L’amyotrophie spinale infantile (ASI) est une maladie autosomique récessive [1]. Elle est due à une dégénérescence primaire des cellules de la corne antérieure de la moelle épinière, entrainant une faiblesse musculaire et une hypotonie [2]. C’est une affection grave, elle est la cause la plus fréquente de décès d’origine génétique chez les enfants avec une incidence de 1 sur 6000 naissances vivantes [3]. La maladie est marquée par une grande variabilité clinique. On distingue selon la Classification Standard du Consortium International 3 types d’ASI : le type I ou la maladie de Werdnig Hoffmann, le type II ou la forme intermédiaire et le type III ou maladie de Kugelberg Welander [source: https://www.clicours.com/]. L’évolution de cette affection semble difficile à prédire. Elle apparait comme une pathologie handicapante, nécessitant une prise en charge multidisciplinaire [5]. Cette pathologie bénéficie actuellement des progrès de la biologie moléculaire rendant possible un diagnostic précis qui pourrait déboucher sur un conseil génétique.
C’est Guido Werdnig (1844-1919), neurologue à Graz (Autriche) qui a rapporté, pour la première fois en 1891, les observations de deux frères atteints d’« atrophie musculaire progressive » à laquelle il a donné son nom. Cette maladie débutait avant la fin de la première année. Elle avait atteint les membres, le cou, le dos. L’évolution était sévère. L’un des enfants était décédé à 3 ans et l’autre à 6 ans. A l’autopsie, l’examen de la moelle épinière avait montré des lésions dégénératives des motoneurones [6].
Deux années plus tard (1893), Johann Hoffmann, professeur de neurologie à Heidelberg en Allemangne, a publié quatre observations d’atrophie musculaire infantile progressive. Ces quatre observations étaient rapprochées des deux cas décrits par Werdnig et cette pathologie avait pris ainsi le nom de maladie de Werdnig-Hoffmann [7]. Les aspects essentiels de cette maladie étaient retrouvés dans les descriptions faites par les deux auteurs. Il s’agit d’une maladie dégénérative, familiale, débutant au cours des six premiers mois de la vie par une faiblesse musculaire d’évolution progressive. L’issue est fatale vers l’âge de 4 ans. Quelques années plus tard, Hoffmann avait établi l’origine médullaire de la maladie. Il avait constaté en effet à l’autopsie une dégénérescence de la corne antérieure de la moelle et une atrophie musculaire étendue.
Sevestre avait publié en 1899, dans le Bulletin de la Société Parisienne de Pédiatrie « la paralysie flasque des quatre membres et des muscles du tronc (sauf le diaphragme) chez un nouveau-né ». Il avait décrit « une forme spéciale et bizarre de paralysie infantile » qu’on peut considérer aujourd’hui comme une amyotrophie spinale infantile de type I [8]. Hermann Oppenheim en 1900 avait décrit l’atrophie musculaire infantile [9]. Son attention était attirée par l’incidence de cette maladie, son début néonatal et sa non-évolutivité. Il avait donné à cette maladie le nom de myotonie congénitale devenue huit ans plus tard amyotonie congénitale [10]. Oppenheim avait décrit l’hyperlaxité articulaire, l’hypotonie, la faiblesse musculaire généralisée et l’aréflexie ostéo-tendineuse. L’amyotonie congénitale était longtemps perçue comme une maladie néonatale différente de l’atrophie musculaire progressive décrite par Werdnig et Hoffmann considérée comme une maladie de l’enfance. Mais la notion d’authentiques formes congénitales de la maladie décrite par Werdnig et Hoffmann s’impose progressivement ; et Beevor, dès 1902, reconnaît l’existence de formes néonatales de la maladie [11]. On lui doit, en effet, la première description des anomalies de la mobilité intra-utérine chez des mères ayant donné naissance à des enfants atteints d’atrophie musculaire progressive .
En 1947, grâce à l’affinement des techniques d’électromyographie (EMG), Kugelberg rapporte quatre observations d’atrophie musculaire spinale pseudomyopathique [12]. Douze patients présentant le même syndrome étaient suivis depuis 1946. Leurs observations étaient présentées en 1952 au congrès des neurologues scandinaves à Oslo, puis publiées en 1954 et 1956 par Kugelberg et Welander [13,14]. Dix étaient des cas familiaux. L’âge de début se situant entre 2 et 17 ans. L’atteinte prédominant aux racines des membres inférieurs. Le pronostic était compatible avec une espérance de vie normale. Sept des 12 cas décrits ont conservé la marche durant 20 ans ou plus après le début de la maladie. Le Danois Brandt a présenté en 1950 la première étude approfondie de l’ASI comportant la description de plusieurs cas de type 1. Dans cette monographie, Brandt a passé en revue 112 patients issus de 69 familles danoises. Il a affirmé le caractère autosomique récessif de la maladie et a attiré l’attention sur son hétérogénéité clinique et l’extrême variabilité de son évolution [15]. D’autres auteurs [16] ont décrit aussi une forme d’évolution prolongée, débutant entre 2 et 17 ans, la marche restant possible jusqu’à l’âge adulte. C’est en 1961, avec les travaux de Byers et Banker qu’apparaît la première classification des amyotrophies spinales en fonction de l’âge d’apparition des premiers signes et de l’évolution. Cette classification a établi une corrélation entre l’âge de début de la maladie et le pronostic. Il est alors devenu possible d’élaborer une stratégie thérapeutique appropriée [17]. Les ASI, du fait de leur caractère familial, étaient considérées comme des maladies héréditaires se transmettant sur un mode autosomique récessif. Le caractère génétique de la maladie étant reconnu, il s’agissait alors de savoir si les différentes formes d’ASI résultaient d’un même désordre génétique. Dubowitz (1964) a considéré la forme intermédiaire comme une entité clinique à part. Il a souligné la difficulté d’établir une ligne de démarcation entre les différentes formes cliniques de la maladie. Il a suggéré qu’elles pourraient être des variantes d’une même entité relevant d’un même désordre Génétique [18]. Des études génétiques [19], électromyographiques [21;22] et biopsiques [23] ont suggéré que la forme aiguë infantile est une entité distincte. Cependant la variabilité, au sein d’une même fratrie, de l’âge de début et de la gravité de la maladie a conduit certains auteurs à penser que les différentes formes de la maladie ont le même substrat génétique [23,24]. Analysant les ASI de type I, Pearn en 1973 [20] a établit formellement la responsabilité d’un gène récessif autosomique dans tous les cas familiaux de la maladie. Dans une étude consacrée aux formes chroniques de la maladie, Pearn en 1978 [25] a analysé la variabilité intra et extra familiale au sein des familles de 124 patients. Il n’a relevé aucune différence significative entre les différentes familles. Il a conclu que l’altération d’un seul gène autosomique récessif était responsable dans 90% des cas de la maladie. L’hétérogénéité clinique intrafamiliale n’a trouvé cependant aucune explication : des formes de types I et II ou des formes de types I et III (exceptionnellement) ont été retrouvées au sein d’une même fratrie. C’est en 1990 que l’homogénéité génétique des trois formes d’ASI était établie. Grâce aux méthodes de génétique inverse, des chercheurs ont localisé le gène responsable sur le bras long du chromosome 5 (5q11.2-q13.3), dans une région comprenant 10 millions de paires de bases [26-28]. En 1991, une classification est adoptée par le Consortium International des ASI [4]. Pour la première fois, un support nosologique cohérent permet d’établir des groupes homogènes pour la recherche génétique.
En janvier 1995, le gène SMN (Survival Motor Neuron) codant une protéine jusque-là inconnue est identifié en France par l’équipe de Judith Melki. SMN est le gène déterminant la survenue de la maladie. L’anomalie responsable est une délétion dans plus de 95% des cas [29]. Depuis 1996, de nombreux travaux ont permis de mieux connaître la structure et la fonction de la protéine SMN.
L’amyotrophie spinale infantile se transmet selon un mode autosomique récessif [1]. Ceci signifie que cette maladie survient chez des sujets homozygotes pour un gène délétère. Si b est ce gène délétère, B étant l’allèle normal, les sujets malades ont le génotype bb, tandis que les sujets homozygotes BB ou hétérozygotes Bb ont un phénotype normal. Les sujets malades naissent, dans la quasi-totalité des cas, de l’union d’une femme et d’un homme hétérozygotes Bb. De ce type d’union naitra une fois sur quatre un enfant atteint bb, une fois sur deux un enfant hétérozygote Bb, et une fois sur quatre un enfant homozygote BB (figure 24).
C’est en 1990 qu’une liaison a été trouvée pour la ASI de type I et III avec le chromosome 5q11.2-q11.3 (figure 25) [1,30]. La construction d’une carte physique a montré que cette région contenait une duplication inversée de plus de 500 kb avec des séquences répétées spécifiques, rétrotransposons et pseudogènes, qui vont conférer à cette région une propension aux larges délétions. Quatre gènes ont été identifiés dans cette région : le gène Survival Motor Neuron (SMN) [29], le gène Neural Apoptosis Inhibitory Protein (NAIP) [31], le gène p44 [32], qui code une sous-unité du facteur transcription TFIIH, et le gène H4F5, de fonction inconnue.
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