique et l’absence de la promotion sociale ont retardé cette transition épidémiologique [23]. On peut expliquer le taux élevé de mortalité dans notre série par la rareté des services de réanimation pédiatrique, le manque de nombre du personnel soignant et du matériel, le retard de la prise en charge initiale, sans oublier l’état du patient à l’admission qui est aggravée par le transport non médicalisé. En réanimation adulte, les patients sont admis suivant des critères de sélection. En effet, certains patients (âgés, en phase terminale) sont jugés au-dessus de toute thérapie et sont donc refusés en réanimation [24]. Cette sélection ne peut être faite dans les services de réanimation pédiatrique. Le taux de mortalité est relativement proportionnelle au nombre des malades hospitalisés en réanimation, il semble que l’augmentation de la charge du travail et le manque du personnel médical et paramédical augmentent le risque des complications iatrogènes et diminuent la qualité des soins délivrés aux patients [19]. Selon Ramnarayan P et al, l’intervention des spécialistes formés dans le transport médicalisé a contribué à la diminution du taux de mortalité en réanimation pédiatrique [9]. Pour diminuer le taux de mortalité en réanimation pédiatrique, il faut améliorer la qualité des soins délivrés aux patients par l’augmentation du nombre des services de réanimation pédiatrique, la formation continue du personnel médical et paramédical et enfin l’intervention avant l’admission en réanimation.
Provenance des patients :
L’étude de Gregory CJ et al [25] a montré que la prise en charge en réanimation pédiatrique des patients référés d’un autre hôpital était plus lourde et plus spécifique, et que leur état à l’admission était plus grave que celui des patients admis du même hôpital. Cette différence peut être secondaire à une sous-estimation de la gravité de la maladie ou d’un traitement insuffisant des enfants gravement malades à distance avant le transfert, ou une détérioration physiologique des patients avant ou pendant le transport. Cependant, ils ont constaté qu’indifféremment quelle que soit la source d’admission, le taux de mortalité était similaire. Alors que, dans l’étude de Ramnarayan P et al [9], le taux de mortalité était plus élevé chez les patients référés d’un autre hôpital par rapport à ceux provenant du même hôpital. L’étude de El Halal MG et al [15] a montré que les patients provenant des services de pédiatrie du même hôpital avaient un taux de mortalité plus élevé par rapport à ceux provenant des urgences pédiatriques, ou ceux de provenance d’un autre hôpital, alors que les patients provenant du bloc opératoire avaient le taux de mortalité le plus bas. L’étude de Combes A et al [32], a comparé les patients admis a partir d’une unité de réanimation d’un autre hôpital par rapport à ceux admis d’un autre service et d’un autre hôpital, et a objectivé que le taux de mortalité était plus élevé chez les patients admis a partir des services de réanimation, leur durée du séjour était plus longue et que ces patients utilisaient plus de ventilation mécanique. Dans l’étude de ten Berge J et al [27], 39% des décès provenaient d’un autre hôpital, 28% du service des urgences, 23% du même service et 10% du bloc opératoire. Dans cette étude les patients admis des urgences étaient plus âgés et avaient une longue durée du séjour par rapport à ceux admis d’un autre hôpital. Siddiqui NU et al [16] rapportent que la majorité des patients décédés (57,7%) provenaient du service des urgences pédiatriques, alors que les admissions du bloc opératoire ne représentaient que 5,2%.
Dans notre série, le pourcentage des patients décédés provenant du service des urgences pédiatriques étaient le plus élevé (48,2%), suivi par celui des patients référés d’un autre hôpital (23,7%), alors que le taux le plus bas était celui des patients admis du bloc opératoire (6,5%), ce qui est en accord avec la littérature.
Age :
Selon les différentes publications, l’âge n’intervient pas sur le mode de décès [33, 34], excepté dans l’étude de Lantos JD et al [24] où les plus jeunes meurent plus, par échec de réanimation cardio-pulmonaire. Dans l’étude de Raobijaona H et al [35], 84,9% des patients avaient moins de 5 ans. Coulibaly A [11] a montré que le pourcentage des enfants âgés de moins de 5 ans était de 89%. Les patients âgés de moins de 5 ans représentaient 78,3% dans l’étude de El Halal MG et al [15]. Dans notre étude, nous avons trouvé que 82,2% de nos patients avaient moins de 5 ans, résultat qui est proche de celui de la littérature. L’âge moyen dans notre série était de 30,13 mois, ce qui est comparable avec les autres études réalisées dans les pays en voie de développement (Tableau XXVI), alors que dans les pays développés, l’âge moyen était plus bas .
Sexe :
Selon les différentes études menées, le sexe n’intervient pas sur le mode de décès . Dans l’étude de Martinot A et al [37], le sexe ratio était de 1,30, il est de 1,26 dans l’étude de Laraki S [20], et de 1,3 dans l’étude de Coulibaly A [11]. Dans notre série, le sexe ratio était de 1,58, ce qui rejoint les résultats des études précédemment citées.
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