Amélioration du suivi des patients sous anticoagulants oraux grâce aux entretiens pharmaceutiques

Les AVK : une variabilité thérapeutique inter et intra-individuelle qui imposent une adaptation des posologies

Les AVK sont des traitements à index thérapeutique étroit et leur action est variable selon l’individu. Il n’y a pas de posologie fixe.
La première dose est toujours probatoire puis le médecin adapte la posologie dans l’objectif d’atteindre la cible thérapeutique. La dose initiale de la Fluindione est de 20 mg puis elle est augmentée par paliers de 5 mg. Celle de la Warfarine est de 5 mg, modulée par paliers de 1 mg. Enfin pour l’Acénocoumarol, elle est de 4 mg, augmentée par paliers de 1 mg.
Chez le sujet de plus de 75 ans et chez le sujet de plus de 65 ans polypathologique, la dose initiale est divisée de moitié soit 10 mg pour la Fluindione, 5 mg pour la Warfarine et 1 mg pour l’Acénocoumarol . Son suivi biologique repose sur le dosage de l’International Normalized Ratio (INR) qui est le rapport entre le temps de coagulation du sang d’une personne et celui d’un témoin.
Les doses sont ainsi adaptées en fonction de l’INR. Ce contrôle se fait autant que possible dans le même laboratoire d’analyses médicales pour que les résultats soient comparables.

Les anticoagulants oraux direct (AOD) : médicaments iatrogènes à usage plus récent

Les AOD sont une classe de médicament plus récente que les AVK. Leur première utilisation date de 2008 pour le dabigatran et le rivaroxaban, et de 2011 pour l’apixaban. Leur mise sur le marché a été justifiée pour un usage plus simple que les AVK. Les AOD présentent d’autres intérêts : leur dose fixe, des effets quasi-immédiats et l’absence de suivi biologique.
Cependant le risque hémorragique reste le même et est différent de la localisation du saignement et l’AOD. Le frein principal à leur utilisation est l’absence d’antidote. Seul le dabigatran a un agent de neutralisation spécifique nommé idarucizumab (Praxbind®).
Toutefois, de nombreux journaux scientifiques révèlent la sortie imminente de l’andexanet, appelé Ondexxya® : un antidote aux anticoagulants agissant sur le facteur Xa. En effet, le laboratoire devrait décrocher une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) conditionnelle si l’Agence européenne du médicament donne son accord .

Qu’est-ce qu’un entretien pharmaceutique ?

Un entretien pharmaceutique est un entretien entre le patient et le pharmacien, où son traitement, ses connaissances actuelles sur sa pathologie et ses médicaments sont analysés.
Cet entretien est personnalisé et adapté au patient afin de répondre au mieux à ses besoins. Le but étant d’assurer l’adhésion du patient à son traitement.
L’entretien pharmaceutique devient une activité essentielle et incontournable pour le pharmacien, et s’impose comme indispensable dans le parcours de santé du patient. Il s’inscrit dans une démarche durable, et constitue une étape à part entière du traitement.
En effet, un patient informé sur son traitement détient les bons réflexes face à une situation et des symptômes inhabituels. C’est l’objectif de l’entretien pharmaceutique : informer pour prévenir. Outre la volonté des autorités de santé, l’envie du patient d’en savoir davantage est présente. Une étude, datant de décembre 2016 , le met en avant : près de 30% de patients sortants d’hospitalisation aimeraient avoir de plus amples informations sur leurs traitements médicamenteux. Aussi, de nombreuses études relevant la satisfaction des patients ayant reçu un entretien pharmaceutique, rapportent une satisfaction à plus de 90%.
Plusieurs supports sont proposés au pharmacien afin de l’aider à réaliser des entretiens, notamment ceux de l’assurance maladie, des OMEDIT régionaux, de sociétés savantes de pharmacie, ou encore ceux d’autres hôpitaux.

Points forts des entretiens pharmaceutiques

Amélioration de l’adhésion au traitement :Une meilleure connaissance d’un traitement permet une meilleure adhésion et une meilleure observance.
Depuis l’avènement des entretiens pharmaceutiques, un certain nombre de patients ont profité de ce programme. De ce recul, l’assurance maladie a noté que : les trois quarts des pharmaciens (74%) pensent que le dispositif permet aux patients d’améliorer leurs notions sur leur traitement AVK, et que, pour 7 pharmaciens sur 10 (71%), les entretiens pharmaceutiques sont un moyen de développer une relation de proximité avec le patient.
Du point de vue des patients, 81% attribuent une note supérieure à 5/10 à cette assertion et affirment que ces entretiens les aident à prendre conscience de la nécessité du suivi et du contrôle des INR, et à mieux connaître leur traitement AVK dans 74% des cas.
L’expérience de l’Hôpital d’Instruction des Armées Laveran va également dans ce sens. Un bilan à 3 ans d’entretien pharmaceutique sur les ACO est présenté en Partie III de ce travail.
Nouvelle mission du pharmacien :Cette nouvelle forme de prise en charge du patient donne de nouvelles missions et responsabilités au pharmacien. Elle renforce la légitimité du métier de pharmacien dans le parcours de soins du patient.
Ces activités d’accompagnement du patient et de prévention prennent de plus en plus de place dans le milieu officinal. En effet, le rôle du pharmacien est renforcé en matière de pharmacie clinique. Cette activité, à l’origine, était pratiquée essentiellement par les pharmaciens hospitaliers mais les derniers textes législatifs ont permis au pharmacien d’officine d’y participer. Cette discipline a pour objectif de recentrer l’exercice de la pharmacie autour du patient et non autour du produit. A ce titre, les entretiens pharmaceutiques en font partie.

Limites des entretiens pharmaceutiques

Des limites administratives : facturation et paiement. Certains pharmaciens se sont malheureusement désintéressés des entretiens pharmaceutiques. En effet, après la mise en place de ces nouveaux entretiens qui apparaissaient comme novateur à l’époque, le pharmacien s’est tout de suite vu confronté à un problème de temps et d’argent. Pourtant le premier bilan à un an, concernant les entretiens pharmaceutiques dans le cadre des AVK, semblait encourageant. Ce rapport révèle une note de satisfaction globale de 6,8 sur 10 attribué par les pharmaciens et de 8,7 sur 10 par les patients. Mais l’engouement de départ fut rattrapé par les limites de ces entretiens. D’après eux, une paperasse trop importante mais malgré tout nécessaire pour prouver la bonne réalisation des entretiens, et justifier d’une rémunération auprès de la sécurité sociale. Une rémunération jugée trop basse pour le temps passé est également rapportée. Elle est ainsi passée à 50 euros, au lieu de 40 euros, même si pour certains, cela est encore insuffisant.
Les délais de paiement sont également une des limites soulevées par les pharmaciens : un an après, avec de nombreux dossiers non-validés par la sécurité sociale.
Des difficultés organisationnelles :Le pharmacien doit disposer d’un espace confidentiel pour recevoir les patients. D’après l’article 8 de la convention pharmaceutique : «Le pharmacien prévoit dans son officine un espace de confidentialité où il peut recevoir isolément les patients. Cet espace est réputé adapté dès lors qu’il permet un dialogue entre le pharmacien et le patient en toute confidentialité».
Cette exigence peut alors être un frein à la réalisation des entretiens car les pharmaciens ne disposent pas tout le temps de l’espace approprié.
Les entretiens peuvent également se faire au domicile du patient mais cela soulève encore une fois le problème du temps. Le pharmacien aurait-il le temps de se déplacer au domicile du patient? Certaines pharmacies trouvent ce temps et livrent les patients trop fragiles pour se déplacer. Cela peut être alors une solution. Le pharmacien peut ainsi livrer et réaliser un entretien à domicile, le patient est alors chez lui, plus à l’aise et plus en condition pour se livrer et se concentrer sur l’entretien pharmaceutique.
Une organisation du personnel est nécessaire. Il faut aménager le temps de travail et réorganiser l’équipe pour cette nouvelle activité.

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Table des matières

INTRODUCTION 
Partie I : Les anticoagulants oraux, des traitements identifiés à risque
I) L’hémostase 
1) L’hémostase primaire
2) La coagulation
3) La fibrinolyse
II) Les Anti-Vitamines K : au premier rang des médicaments iatrogènes 
1) Le mécanisme d’action des AVK
2) Les AVK : des médicaments à marge thérapeutique étroite
3) Les AVK : des indications ciblant une population à risque
4) Les AVK : une variabilité thérapeutique inter et intra-individuelle qui imposent une
adaptation des posologies
5) Des interactions nombreuses et à risques
a) Les interactions médicamenteuses
1. Les interactions pharmacocinétiques
i. L’induction enzymatique
ii. L’inhibition enzymatique
iii. L’augmentation de la forme libre
2. Les interactions pharmacodynamiques
b) Les interactions alimentaires.
6) Effets indésirables, contre-indications et précautions d’emploi
a) Les effets indésirables
b) Les contre-indications
c) Les précautions d’emploi
7) Le cas particulier de la grossesse sous AVK
8) Les accidents sous AVK
a) Surdosage et accident hémorragique
b) Sous dosage et accident thromboembolique
9) Conduite à tenir en cas de chirurgie
a) La chirurgie programmée
1. Sans arrêt des AVK
2. La chirurgie programmée avec arrêt des AVK
b) La chirurgie urgente non programmée
III) Les anticoagulants oraux direct (AOD) : médicaments iatrogènes à usage plus récent 
1) Le mécanisme d’action des AOD
2) La pharmacocinétique des AOD
3) Indications et populations à risque
4) Surveillance du traitement
5) De nombreuses interactions à risques
a) Des interactions nombreuses et à risques
1. L’induction enzymatique
2. L’inhibition enzymatique
b) Les interactions pharmacodynamiques
6) Effets indésirables, contre-indications et précautions d’emploi
a) Les effets indésirables
b) Contre-indications
c) Précautions d’emploi
7) La grossesse sous AOD
8) Accidents sous AOD
a) Surdosage et accident hémorragique
b) Sous dosage et accident thromboembolique
9) Conduite à tenir en cas de chirurgie
a) La chirurgie planifiée
b) La chirurgie non planifiée
IV) Comparaison AVK vs AOD
Partie II : Les entretiens pharmaceutiques
I) Principe et réglementation à l’officine
1) Qu’est-ce qu’un entretien pharmaceutique ?
2) Un cadre légal et réglementé
II) Déroulement classique de l’entretien pharmaceutique en officine
1) Étapes et processus
2) Points forts des entretiens pharmaceutiques
a) Amélioration de l’adhésion au traitement
b) Nouvelle mission du pharmacien
c) Vers un autre modèle de la pharmacie
d) Nouvelle source de rémunération
3) Limites des entretiens pharmaceutiques
a) Des limites administratives : facturation et paiement
b) Des difficultés organisationnelles
c) Un manque de formation
d) Une approche méconnue des patients
III) Les entretiens pharmaceutiques à l’hôpital : un autre modèle, exemple de l’Hôpital d’Instruction des Armées Laveran 
1) Identifier les patients
2) Recueil des données médicales
3) Réalisation de l’entretien pharmaceutique
4) Compte rendu de l’entretien pharmaceutique
5) Un projet lien ville-hôpital
Partie III : Bilan après trois ans d’entretiens pharmaceutiques sur les anticoagulants oraux à l’HIA Laveran
I) Contexte et historique 
1) Période 1 (de septembre à décembre 2015) : les entretiens pharmaceutiques en ses débuts à
l’HIA Laveran
2) Période 2 (de janvier 2016 à juin 2017) : ajout des anti-vitamines K (AVK) et création de nouveaux guides d’entretien
3) Période 3 (de juillet 2017 à juillet 2018) et 4 (de août 2018 à décembre 2018) : évolution des
outils et améliorations des pratiques
II) Objectif
III) Matériels et méthodes 
IV) Résultats
1) Données générales
2) Évaluation des connaissances des patients AVANT et APRES l’entretien
a) Niveau de connaissance AVANT les EP
b) Niveau de connaissance APRES l’entretien pharmaceutique
V) Discussions
Partie IV : Retour d’expérience officinale
I) Introduction
II) Objectifs
III) Matériels et Méthodes
IV) Résultats
1) Données générales et pratiques d’entretiens pharmaceutiques en pharmacie d’officine
2) Avis du pharmacien d’officine sur le CR de l’EP envoyé par l’HIA Laveran
3) Utilisation en pratique des informations apportées par le CR
4) Avis des pharmaciens d’officine sur la démarche et les EP en officine
V) Discussion 
Conclusion 
Annexes

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